mardi 9 novembre 2010

Voyage au campo 4


Accoso y Chorizo
Où en étais-je ? A partir de cette ligne je n’ai plus le support de Moleskine, mon âne à moi - rapport à Modestine de Stevenson… ben oui, il faut tout expliquer au cas où les chauffeurs viendraient lire…warf ! j’ai honte… avec leur copine, Bécassine… - Je suis dégueulasse : je n’arrive pas à les lâcher… je ne suis pas fier de moi vous savez… oh non… pas du tout… s’acharner, comme ça… si je croyais encore en Dieu, je pourrais aller me confesser fissa… me délivrer de cette charge… mais là… je dois tout assumer, tout absorber dans mon psychisme et m’arranger avec mon Surmoi : vous croyez que c’est facile ? Donc j’en étais où de ma narration ? Ah ben oui : on roulait ! Eh bien treize heures après, c’était toujours le cas. Mais rien d’alarmant, avec le car, c’est normal, on roule tout le temps et on n’arrive jamais. C’est La caractéristique du car. Pourquoi se l’inflige-t-on ? Je me le demande. Ah si, je sais. Parce qu’on n'a même pas un GPS à écouter ou une carte et un territoire (enhorabuena Houellebecq, ce n’est que justice) à consulter : on se laisse aller. A quoi, je ne sais, vu que lire donne envie de gerber, qu’écrire est possible sauf si on prétend se relire, et dormir, illusoire, à moins d’ingurgiter un cocktail de ma fabrication que je ne recommande à personne : de la bonne vieille Pollaramine pilée avec une dose de Lexomil qu’on mélange à un Imovanne préalablement revenu à feu doux, le tout saupoudré d’un Lysanxia vu que l’angoisse existentielle de ne jamais atteindre son but est quand même le syndrome majeur du touriste embussé. Quatorze heures d’aventures roulantes et nocturnes plus tard, on éprouve une légitime envie de s’étendre de tout son long dix minutes, de s’étirer, de prendre une douche chaude et drue, de se changer, de découvrir sa chambre, poser sa valise… eh bien non. Vous faites partie d’un voyage d’intégristes de la tribu de ‘’Ceusskivoulévoirdétoros’’ et vous avez rendez-vous dans la matinée avec la première ganaderia, histoire de rentabiliser le déplacement.

Si Brel chantait qu’on’’ voulait voir ta sœur et on a vu ta mère’’, nous on aurait plutôt vu ta sœur, car – entre le bus et la conjonction de coordination…- de El Rollanejo où l’on devait se rendre, c’est Juan Luis Fraile qui nous attendait à Robliza de Cojos. Sur le papier on y gagnait. Mais… ‘’attendait’’ s’avèrerait une notion ‘’locutant’’ plus haut que son orifice étymologique, en fait. Si, quand même, on a vu : des ballots de paille, des chevaux, des porcs, des bœufs pour la viande, que certains – grands spécialistes du campo – ont pris pour des bravos… mdr !




Et c’est là que le deuxième chauffeur, le pire, oui, l’autre était tellement désarmant de … naïveté, finalement, que ça lui donnait un air pathétiquement gentil. Gentiment pathétique aussi, c’est vrai. Le deuxième chauffdu est apparu dans toute sa… comment dire… morgue, peut-être. Ce Julio Iglesias des wagons roulants surpeuplés, très content de lui et de son look seventies, se permettait d’engueuler et d’apostropher le groupe et les organisateurs. Il n’avait certes pas à nous parler de la sorte mais on prit le parti de s’en moquer, on allait quand même pas dès le premier jour de nos vacances, s’arroger fils de Dieu en multipliant les poissons et les pains, même s’il en méritait un qui l’aurait rendu plus avenant et gracieux. On le laissera arborer durant tout le séjour ses vestes ringardes et son horrible cravate crème, noire et caca d’oie pour la soirée de gala, afin que le chic français soit dignement représenté jusqu’au fin fond de l’Extremadure. Mais rassurons ici le lecteur, on n’en fera pas le héros malheureux de ce texte, lui dont le seul souci était justement d’acquérir l’importance qu’il n’avait pas.


Aaaah… je viens de me relire et je crois avoir atteint le point de défoulement quasi cathartique concernant ce dur métier de chauffeur. Je promets de ne plus en parler. Sauf à se parjurer par plaisir… Qu’on me pique, je suis infernal… Tiens un bon gros Kenacort retard pour mater mon allergie aux chevaux, non ?


Bref – ce n’est dans ma bouche qu’un tic de langage…- je fis partie, je l’avoue, de la frange du groupe qui escalada la première remorque du voyage pour un tout petit tour bâclé au sein de cette prestigieuse ganaderia à l’origine Conde de Santa Coloma y Graciliano Perez Tabernero, ancienneté 1895. Le mayoral dont l’arcade gauche était recouverte d’un joli sparadrap blanc – un pain ? – nous vanta un lot, un seul, qu’il certifia pour Madrid 2011. Bon, si tu le dis l’ami… Lui, l’homme du campo, le conocedor des toros leur partait au cul en droite ligne ce qui nous fit les pousuivre tout du long sans jamais les voir très bien…


Je crois bien que c’est en fin de cette matinée-là que nous assistâmes à un accoso y derribo à la finca Rodas Viejas à Aldehuela de la Boveda sous un grand soleil chaud, dans un paysage quasi désertique où nous prîmes le meilleur des apéritifs champêtres qui se pouvait imaginer : costilla asada, longaniza al vino, morcilla de piñones, tortilla de patatas, panceta asada, regada con vino y agua. De l’avis général, todo perfecto. Merci pour la fiche descriptive me permettant d’être si précis.

L’accoso y derribo ne fut guère de catégorie avec des vaquillas un peu faiblardes sauf celle qui se prit les antérieures dans les barbelés et qui faillit nous obliger à manger la morcilla de piñones à plat ventre sous les tables… Aaaah qu’il eût été bon de suçoter de concert la morcilla, allongés dans le foin avec le soleil pour témoin tout contre Mélanie sous l’œil inquisiteur de sa maman… Mélanie, une des aficionanas dont je vous parlerai ultérieurement – une émotion après l’autre s’il vous plait – mais finalement la vache, bien encornée, renonça à nous charger vraiment.




Le problème c’est que repus comme nous l’étions, il nous fallait encore passer à table. Je reprends la fiche technique :


- Entremeses de ibérico de bellota
- Alubias con chorizo, oreja y morro
- Carne de buey con setas
- Tartas san Marcos (eh oui…)
- Café et digestif dulce y fuerte
- Rototo
- Citrate de bétaïne
- Ercéfuryl y Imodium

Bon, j’ai rajouté un peu de pharmacopée vu que vous me prenez pour un comique et que je ne voudrais pas vous décevoir. C’est dire si nous étions plombés comme des bombardiers B52 en approche de cible quand il s’est agi d’affronter la fine fleur du ganado bravo sur le sable de tous les dangers. Il faut signaler ici que j’avais un phénomène à ma table : le dénommé Rémy, alias ‘’feu jacques Bon’’ pour la ressemblance, alias ‘’Louis la brocante’’ pour ses penchants chineurs, soit le type le plus mince jamais rencontré, qui ratissa tout le rab qu’il trouva et l’engloutit sans coup férir ni prendre un gramme. Injuste mais vrai. ‘’GG’’, lui, fourbissait ses mollets car il allait être ‘’grand’’ au cours de l’épreuve qui suivra, vous l’allez voir, après qu’une nuit réparatrice au moins, me donne envie de vous la conter.




5 commentaires:

Marc Delon a dit…

Gina qui a toujours beaucoup d'imagination me dit que ce flou de la première photo va très bien avec mes doutes coupables concernant mon manque de charité envers les chauffeurs de bus...
Ce à quoi je lui réponds quand même d'enfiler ses lunettes et de cliquer sur la photo pour l'agrandir afin de voir le toro qui se mire dans l'onde pure, slurp. Faites-en autant.

Anonyme a dit…

Oui, je croyais naîvement que dans ce flou pictural, Marc se battait sa coulpe. Je me préparais à le réconforter, affirmant que pour ne pas somatiser - comme ils disent -, c'était salutaire de détester son prochain et de se laisser aller à ses exaspérations.
quelle idiote!j'apprécie cependant beaucoup Campo 4 et les photos.
Gina

Maja Lola a dit…

En tout cas tu es hypermédicalisé pour tes déplacements. Le cocktail "dodo" n'est pas le "pot belge" mais va savoir les performances induites.
Quant au Citrate et à l'Imodium, assortiement indispensable de tout "baise-en-ville" du parfait gourmet gastronome, il a dû en dépanner plus d'un dans cette aventure. Non ?
C'est marrant, je connais un Rémy copié/collé du tien : mais le mien s'appelle Bernard. Il nous finit tous les plats. C'est la terreur de la maison Tupperware.
Vivement la suite qui nous paraît alléchante.

Marc Delon a dit…

<< Quant au Citrate et à l'Imodium, assortiement indispensable de tout "baise-en-ville" du parfait gourmet gastronome, il a dû en dépanner plus d'un dans cette aventure. Non ? >>

eh oh ! je suis lié au secret professionnel moi, en terme de santé !

Maja Lola a dit…

Tout à fait d'accord avec toi. Et c'est aussi pour cela qu'on t'aime, amigo.