dimanche 2 octobre 2011

Larmes de Sperme



L'Apollonide de Bertrand Bonello


"Les hommes ont des secrets mais pas de mystère"


Que vous vouliez vous repaître comme un fauve de sa proie, de l'innocence de Pauline dans une baignoire de champagne, que vous désiriez que Léa vous interprète une docile poupée automate toute dévolue à votre fantasme ou que votre humanité vous pousse à offrir un peu de compagnie à la « femme qui rit » désormais plus réjouie que par son infirmité, ou, que d'un âge avancé, la vue soit le dernier des sens à combler, c'est à l'Apollonide qu'il faut vous rendre. Atmosphère feutrée et libertine mais pas si légère que ça, éclairage à la bougie, miroirs aux cadres dorés à la feuille, drapés lourds, bergères et méridiennes capitonnées où s'alanguir comme une panthère pour ronronner sous les caresses alors que la déviance agressive reste une option, c'est dans ce cadre cossu que ce gynécée aux regards vidés par l'oisiveté évolue péniblement, avec lenteur, fatigue et résignation. Bien sûr ces pauvres filles à qui ce travail donne une vie en communauté, presque familiale, sont au moins entourées et partagent quelques moments de convivialité. Protégées de l'égoïsme et de la folie des hommes, non. Débarrassées des apprêts de la putain, elles redeviennent lors de la toilette où l'on se prête le savon antiseptique - dérisoire barrière à la ''chtouille'' tant redoutée - des femmes à la beauté plus ordinaire, comme le sont toutes les femmes aux premières lueurs de l'aube quand rien ne vient détourner de leurs imperfections le regard de loup que ne cessent de leur porter les hommes après qu'elles les ont piégés et étourdis par la science de leurs attraits.


L'Apollonide n'a rien d'un bordel de bord de route pour routiers impatients et rebeus frustrés. Les clients y sont des notables réguliers qui nouent des relations d'habitude avec leur favorite. Comme une maîtresse qui aurait enfin oublié d'être pénible et avec laquelle les échanges tarifés auraient pour de bon réglé toute question existentielle. Que vous croyez. Ce serait méconnaître les femmes d'autant plus que nous sommes ici loin de notre temps cynique, jetable et pragmatique et les filles éprouvent les mêmes rêves que les amoureuses même s'ils se muent le plus souvent en cauchemars, même si les aspirations sont ravalées au rang des fantasmes à assouvir, on rêve à celui qui serait assez chevaleresque pour gommer ce statut de catin et ce passé public qui colle aussi lourdement à la peau qu'un client gras comme un porc, on rêve à celui qui payerait la dette par laquelle la mère maquerelle vous tient, à celui qui vous emporterait loin des tordus, loin de la maladie, loin de cette oisiveté qui mine l'esprit et anéantit l'étincelle du regard, loin, très loin d'ici, dans l'amour et le respect... Alors, quand le sordide s'installe à la place de cet espoir, quand on n'a plus rien pour se raccrocher à l'amour, quand votre client habituel, par le rite de cette habitude même, vous donnait l'impression que vous étiez unique, choisit soudain une autre fille pour épanouir sa libido, toute fille de joie que vous êtes, c'est la tristesse qui vous envahit, vous êtes aussi trahie que n'importe quelle femme et une décompensation sévère s'instille en vous aussi sûrement que s'instillaient ses geysers spermatiques. L'opium sera alors le seul moyen de s'évader. A ce petit jeu du drame ordinaire des désillusions humaines ce sera Pauline, la plus jeune et supposée plus fragile qui s'en tirera le mieux, profitant plus du système que le subissant, finalement protégée par son immaturité. Elle l'empêchera de se poser les bonnes questions et de se noyer dans les états d'âme des plus âgées dont la vie cherche un sens.


Pour la plupart, et parce que « les hommes ont des secrets mais n'ont pas de mystère » c'est la prémonition onirique de « la Juive » de « la femme qui rit » qui s'avérera : pleurer des larmes de sperme sur une bouche rouge à qui la perversion d'un homme a donné pour l'éternité le sourire perdu des femmes déçues.
La photographie de ce film, sa lumière très « Barry-Lindonienne », son rythme et bien sûr son thème en font un film digne de vous sortir de la profondeur léthargique de votre canapé télévisuel pourtant déjà inspiré du thème avec le "Maison close" de Canal+. Bertrand Bonello le réalisateur, impose je crois volontairement au spectateur de se perdre dans les références psychiques de ces femmes, des références qui s'imbriquent sans que l'on puisse toujours affirmer s'il s'agit d'un passé qui hante leur mémoire ou d'une projection souhaitée, d'un présent fantasmé ou encore d'une folie douce déconnectée du réel. Les photographes apprécieront particulièrement le générique de début avec sa collection de portraits magnifiques en noir et blanc.




13 commentaires:

Maja Lola a dit…

"Les hommes ont des secrets mais pas de mystère". Et avec cette belle reseña tu ouvres la porte des secrets.
Au delà de l'atmosphère que tu sais restituer, ce qui touche c'est la sensibilité et la justesse avec lesquelles tu présentes ces femmes (sans avoir vu le film, on peut imaginer ce qu'elles peuvent vivre d'espoirs, de déceptions, d'humiliations et cruautés)

Loin d'envisager confesse dans la chapelle, on a envie d'aller voir ce film. Car malgré les détresses, la tristesse et les humiliations, le fantasme de l'interdit et du sulfureux existe ....

Les femmes, elles, ont des secrets ET des mystères.
Etonnant, non ?

Anonyme a dit…

On est en plein "Colette" et vos impressions donnent envie d'en retrouver l'époque.
Gina

Marc Delon a dit…

Alors les mecs ? On moufte pas ? les commentaires de Gina y Lola sont déjà dans les startings-blocks, vous pensez bien... mais dorénavant je ne les publierais que lorsque des porteurs d'attributs virils se seront prononcés... m'en fous, moi, je les ai lus...
En l'occurrence, sur les bordels, logique, non ?
Allez zou, avouez... votre femme ne vient sûrement pas lire par ici... Oh et puis elle s'en doute bien, depuis le temps... y'a prescription... vous y avez bien fais un tour un jour au moins pour boire un coup, non ? Et ouiiii l'alibi est dans le lieu même de perdition : on peut boire un coup et ressortir, personne ne vous attache au lit de force... Et puis, une bonne petite visite ethnologique une fois pour toutes
pour n'en dénoncer que mieux l'indignité, ça ne mange pas de pain auprès de votre femme, hein ? Moi je l'ai fait, moi, et y'a mon nom partout dans ce blog... tandis que vous... allez-y, signez Rocco c fredo puis cliquez sur "anonyme" et on saura même pas que c'est vous... OUHOUH les courageux, les cathos mariééés OUHOUuuuuu où vous êtes ? Allo .... ?

Anonyme a dit…

Foutre ça un dimanche...m'enfin Marc, ça va pas la tête ? Tu aurais pu attendre lundi, après que toute la famille se soit dispersée. Qué mauvais goût !
Et puis cette façon de mère maquerelle, de nous héler du haut de ses escaliers en bois précieux, de nous inviter à monter...
Je reste en bas, au bar, ce soir. Peut être que Lièvremont va passer. Salut.
JLB

Anonyme a dit…

Bon ben voila, mon cher Marc, on est quand même mieux entre nous le lundi...
L'Apollonide, qui fut réellement un célèbre et luxueux bordel parisien, ne ressemble en rien à celui que tu as peut être connu rue des Tondeurs à Nîmes avec sa taulière Jeanine, sa voix toute fracassée et sa tronche en biais ? Et celui de la Route d'Avignon dont je ne me rappelle plus le nom ? Etonnant non ? comme diraient en choeur Maja Lola et El Chulo.
Et si tu avais le bon goût de nous organiser un repas sympathique, comme le suggère Maja Lola (qui a eu la gentillesse de m'inviter, moi qui l'avais traitée jadis de "pré carré delonesque"...) nous pourrions assurer tes convives de vieilles histoires nîmoises. Avec l'assurance de ne plus finir, tout décadents que nous sommes, chez une "Jeanine" du centre ville. Par contre, si l'autre se pointe en tutu...
Je sais bien que tu ne veux plus subir désormais, mais bon, on t'aidera. A ver.
JLB

Marc Delon a dit…

M'enfin... meuh non, j'ai rien connu de tout ça à Nîmes, moi... c'était à quelle époque ? en 65 ? j'étais encore bien élevé à l'époque, je sortais de Dalzon et de Saint-Jean Baptiste de la Salle, j'allais aux louveteaux où j'étais amoureux transi de mon Akela, pas plus... non mais... un innocent comme moi...

Anonyme a dit…

Route d'Avignon ..... "Les Tonnelles" ?

La Belle Respire

Anonyme a dit…

Ouiiiiiiiii ! C'est ça : LES TONNELLES !!!!
Et le Marc qui ne pipe (!!!) mot sur ce lieu délectable... qui nous joue "aux innocents les mains pleines". Elixirman, autre tordu, appellerait Marc "L' aspire qui rebelle". Merci "Belle qui respire", avec un surnom pareil tu dois avoir de beaux poumons... Miam. Tu es conviée à nos agapes.
JLB

Marc Delon a dit…

Eh ben monZZZami... le come-back de JLB est des plus tonitruants !

Elixirman a dit…

C'était pas plutôt en 69 ? Cette année là, la belle qui respire devait adorer le tennis en pension...
Avec une belle cravate de notaire, le clerc du notaire n'arrivait pas à atteindre son but. Mais à cette époque, le préfet de Nîmes voulait plus d'écus pour son Gard pendant que le marquis caressait le jonc de sa canne.
Et puis,le prieur tira son capuce devant le préfet.

Adessiats.

Marc Delon a dit…

Alors voyons ce qu'à pondu l'anti :

le pénis en tension
plus d'égards pour son cul
caressait le con de sa jeanne

y'en a d'autres ? Avec le prieur peut-être ?

Elixirman a dit…

Un peu d'aide Marcus :
Son capuce devant le préfet...

Marc Delon a dit…

Son prépuce devant le café, ok...