mardi 4 juin 2013

Nouvelle

La Gardianne de Taureau


Il cuisinait merveilleusement la gardiane de taureau. Ses amis se faisaient une joie d’être invités à sa table pour déguster le plat traditionnel. Ces rendez-vous attendus éveillaient les sens, déliaient les langues et ouvraient l’imaginaire. Il apportait le met accompagné de riz camarguais ou de Belle de Fontenay et alors éclatait un feu d’artifice d’exclamations : des Oh ! des Ah ! sonores et bien ouverts envahissaient l’espace. C’était comme on dit inconsidérément aujourd’hui : que du bonheur ! Mais ce soir de féria de pentecôte, à peine avait-il posé son œuvre sur la table qu’un cri strident vint percer les exclamations : un ih ! qui défigura d’une sordide grimace le visage de la coupable. Tous la regardèrent et elle devint aussi rouge qu’une muleta. L’étrange réaction de cette parisienne que l’hôte vénéré accueillait pour la première fois plomba l’ambiance. Elle était apparue si délicate et si distinguée jusqu’à présent ? Un ange passa. On s’interrogea du regard. Mais la bienveillance de cette petite humanité reprit très vite le pouvoir. Tous retrouvèrent le sourire. Quelques uns allèrent interroger la jeune femme quand le cuisinier du soir intervint : Sophie ! Tout va bien ? Elle resta bouche bée un certain temps et un deuxième ange passa. Elle lança un : excusez moi et fila se réfugier à l’étage. Il rassura ses amis : je vous en prie commencez à manger. Ca va refroidir. Pierre s’il te plait, débouche le costière, il est sur le buffet. Il faillit renverser le vase au pied de l’escalier mais le rattrapa in extremis, le reposa sur son socle en jetant un dernier regard sur ses amis. Gisèle avait ôté le couvercle de l’énorme casserole en fonte et la fumée du plat chaud dessinait des petits nuages montants. Il entendit le sacro-saint bruit du bouchon expulsé du goulot. Rassuré, il monta les marches avec les bruits familiers de la convivialité retrouvée. Dans le couloir, il reconnut la lumière de la lampe de chevet dans l’entrebâillement de la porte. Il s’approcha et regarda discrètement. Elle était assise au pied du lit. Prostrée, elle fixait du regard ses pieds nus. Il l’observa un instant : la perfection de ses jambes, les arrondis de ses genoux que sa robe légère dénudait. Au bas de l’armoire sa valise ouverte donnait à la pièce une atmosphère de chambre d’hôtel : la solitude de cette fille paraissait immense. Il se reprocha ses considérations esthétiques. Il ouvrit doucement la porte. Il s’approcha. Il s’accroupit à ses pieds. Il prit doucement ses deux mains dans les siennes et les baisa tendrement. Elle sourit. Il perçut un léger tremblement de son corps. Il remonta ses mains sur ses bras, ses épaules. Il osa un : comment ça va ? Elle le regarda un long moment. Elle posa un doigt sur ses lèvres. Il le mordilla. Un sourire à peine gai anima son doux visage. Les caresses de l’homme se firent un peu plus audacieuses. Elle articula : alors comme cela vous les mangez ! Elle posa la tête sur son épaule. Il embrassa son cou. Elle frissonna. Il prit son visage entre ses mains et la profondeur de leurs baisers décupla leurs désirs. Elle retira prestement sa robe. Il lui ôta ses sous-vêtements. Il embrassa son sexe puis se déshabilla et la pénétra. Ils passèrent avidement d’une position à une autre. Elle jouit et il étouffa son cri de la paume de sa main. Ils se fixèrent du regard les yeux rieurs : du lointain ils percevaient les bruits de la fête en ville ; un silence précieux les unit. Elle le renversa sur le dos, prit son sexe dans sa bouche. Les rires des amis en bas se firent plus sonores. Il jouit à son tour frappant le matelas de coups de poings sourds. Elle but sa semence jusqu’à la dernière goutte. Combien de temps cela avait-il duré ? Il lui semblait qu’un deuxième magnum avait été débouché. Sous la douche elle savonnait son torse.


Il caressait le bas de ses reins. Ils ne cessaient de s’embrasser. Quand ils réapparurent l’assistance manifesta le même enthousiasme qu’à l’accueil du plat tout à l’heure : Ah ! Les Voilà ! La nouvelle robe de Sophie enchanta. Le mystère de leur absence excita les libidos qui en ces jours dionysiaques ne demandaient qu’à s’exprimer. Certains couples s’embrassèrent sans pudeur. Le plat réchauffé était encore plus appétissant et l’on se resservit après avoir présenté une part à Sophie. C’est Giséle qui le fit : vous voulez goûter ? Elle prit l’assiette et alla s’asseoir sur la terrasse. Le jardin suspendu où on dansait maintenant la sévillane exhalait des senteurs de roses et de jasmins. L’assiette sur les genoux Sophie coupa sa viande et approcha un morceau de sa bouche. Elle laissa un moment la fourchette en suspens. Elle regardait ces hommes et ces femmes qui les yeux dans les yeux prenaient des pauses andalouses. Quand le dernier couplet partit et que les corps s’animèrent, le taureau fondant réchauffait sa langue. Le lendemain en fin d’après midi Sophie et Jérôme étaient assis côte à côte au troisième rang des arènes. C’était le premier toro qu’elle voyait combattre. La robe qu’elle portait était celle qu’il préférait. Elle rafraîchissait son visage de délicieux mouvements d’éventails. Il avait observé son comportement durant les deux premiers tercios. Il ne parlait que rarement pendant une lidia mais il avait déjà expliqué le déroulement du rituel à son invitée chérie. Elle appréciait, c’était évident. Il nota ce sentiment de frayeur et de beauté qui semblait envelopper son corps : sa chair exhalait une odeur suave et une douce excitation couvrait d’un léger velours les pores de sa peau blanche. Il posa une main entre ses jambes. Elle pencha doucement le visage vers sa bouche et ils s’embrassèrent in situ et longuement. Le torero prit l’épée pour porter l’estocade. Les aficionados savaient les trophées qui gratifieraient sa faena s’il tuait al tiempo. L’orchestre s’arrêta de jouer. Sophie et Jérôme regardaient maintenant l’homme qui arrêta la bête à deux mètres face à lui. La pression de sa main sur son sexe l’excitait. Le matador se leva sur la pointe des pieds en se dandinant légèrement. Elle mordillait ses lèvres et ses joues se teintèrent d’un rose fripon. L’espagnol pointa l’épée et la muleta en direction du taureau. Jérôme sentit une légère fraîcheur couvrir l’intimité de sa complice. Le tueur fit deux pas en donnant la sortie au fauve et lui porta une estocade profonde dans le cou. Elle s’abandonna à l’instant. Le jandilla tomba. Les spectateurs des arènes se levèrent et agitèrent des milliers de mouchoirs blancs. Sophie et Jérome s’embrassaient fougueusement.


Le TGV a passé la gare de Valence. Elle a bouclé son article et quitte des yeux l’écran de son ordinateur pour laisser son regard errer sur les vertes collines. Elle est entourée d’hommes dans ce compartiment. Leurs regards l’amusent. Le week-end prochain Jérôme viendra à Paris. A trois cent kilomètres heure les distances rapprochent les cultures. Au musée Picasso des toiles de Françis Bacon juxtaposent celles du catalan pour une exposition temporaire. Elle sera sans aucun doute la meneuse de jeu. Elle ouvre son sac et glisse une main à l’intérieur. La texture de cette oreille animale que le torero leur a lancée depuis les tablas réchauffe son âme. Elle est amoureuse.
                                                                   Philippe Béranger

9 commentaires:

el Chulo a dit…

oui, bon!

el Chulo a dit…

je voulais écrire: oui bof!, désolé!

Anonyme a dit…

Voilà que les catalans ont récupéré Picasso... Ah ! les axurits !
JLB

el Chulo a dit…

Malaga c'est bien en catalogne non?

Marc Delon a dit…

Malaga ??? Andalousie, non ? enfin en "Murcianie", plutôt...

el Chulo a dit…

je plaisante marc! malaga c'est bien l'andalousie déjà en tous paqs certainement pas la catalogne, donc, picasso était probablement andalou, certainement pas catalan.

el Chulo a dit…

d'après wikipedia que j'évite pourtant, mais pour faire simple et rapide:" Malaga........capitale de la Province de Malaga faisant partie de la Communauté autonome d'Andalousie"

Anonyme a dit…

Peut-être Malagascar, Chulo ?
JLB

el Chulo a dit…

peut être JLB