mardi 5 mai 2015

Petits Fours et Canapé...


Les salons boisés et feutrés de l’Hôtel Impérator connurent l’autre soir une trop grande affluence  pour leur capacité. Un ''No hay billetes'' trié sur le volet, puisque j’en étais, c’est dire. C’est que l’affaire était d’importance, il s’agissait de scanner le cerveau singulier de José Tomas. Pour tout savoir… et pourquoi est-il impavide, hiératique, famélique et érotique au milieu des vagues scélérates de hachazos. Qu’est-ce que cette quête de kératine en perf trahit, et pourquoi  laisse-t-il son corps à l’hôtel alors que la Nafissatou de service doit faire le ménage, est-il si inconscient ou joue-t-il à l’autiste, enfin voyez, ce genre de question.  Le scan et l’IRM de l’hôpital Carremeau étant over-bookés depuis lurette, on avait dépêché un attelage distingué qui allait terrasser l’auditoire de ses échanges de haut vol.

Un distingué journaliste, assez content de lui – mais il doit y avoir plein de raisons pour ça – en guise de modérateur sachant susciter des interrogations mâtinées de ses considérations personnelles histoire de ne point apparaître trop plouc face à un psychanalyste plus cévenol, venu sans canapé, certes, mais du genre à relire La Bruyère au coin du feu pendant qu’avec madame tu te demandes si telle candidate de The Voice ne se serait pas fait booster les seins artificiellement. Tu vois le fossé, aficiouna aussi plat et désespérant que le Vaccarès ???

Chambon d’abord nous convain...(quit ? cul ? qua ? nous convoqua ? Il est où mon Bescherelle… ?) bref fut assez persuasif pour nous convaincre (et toc…) que Tomas n’était pas cet autiste souvent décrié, déconnecté de notre monde, mais bien au contraire extrêmement en lien avec nous tous, avec ce en quoi nous croyons, vers ce que nous espérons de lui et du message en préparation. Bref, un Prêtre, même si l’on n’ose plus prononcer ce vocable, désormais automatiquement entendu accolé à ''gros dégueu de touche-pipi infantile frustré'' (Gina ici, me conseillerait de remplacer ce groupe de mots par ''pédophile'' afin que la lecture soit plus fluide… elle me recommanderait de penser au lecteur, à son effort, à … et si je veux le fatiguer, moi, le lecteur ? Hein … ? Le décourager de moi… ? Le persuader que je suis fou ?)

Après quoi, il chercha la lumière et pas seulement dans ses notes, pour approcher du mystère et finalement comprendre pourquoi il ''transmettait'' si bien, alors qu’il en faisait si peu. Eh ben justement cher psy, il y a les transmetteurs à induction : le Cordobes, Padilla et puis l’ergonome suprême, à la recherche de l’épure, le sobre, sec, minimaliste Tomas… Alors, alors… Qu’est-ce qui faisait que Tomas était Tomas et qu’il laissait sur les foules une empreinte si profonde en bougeant si peu ?

Mmmmm ? Alors… ? On attend… et c’est pas parce qu’on a pas donné 50 euros chacun et qu’on est assis sur des chaises qu’on ne doit pas savoir la réponse…  

J’ai attendu longtemps le ''sustine et abstine'' du Stoïcisme qui n’est jamais venu… C’est vrai quoi ''supporte et abstiens-toi'' ça va comme un gant au toreo de Tomas, du moins dans sa période qui bouleversifia la planète Terre. Bon…ok, le mundillo… mais c’est pareil. C’est là que Chambon s’allongea lui-même sur son canapé virtuel pour avouer que ces allocutions, c’était fou… qu’on y bossait comme des malades – des nerfs – pour s’emberlificoter dans ses notes et ressentir la désagréable impression d’en avoir pas exprimé toute la moelle, tout le jus, slurp. Ben tiens, pour n’avoir fait qu’un semblant de conférence à cause de Crépin qui avait sûrement un trou à boucher pour m’infiltrer, je connaissais ce sentiment.

Chambon fut néanmoins un orateur intéressant à écouter. Sa voix est agréable, son élocution fluide et ses connaissances enrichissantes. Il déclara pourtant assez vite forfait tandis que Prévot le journaliste pas cruel avec lui-même, avait toujours envie de haranguer la foule. On se replia donc à nouveau vers le pastaga et les petits pâtés nîmois au cochon bourratif et là, miracle de l’espontaneo-attitude, Prévot, encore lui, journaliste et pas bégueule de l’être (de l’Être ?) frappa dans ses mains, un peu comme s’il s’applaudissait lui-même et cita pieds joints dans le commentaire, le psy de service, et de loin, qui trop content de se récupérer, revint embister au galop comme un séant fatigué sur l’assise d’une bergère à oreilles, à la recherche de la lumière, toujours lointaine, aussi opiniâtre qu’un tunnelier anglais sous la Manche, chargé en Guiness, en quête du trou du cru.

C’est là qu’un attrapaïre du bois des Rièges qui avait révisé ses classiques histoire de ne point apparaître trop largué devant son amoureuse, lança un élégant ''Mythe de Sisyphe'' qui ne fut pas vraiment rattrapé au vol par l’analyste cévenol ce qui le précipita d’urgence sur un autre thème, celui du temps, pas plus chéri par le problématiste es méridienne, le sien n’étant donc pas venu.

 (de temps glorieux… à l’attrapaïre… bon... c’est bon… ?)

Alors que la branlette intellectuelle endiablée battait son plein, que le psy multipliait les références culturelles à l’énoncé desquelles la troupe hochait la tête d’un air entendu afin d’éviter d’avouer son ignorance – merci Jol – soudain, dans cet embrouillamini de sens qu’il ne faut peut-être pas chercher à percer (et c’est le ''Prévot'' de : ''Pourquoi ils vont voir les corridas'' qui parle, un comble !) une voix s’éleva, claire de l’intelligence qui la pulsait (je fayote ou quoi ? Non… elle ne lit pas mon blog… avec tous les manuscrits ratés que vous lui envoyez, pas le temps…) et Marion Mazauric herself évitait Prévot au quiebro et par un cadrage-débordement crucifiait le professionnel de décubitus, en délivrant le plus plausible des messages que  nous faisait passer José Tomas Roman lorsqu’il toréait : qu’alors, tout lui était égal, qu’il acceptait avec sérénité l’idée d’en mourir, dans le plus pur abandon de son être (pas comme un journaliste, donc…) dans le plus total don de soi, impavide, hiératique, famélique, érotique, STOÏQUE ! Que cette évidence – non envisagée par l’écoutant de Chesterfield – était en quelque sorte tellement perçue cinq sur cinq par le respectable public, les pro, les antis, les autres toreros, que cela faisait du JT autre chose qu’une banale actualité…. C’est alors que circula dans la pièce, comme un bruissement de satisfaction, comme une onde de consentement mutuel enfin éclairé, qui parlait à tous !

L’aiguilleur es-refoulement, dépossédé de TOUS ses trophées bredouilla quelques borborygmes savants, avant de courber l’échine et d’accepter l’estocade létale. Il fallait qu’il se rende à l’évidence, l’aficionado lambda était certainement trop tarte pour souscrire à ses développements… m’enfin il avait quand même prévu d’évoluer entre Eros et Thanatos, le tarte, comme d’hab, quoi…

Je regardais ma compagne à côté de moi et soudain je plaignais Tomas : il n’avait certainement pas la chance d’être si bien accompagné, sinon comment accepter d’être indifférent à l’éventualité de se séparer de cet amour ? De cette douceur pour que la violence s’efface comme on venait de l’évoquer. Ce n’était ni intelligent ni rationnel… Et pourtant, le décortiqueur cévenol n’avait-il pas expliqué que toréer c’était aimer ? Aimer, se réunir pour se réjouir, que l’amour est désir, le désir aimant, révélateur de la puissance d’exister, de vivre, d’être heureux… un sentiment si complexe… une construction, que ce désir, à différencier de l’envie. Faire l’amour à quelqu’un était rencontrer l’autre et donc aussi jouir de ça… comme un parallèle entre Tomas et le toro.

De ce sentiment naquit la fulgurance de ma réponse à la soirée : si Tomas était si différent, s’il estoquait mes tripes avant le cœur du toro, c’est qu’il avait assez de romantisme pour altérer son intelligence, assez de foi pour altérer sa logique, assez de détachement héroïque pour altérer son esprit rationnel d’homme mûr. Il était torero. Le torero des toreros. Le seul homme peut-être, que ma compagne pouvait admirer sans que j’en conçoive de jalousie. Tellement spécifique son talent, tellement inatteignable… Et puis tout était pour le mieux, voir Tomas ensemble nous rendait heureux, transcendait la perception du sentiment tragique de la vie et permettait de vivre un amour à l’abri de ce danger-là au moins, plus serein.

Sauf que, à y réfléchir, avec l’aide toujours zélée de la foultitude des malveillants étriqués, elle à côté de moi et moi à côté d’elle, c’était aussi illogique, irrationnel et romantique que la plus improbable des rencontres. C’était beau. Et dans la rue, on soutenait le regard des incrédules, au restaurant on défiait les chuchotements des comploteurs, on était arrivés, malgré la pression sociale, à se réunir pour se réjouir, et c’était beau. Là où les gens voyaient des impasses, il y avait pour nous comme l'évidence de la preuve. Là où les gens opposaient des arguments de stratégie de plan de carrière d'une vie ordinaire, il y avait pour nous cet amour extraordinaire. Pas compréhensible par tous. Ne pas oublier de le nourrir et de le choyer, au delà des conventions, par delà tous ceux qui voudraient l'enlaidir pour se rassurer sur la nature du leur.  C'était beau. Parce que sincère, pur et sans calculs. Enfin c’était arrivé.
Qu'est-ce qu'on la torée bien la vie ma Pauline. 

 

4 commentaires:

gina a dit…

Pour faire bref, fluide, mais désincarné et sec, je dirais que la soirée semble avoir été d'un haut niveau, passionnante à souhait, une de ces soirées qu'on aime à partager avec des âmes frères ou des âmes soeurs.

Anonyme a dit…

Trois beaux derniers paragraphes où l'on sent la palpitation de cette ode à la vie et à l'amour...

Maja Lola a dit…

Du Delon grand teint qui a dû régaler son auteur.
J'y mets ma "patte" ...
Il ne s'agissait pas d'une nième tertulia sur un torero lambda et une partie de l'auditoire, certes très (trop ?) nombreux a peut-être été désappointé par le brillant psy et ses éminents exposés et citations (convenonz'en.
D'où la seconde partie de soirée que tu évoques, avec un public plus restreint, plus disponible et peut-être plus perméable au niveau de richesse (non, pas les sous, Marc !) des inervenants.

Joli remate sur ton bonheur, amigo. Mais c'est que tu t'auto-chesterfieldises !!
Allez ! Ramène le divan à une fonction plus modeste : un simple élément qui facilite la compréhension entre deux pensées ... mais bon, comme tu es en communion (hier elles étaient d'ailleurs belles) avec toi et ton bonheur, que demander de plus ? C'est le plus important aux yeux de tes amis ...

Au fait, JT ne se demande certainement pas ce que pensent les gens dans la rue ou ailleurs. Il EST.

Marc Delon a dit…

ouh-laaa, vite un canapé pour Maja Lola...