jeudi 22 septembre 2016

TROPHEES


Trophées, le retour. Un marronnier. Au lendemain d’une feria de Nîmes, de n’importe quelle feria de Nîmes, la généreuse distribution de ''noneilles'' interpelle toujours…  On a bien compris que le succès médiatique d’une feria et surtout l’auto-promotion entretenue de la suivante, se mesure en nombre de tympans. C’est un marqueur indubitable.

De la tomate pourrie – qu’il faut penser transporter dans un sac étanche avant de se rendre à l’arène - à l’ovation debout en vuelta fleurie - … pour les fleurs aussi… - l’applaudimètre permet pourtant pas mal de nuances.

Car cette attribution de trophée est désormais tellement subjective que l’on parle de « sensibilité » prise en défaut quand on vous reproche d’en donner trop ou pas assez. L’inculture généralisée réelle ou feinte, a déjà fait disparaître les oreilles au mérite, les oreilles de lidia, celles des faenas non artistiques mais valeureuses, ayant contre toute attente réussi à tordre un toro dangereux.
Eh bien là, on s’en fout, pas de récompense, rien, no passa nada…

Autrement dit, le type vient de mener un combat extrêmement dangereux où son intégrité était en jeu, mais parce qu’il n’était pas possible ''d’enluminer'' la faena d’hypocrites passes décoratives à cornes passées qui pèsent sur l’ignare public, il ne s’en trouve pas un seul  pour dire au plus grand nombre en les interpellant : respect, bravo, ça c’était fort !

Or - comme dirait Yann Moix - quoi de plus émouvant et beau qu’un jeune homme courageux, acier et tissu en main, domine un monstre de colère et de sauvagerie ? mmm ? Personne pour accuser réception de sa valeur et de son courage ? Alors qu’on est prêt à excuser illico le monton de ceux qui auraient renoncé… A qui on peut certes s’identifier plus facilement grâce à notre médiocrité ordinaire.

Ne serait-ce pas judicieux qu’il y ait, quelque soit l’arène, de basiques critères d’attribution pour que ces trophées aient une valeur à dénominateur commun, partout compris ? Sur le principe logique qui autrefois régissait un peu mieux le truc, on pourrait revenir à plus de sagesse. La faena étant un ensemble complet se donnant pour but la suerte de matar, si celle-ci est ratée, pas d’oreille. C’est pas si grave ! Quand, à Nîmes même, dans les années quatre-vingt, Paco Ojeda commettait des faenas extraordinaires mais ratait sa première épée – et parfois sa treizième… - il ne coupait pas… ce qui ne l’empêchait pas de recevoir une vuelta triomphale et reconnaissante de ce qu’il nous avait fait voir à la muleta. L’attribution d’une oreille devrait rester un fait rare, pour une faena construite et bien terminée, la première récompense étant le salut applaudi à la barrière et la deuxième, la vuelta.

Certains ''empêchements'' devraient interdire la première oreille : une épée ratée on l’a déjà dit, un toro plus ou moins impotent aussi (on ne va quand même pas récompenser un type pour avoir occis un invalide ou un toro qu’il a fallu aider à tenir debout, si ?! ). Le fait de ne s'être jamais croisé, ou de n'avoir pas essayé de la main gauche. C'est même proverbial : les oreilles se gagnent de la main gauche, entendait-on il fut un temps...

L’attribution de deux oreilles devrait être un fait exceptionnel, devrait saluer une faena construite, maîtrisée, engagée, bien terminée et qui a confiné au sublime par l’inspiration artistique qui la guidait. Quand l’esthétique rejoint la domination et la transcende : rarissime !

La queue ajoutée à ces deux oreilles, alors là… on devrait réserver ça à quelque chose dont on parlera encore dans trente ans – et encore, je fais des concessions, j’avais écrit cinquante…-  quelque chose qu’on pourrait qualifier – en s’entendant bien sur la définition du mot quand même…- d’Historique avec un ''H'' majuscule, oui. Un truc vraiment marquant, qui a déversé des hectolitres d’encre et de pastis au sortir de la course. Un truc qui a fait frissonner, pleurer, régresser, qui a épanoui, je sais moi, un truc bouleversant quoi, qui reste dans la tête, comme un coin indélébile et se couche dans les livres. Et surtout, un truc obtenu devant un grand toro.

Pour imprimer la mémoire collective, il ne suffit pas de réussir quelques séries sur une jolie musique pour couper une queue… La faena brillante, réussie de Juan Bauptista, qui s’en souviendra dans trente, non vingt, non dix, non… bref, qui s’en souviendra l’année prochaine ? Oui, toi, peut-être, mais ''tu ne seras pas très nombreux !''

17 commentaires:

el Chulo a dit…

bref, c'est ce qu'on nommait la décadence, l'usurpation des valeurs! Quoique, lorsqu'il s'agit de fric, si on parle de décadence, on passe pour un gauchiste attardé. Casas a besoin d'oreilles, il n'est pas le seul mais lui plus que tout autre, question d'ego. Le plus triste et décadent est que le public marche ce qui, à court terme sone le glas de la corrida!

Marc Delon a dit…

pas de pléonasme chulo ! (gauchiste attardé... ;-)

Pedroplan a dit…

Oui, mais ces oreilles ça fait tellement plaisir à notre gentil public qui tient tant à se persuader d'avoir été là le jour où l'Histoire s'écrivait... Sans compter que les présidents tiennent à aller boire le pastis tranquilles. Imagine-t-on DJ Valade obligé de passer la nuit dans le toril pour n'avoir pas cédé à la pétition ? Plus sérieusement, il faudrait déjà tenter l'expérience du président qui servirait toute une feria... Mais ce stakhanoviste du palco, il le faudrait compétent, et en la bonne ville de Nîmes, je n'en vois qu'un pour l'heure, Laurent Burgoa qui a peut-être d'autres chats à fouetter...

Marc Delon a dit…

Toi, moi et chulo au palco ! ;-)
soit un gauchiste attardé, un écrivain raté et un humoriste taurin... ça aurait une de ces gueules...

Pedroplan a dit…

On enverrait les avis dès qu'un gars commence à nous ennuyer...

Marc Delon a dit…

oh putain, oui ! et on ferait assassiner à la pique tous les invalides, tous les afeités, en faisant des doigts d'honneur à Casas... ;-)

Pedroplan a dit…

Et on inventerait les demi oreilles pour mieux graduer les récompenses. Ou alors on oublierait à la maison les mouchoirs à oreilles et on monterait au palco avec un casque intégral et des boules Quiès.

Marc Delon a dit…

pire, au plus fort de la bronca quand dégringoleraient les bancs en pièces détachées on se lèverait pour saluer la foule aimablement

Pedroplan a dit…

Tiens ça me fait penser à l'Ave Maria et aux rouleaux de PQ des broncas du temps jadis...

Marc Delon a dit…

ARTICLE 83

Les trophées octroyés aux matadors consistent en salut au « tiers », tour de piste, concession d'une ou de deux oreilles du toro abattu et la sortie sur les épaules par la porte principale de la plaza. L'éventuel octroi de la queue sera laissé à la seule appréciation du Président.
Les trophées seront concédés de la manière suivante :


•les saluts et le tour de piste seront effectués par le matador conformément aux souhaits du public qui, par ses applaudissements en aura exprimé le désir.
•la concession d'une oreille sera accordée par le Président sur pétition majoritaire du public. L'octroi de la seconde oreille sera de la seule compétence du Président qui pour se faire, prendra en compte la demande du public, le comportement de l'animal pendant le combat, la bonne conduite de celui-ci dans tous les tercios et le travail réalisé tant à la cape qu'à la muleta et, principalement, la façon dont l'estocade a été portée.

La découpe des appendices sera effectuée en présence d'un alguazil qui sera à son tour chargé de les remettre au matador. La sortie en triomphe (« a hombros ») par la porte principale de la plaza sera permise seulement lorsque le matador aura coupé deux oreilles au moins au cours de la course .

S'il y a pétition majoritaire du public, le Président pourra ordonner au moyen du mouchoir bleu, le tour de piste de la dépouille de l'animal qui l'aurait mérité par sa bravoure exceptionnelle au cours du combat.
Le ganadero ou le mayoral pourront saluer ou faire un tour de piste si la majorité du public le réclame.

ARTICLE 84

Lorsqu'un animal aura mérité d'être gracié en raison de son excellente présentation et son excellent comportement dans toutes les phases du combat sans exception, notamment en prenant les piques avec style et bravoure, le Président pourra dans les circonstances qui suivent, accorder cette grâce afin que l'animal puisse être utilisé comme « semental », après les soins nécessités par son état physique et ses blessures, et participer ainsi à la préservation et l'amélioration de la race et de la caste de l'espèce.
La grâce devra être demandée majoritairement par le public ainsi que par le matador concerné qui en manifestera expressément le désir. Il sera de plus indispensable que le ganadero ou le mayoral de l'élevage concerné fasse connaître son accord pour l'intermédiaire d'un alguazil.

el Chulo a dit…

ou pourrait innover, couper les oreilles, la queue et les poubignoles du taureau!

Marc Delon a dit…

et lors de la vuelta il pourrait lancer les pou-roubignoles sanguinolentes aux élégantes des premiers rangs... comme ça, elles agiteraient un peu moins leurs mouchoirs au prochain coup...

Pedroplan a dit…

Pas du tout ! Elles les tripoteraient rêveusement en comparant tristement avec celles de leur élégant. Ah, il s'en mouillerait des petites culottes !

Marc Delon a dit…

pedroplan, premier aviso....

Pedroplan a dit…

Bon, bon, eh bien puisque c'est comme ça, je pègue un bajonazo de gala, et voilà, la messe est dite... Mais que vois-je ? Ces cons là applaudissent et agitent leur mouchoirs ! Et même l'élégante du premier rang qui brandit sa culotte pour que je m'en éponge le front lors de la vuelta !

Marc Delon a dit…

pedroplan, deuxième aviso...

Pedroplan a dit…

C'est bon, je file la tête basse... J'ai dit la tête, hein !