lundi 27 septembre 2010

Depuis son Ipad...3




Secret story

Il est curieux de constater que le vocable « aventure » ne s’utilise plus aujourd’hui que dans les jeux de téléréalité et selon deux seules modalités : continuer l’aventure ou quitter l’aventure. La candidate malheureuse à un concours de chanteurs : « Je suis triste de quitter l’aventure ». Le juré d’un championnat de cuisiniers : « Nous avons décidé de vous laisser continuer l’aventure ». En d’autres temps, l’énoncé du mot évoquait plutôt les Frères de la Côte, les chercheurs d’or du Klondike ou, pour les plus timorés, les conférences de Connaissance du Monde (« Lumières du Tyrol » et, un cran au-dessus dans l’exotisme, « Magie du Bosphore »). Plus tard, et successivement, il a pu être associé, au gré des tendances, à Che Guevara, au structuralisme, aux rallyes-raids et à la bulle internet. On ne sait pas si c’est bien ou mal, on se dit simplement que chaque époque doit produire les aventuriers qui lui ressemblent.
On imagine sans peine les héros dans lesquels le petit José Antonio Morante Camacho, gamin de la Puebla del Río, pouvait se projeter. Et l’épisode de la chaise lors de la dernière Pentecôte, cette chaise Napoléon III qui est en passe de devenir aussi nîmoise que la brandade de morue et le félibre Roumieux, le corrobore. Car tout le monde ( ?) aura compris, à travers la posture, en forme d’hommage implicite rendu à Rafael el Gallo pour le cinquantenaire de sa mort, que c’était un tribut qu’il payait à ses modèles depuis l’enfance : les toreros de ce qu’il est convenu d’appeler l’Âge d’Or de la corrida.
Il existe une anecdote, rapportée sur tous les supports et à peu près tous les tons, à propos de la panoplie de torero qu’il avait commandé pour l’Épiphanie. Pas de pirate, pas de ninja, de torero. Or, tous les gosses qui se déguisent en Zorro, mettons par exemple, ne deviennent pas des justiciers masqués. D’ailleurs, aucun ne le devient, statistiquement parlant. Morante de la Puebla, lui, est devenu matador. Ce qui nous conduit à formuler un truisme gros comme une maison et parfaitement cucul la praline : les seuls véritables aventuriers sont ceux qui savent faire de leurs rêves d’enfance une réalité. C’est con à dire mais c’est vrai, même pour les chanteuses des concours télévisés.
Cependant, les voies de la vocation, l’identification, le rêve générateur n’expliquent sûrement pas tout. Certaines déclarations de Morante laissent perplexe. Voici, selon ses propres paroles : « Ce soir-là, j’étais couché avec ma mère et je jouais entre ses jambes. Je lui ai dit : maman, quand je serai torero et que je toréerai à la Real Maestranza de Séville, si les gens demandent l’oreille pour moi, je dirai non, c’est pour ma mère… ».
Je ne suis pas producteur de téléréalité, ni encore moins psychanalyste, mais il me semble qu’il y a des gens qui sont entrés dans des lofts pour des histoires à peine plus compliquées que ça. Morante de la Puebla, lui, a fait plus court : il s’en est arrangé avec quelques séances d’électrochocs dans une clinique de Miami.
Antoine martin

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi, je retiens que ce superbe mot « aventure », il se vide de son sens, il ne correspond plus à toutes les histoires de voyage, exploration, Robinson et île déserte auxquelles on l'associait.
Et en plus on a chassé les diseuses de bonne aventure !
Gina

Marc Delon a dit…

C'est pas toi qui voulait devenir dessinateur de BD ? Moi j'aurais volontiers rêvé de devenir Houellebecq et puis je vais finir lamentablement Delon...
ouais, je sais... c'est dur...