jeudi 16 septembre 2010

MIXTE, et plus si affinités...




Simon Casas explique sur les ondes ses choix, décrit les caractéristiques de sa programmation :


''C'est du marketing, je programme du toreo à cheval car il y a un public pour le toreo à cheval et d'ailleurs c'est historique, au XVIIIe, c'est ainsi que l'on combattait les toros''


Chiche, j’aimerais bien voir un torero à cheval armé d’une lance face à un toro intègre du XVIII siècle, moi… mais aujourd’hui on ne peut s’empêcher d’y voir le moyen de compenser la désaffection d’une partie du public, la moins avertie, pour la corrida formelle.
On peut légitimement se demander pourquoi. A l’époque, l’avènement de la corrida à pied avait connu un grand succès populaire en ce qu’elle cessait justement d’être une distraction élitiste pour nobles et prenait une dimension plus universelle, réappropriée qu’elle était, par le peuple venu y montrer son courage. Pourquoi se trouve-t-il a contrario aujourd’hui, une majorité pour adhérer à cette sorte d’indignité (j’y vais peut-être un peu fort mais c’est ce que je ressens ) qu’est la corrida de rejon pourtant perçue comme plus fréquentable ? Pourquoi se trouve-t-il de nos jours parmi les non-initiés, un plus grand nombre de gens pour être emballé par les cavalcades arrangées et gêné par la vérité d’un combat à pied où l’on risque plus sûrement sa vie ? Pourquoi cette foule ne s’inquiète-t-elle plus de la souffrance animale quand celle-ci est infligée ''à dada'' ? Sinon pour le dada lui-même... D'un coup, elle si pointilleuse sur le règlement, ne remarque plus quand d’entrée les dés sont pipés… Pourquoi ne voit-elle du rejon que le fanion et plus la lame ? C’est gens-là m’expliquent parfois au nom de leur sensibilité plus civilisée, pourquoi la corrida à cheval est supportable et non la piétonne où un gros monsieur - pourtant à dada ! - vient piquer un pauvre toro.


Quand je leur explique un peu mieux les différences, et j’en ai souvent l’occasion car les photos présentes dans mon cabinet inclinent au sujet, ils en restent pantois, profondément ébranlés ou au contraire inébranlables par le refoulement opéré qui leur permet de ne pas prendre ce coup sur la tête : constater à quel point ils se sont trompés.
Ils comprennent soudain comment cette sensibilité qu’on pourrait presque qualifier d’animaliste car le cheval est l’ami et le collaborateur de l’homme, là où le toro est irréductible dans son instinct de charger, se retourne contre eux. Ils réalisent en quoi ces chevauchées folkloriques ne respectent pas l’animal noir et fier. Si fier que l’on ne peut se permettre de risquer la vie d’un cheval qui représente des années de dressage et un sacré investissement professionnel si ce n’est une valeur marchande certaine et que cela justifie la mutilation des cornes.

Si des anti-corridas passaient par là, frères et soeurs, je vous donne un tuyau : au lieu de vous ridiculiser dans les émissions télé à raconter que des dizaines de chevaux meurent sous les cornes des toros – c’est plutôt un tous les dix ans que dix par an…- apitoyez-vous plutôt avec nous sur le sort des toros qui devraient sortir intègres et en possession de tous leurs moyens d’agression : ce serait la moindre des loyautés pour eux qui n’ont pas choisis d’être là.

Ou alors, si on ne veut pas que ce soit dangereux, on prend des cactus ficelés sur des brouettes et basta. Je ne dis pas qu’il faut les ''accuser'', ces gens, d’aimer la corrida à cheval, mais s’ils la légitiment par leur sensibilité, si délicate qu’elle aurait discriminé le correct du barbare, il faut qu’ils réalisent un jour à quel point le toro de rejon est nié et n’est qu’un faire valoir du matamore cavalier. Que ce qu’ils aiment et avalisent s’appelle tricherie. Coupe-t-on les mains à un boxeur avant de monter sur le ring ? est une des questions que je leur pose.


Mais au rejon, leur regard ne peut s’appesantir sur la vérité d’un combat, il est happé par les leurres, le regard est prisonnier du cheval qui caracole, ils ne voient plus rien du noir référentiel taurinant, le spectacle est plus enlevé, alegria et fanfreluches, fanions et rubans, le sang, le risque, la possibilité d’en souffrir n’apparaissent plus. Les chevaux sont si beaux, leurs puissant fessiers si érotiques, ils virevoltent si gracieusement, pourquoi regarderait-on ces moignons de cornes avec lesquels le mutilé - gros naze de service - tente si maladroitement de frapper ? En comparaison, quel effort il faut faire sur le long terme, pour comprendre quelque chose au combat à pied qui vient de reprendre et qui apparaît d’un coup si triste, si introverti, si brouillon, si lent.

Seulement voilà, tous les aficionados désertent les courses de rejon, alors en instiller une juste dose homéopathique pour drainer les uns sans détourner les autres nécessite un fin préparateur. Résultat en cette feria des vendanges. On pensait naïvement comme l’ont demandé les aficionados qui manifestaient l’autre jour pour la corrida – au fait, les zantis ont gagné la confrontation 2500 à 900 – que baisser le prix des places contribuerait à rendre à la corrida sa popularité. Mais la réponse des organisateurs ne sera pas celle-là, elle est, on le voit, la corrida mixte ou peut-être bientôt ''trixte'' à pied, à cheval et forcados…. ou ''quarxte'' même, pied, cheval, forcados, recortadores… voire ''quinxte'' pied, cheval, forcados, recortadores, razeteurs….ou bien même…. Rajoutez les écarteurs landais et un chanteur d’Opéra.
On a bien eu javier Conde avec un « tocalaguitarramanuel » dans les tendidos, ce qui nous avait valu la plus belle espantada jamais observée en musique…
Allez, j’arrête de leur donner des idées à la noix, ils sont capables de s’en inspirer. Je vous tiendrai informé des entrées d’aujourd’hui – corrida formelle – avec celle de demain – mixte – ce sera intéressant de comparer, pour voir si le mélange des genres est judicieux à la taquilla. Dernière info de choc : en ce moment même, pendant que je bosse, ''Maja Lola'' et ''Gina'' (leurs noms d'artistes...) après avoir établi un contact du troisième type – Twoo tiiii touuu tâaaaa - dans ma salle d’attente, sont allées de concert à la corrida ! Elle est pas belle la vie ? Et deux spectatrices de mieux pour l’amphithéâtre ! Et qu’est-ce qu’on dit M. Casas ? Merci qui ? Merci Delon ! Inutile de vous dire qu’on n'aura pas de resena : quand deux pipelettes qui se découvrent sont assises côte à côte…

7 commentaires:

Marc Delon a dit…

J'espère que cet élégant arlésien s'il se reconnait, ne s'offusquera pas de faire la portada de cet article, j'ai trouvé qu'il illustrait le public d'une très distinguée façon.

Maja Lola a dit…

A la lecture de ton texte, je découvre combien sa diffusion auprès du public fréquentant le rejon aurait des répercussions. Car, tu as raison de le souligner, nombreux sont les spectateurs qui argumentent sur l'esthétisme du cheval qui caracole, l'élégance du cavalier et la "classe" dégagée par leur évolution dans l'arène, le toro, benêt et accessoire ne servant qu'à mettre en valeur les deux autres protagonistes. C'est vrai, c'est un autre public plus en recherche de joliesse visuelle. Mais peut-être aussi parce que ce ballet s'apparente à leurs yeux à un spectacle plus près du cirque que du mystère, des silences lourds de cette "messe" qui peut sembler à certains hermétique et grave.
Autre monde, autres états d'esprit, autre public ...
Le business bien entendu, partie non négligeable dans l'affaire, fait le reste. Mais, après tout, tous les publics ont le droit de trouver leur bonheur.
Nada de resena. La corrida triste et sans éclat, ne méritait pas un coup d'oeil.
Mais par contre, grand plaisir de connaître Gina, ce qui nous a fait passer une délicieuse fin d'après-midi (sans tasse de thé ni boutis)
Nos papotages n'ont apparemment pas dérangé nos voisins de gradin car, comme des femmes bien élevées, nous avons réglé le volume à la puissance adaptée à la situation ... et Dieu sait si le silence d'ennui était assourdissant dans les arènes !

Marc Delon a dit…

Voilà, c'est ça, tu as écris le mot qui manquait à mon article :
cirque.

el chulo a dit…

un bisou pour chacune.
je connaissais déjà le talent de gina, j'ai hate de lire maja, comme toi marc.
chez toi ou chez moi.
au fait, les as tu "aussi" malaxées avant la corrida?

el chulo a dit…

tu aurais pu faire des fotos de maja et gina!

Marc Delon a dit…

"j'ai hâte de lire Maja chez toi ou chez moi... les as-tu aussi malaxées avant la corrida ?"

Chulo.... arrête de fantasmer... c'est pas bon pour toi :
Maja Lola a signé un contrat d'exclusivité chez moi et pour le reste, secret professionnel !

Anonyme a dit…

Resena

Des toros qui avaient l’enfance fougueuse, puis l’adolescence dédaigneuse et la maturité difficile à mouvoir et émouvoir malgré les appels des toreros voulant les soumettre à leur cape.
Du public, quelques rares applaudissements, des parapluies à ouvrir, fermer, cogner contre les voisins, des « pardon-excusez-moi, ce n’est rien » et deux femmes ravies qui ne virent pas la « corrida » du temps.

gina