Sauf que, après réflexion, je crois qu’on a été médisants, que le mundillo campero n’a pas les mêmes travers que l’autre et que c’était vraiment impossible. Je le sens comme ça. A force de veiller à n’être point naïf parfois, on se fourvoie sur les gens qui ne sont pas tous des entourloupeurs. J’entends déjà les cyniques qui me souhaitent la bienvenue au pays des bisounours.
La ganaderia de remplacement – il y en aurait vingt-cinq en Extremadure – se nomme Castillejo de Huebra et la finca, ‘’Zamarril’’. Origine Urquijo via Felix Cameno, création 1924. Un des quatre fers qui appartient à la famille Sanchez Cobaleda. Chaque fer étant associé à un encaste différent : les Terrubias paturent à Munoz près de Salamanca et sont d’origine Santa Coloma via Martinez Elizondo. Les « Patas Blancas » sont à la finca Santa Maria à Moraleja et ici à Zamarril se trouvent les Murube de Castillejo de Huebra et les Murube Atanasio de José manuel Sanchez.
La première caractéristique de cette ganaderia est qu’elle possède la ‘’remorque’’ la plus pourrave que le campo bravo ait jamais proposée à un groupe de visiteurs, de Villasequilla de Yepes jusqu’à Tananarive où Nicolas Ancion dans ‘’Brume’’ vous entretiendra de Zébumachie (Le Diable Vauvert). Un plateau rouillé et défoncé, deux ridelles sur quatre présentes, dont une qui a oublié depuis des lustres le concept d’angle droit. Elle verse vers l’extérieur, indiquant vers où il sera plus aisé de tomber. La pluie est fine mais persistante. Les trois quarts font la grève de la ‘’remorque’’ qui, d’évidence ne présente pas les conditions minimales de sécurité, pour éviter de charger les cabinets de chirurgiens orthopédistes pas nombreux dans la cambrousse extremena… Grève hélas boycottée par les jeunes qui se sentent de tenter l’aventure. Il partent semi-fléchis sur leurs jambes comme des surfeurs en s’agrippant les uns aux autres comme des… gens qui ne voudraient pas être éjectés au milieu de toros bravos… le premier col du fémur n’est pas loin. Au retour ‘’GG’’ en profite dans son espagnol alternatif qui fut jadis sa langue maternelle, pour préciser un peu le sentiment général :
- Si, si !
Fait le type… qui a compris que ''GG'' n'était pas homme à être contrarié... tout va bien, bien sûr qu'on se comprend… Et hop tout le monde remonte dans le car espagnol aux sièges mieux conçus, coques en ''S'', qui font gagner dix bons centimètres pour les jambes… Et pourquoi un car espagnol…. ? Me rétorquez-vous soudain machinalement, votre sagacité n’ayant pas été prise en défaut ? C’est que la réglementation française en matière de transports en commun est poésie dont les muses sont les chauffeurs…. Vous imaginez donc l’inspiration sécuritaire, anti ''esprit flamenco espagnol'': nos chauffeurs ne peuvent travailler samedi et dimanche et on semble le découvrir sur le moment. Les Espagnols nous ont donc fourbi un autre car et sans supplément siouplait. Mais j’ai omis un détail en ce qui concerne la première journée de visite : on l’avait finie à 18 H mais il fallut attendre 21 H pour qu’un chauffeur ait le droit de reprendre le volant ! C’est la loi… qu’ils nous dirent, pas plus de 18H sur 24 soit neuf heures pour chacun, temps déjà consommé : je sens que je vous dégoûte de plus en plus des transports en commun. Oui mais vous êtes marrants : 490 euros tout compris… vous ne voudriez pas avoir des chauffeurs jeunes, cultivés, gentils et serviables, aussi, pour ce prix. Y'a une justice, quand même... C’est bien simple, sur mon compte en banque, je ne me suis même pas aperçu que j’avais payé.
L’après-midi, en remplacement de Zalduendo que l’on devait voir le matin, je ne sais pas si vous suivez… nous avons roulé assez longtemps dans des gorges désertiques, il n’y avait même pas la moindre touffe d’herbe à chameaux du grand erg oriental algérien en bord de rivière, pour atteindre la ganaderia de El Cubo, du côté de Trujillo. Alors là, si on prend l’élément remorque comme unité de comparaison, il y avait la remorque la mieux défendue, la plus sûre de la planète des toros. Super bien défendue, barreaudée jusqu’à 2,30m de hauteur. Là, jérôme a dit :
- vous préférez celle-là ? Parce que là, si un toro saute dedans, pour le faire sortir….
Mais bon, c’est un camarguais, il fait des blagues de gardian…
- c’est de la merde, t’sais…de la vraie merde, ton restau !
C’est pas possible. Comprendrait pas. Alors tu fermes ta gueule et tu te déplaces avec ton Ercéfuryl. Comme tout le monde… Le Japon s'occupe du reste. Alors le mec, pénétré de l'idée que la bouffe te satisfait pleinement, de joie il te plante un flamenco de sa création :
- Olé ! tu fais, pendant que dans ton ventre la merluze a repris sa nage à contre courant.
On clique sur les photos pour les agrandir...
C’était le jour de Guadalest, la merluze Repsol… à l’issue du repas il n’y avait que le mayoral qui était content, il continuait à chanter… faut dire que celle dont je n’ai même plus le droit de prononcer le prénom mais – deux indices au passage – qui commence par ‘’A’’ et finit par ‘’E’’ était toute proche… alors le type il a fini par toréer avec la nappe, galvanisé. Je le comprends. Enfin, un peu moins, maintenant. En tout cas, je progresse, j’ai commencé ma punition, mes cent lignes-paragraphes :
Plus jamais, ni je ne publierai son image, ni je ne parlerai d’elle, écrirai ou simplement évoquerai la ci-après dénommée par baptême ‘’Aurélie’’, elle que l’on imaginait complice et amusée et au beau regard de laquelle souvent on se raccrochait, pour égayer un peu la tristesse et l’austérité des paysages extrêmes et durs de l’Extremadure. On y voyait briller les lumières de l’Orient et les complaintes andalouses, ignorant encore tout du mirage abritant la froide indifférence des loups.
Bruno Bontempelli dans ‘’L’attouchement’’ (Grasset) :
« J’ai commencé de l’attoucher.
Ce corps dépourvu de tout apprêt, ce corps vierge, animal, était un festin. On n’aurait pas eu plus faim devant les mets les plus exquis. C’étaient l’émail du raisin, le velours de la prune, le lissé du miel, la souplesse et le grain de la pâte d’amande, c’étaient la fermeté de l’olive et la chair du pain de seigle, le suc des rôts et le cœur des figues, l’or des tourtes et l’ambre du vieux vin, c’était la manne mise par l’éternel à portée des hommes en guise d’avant-goût de l’Eden.
La peau cuite au soleil avait épanoui ses couleurs et ses arômes. Je humais la cannelle, le poivre et le gingembre ; je goûtais des yeux l’onguent brun dont elle semblait couverte, ses ocres de sumac, ses violets de pavot et ses dunes de sable noir où scintillait une fine mosaïque de cristaux minuscules. Cette peau sentait le chaud ; pourtant elle était fraîche… »
11 commentaires:
Ah là je compatis!!! Les mauvaises routes, les odeurs dans le bus, le manque de sommeil, les réflexions sans humour, c'est rien par rapport la mauvaise bouffe, parce que mal bouffer y'a rien de pire, enfin pour un(e) sudouestien(e) du moins!!!
Mais bon, puisque tu avais le joli sourire de "celle qu'il ne faut pas nommer" en ligne de mire...
isa du moun
Tout à fait d'accord pour la bouffe Isa du moun. Surtout lorsqu'on a la chance d'avoir une grastronomie qui figure au patrimoine mondial immatériel de l'Humanité ! Non mais ...
En tout cas la rudesse du voyage inspire à Marcos des cent lignes très poétiques. Un cancre créatif ou penaud ?
El flamenco de l'Antonio Gades local a dû être un moment fort.
Quant à "el espontaneo" du torero de salon sponsorisé par Optic 2000 je lui trouve un petit air de Richard Gotainer (jeune, bien sûr).
Bel extrait de "L'attouchement". Tu t'inities à la caresse jusqu'à l'extase ? De la part d'un kinénîmois c'est .... un peu inquiétant. Non ? Ah mais c'est vrai ! Tu es cent pour cent pro !
Bonjour Marc,
Un second voyage est en train de se mettre en place pour le mois de mai.... Emilio "El Patto" t'a mis ton assiette de MIGAS de côté !
Et il faut quand même reconnaitre que tu a un don certain pour "noircir le tableau" ! Apart les migas et un certain excès de sauce et de graisse dans l'ensemble ça allait !
Mais pour ceux qui seraient interressés par un voyage de plus "grand standing" nous sommes aussi capable de l'organiser et même pour un groupe plus réduit !
Un abrazo
Jérôme
On sait bien que dans tous les voyages, on n’a pas la nourriture de chez soi, et pas forcément des plats exotiques à notre goût. Mais le but n’était-ce pas, d’abord, une lecture de tout ce qui éveille la curiosité ?
Entre les gens rencontrés, l’espace géographique ou humain ou animal - dont finalement on n’a pas appris grand-chose -, ces récits de Marc, sans doute exagérés dans le sens du pittoresque et de l’aventureux, nous donnent des envies de partir voir comment c’est ailleurs.
On a bien aimé les photos, on aime bien celle de GG, marrante, - on s’interroge sur ce qu’il fait ou raconte, est-il en train de jouer au foot? -, mais une carte jalonnant le trajet, pour les nuls, n’aurait pas été superflue.
Gina
Salut jérôme...
Pour toi qui est un jeune pro du reportage en recherche de vérité donc, et pour tous les pragmatiques, une précision importante :
Ce qui est lu ici n'est pas la vérité ! Ce n'est rien que mon ressenti subjectif ou pire, ce que j'ai trouvé amusant d'écrire en toute liberté pourvu que ça m'éclate (comme ils disent, chez les jeunes...)
Au bilan global, rassure-toi, même si je pointe ou invente ce qui m'a ''amusé'', ce buzz delonien sur une escapade au campo devrait donner plus envie que pitié. Car si de nobles voyageurs ont eu des expériences dans de plus smarts conditions, comme je l'ai vécu aussi, par tout petit groupe, dans la voiture du ganadero, pour le raconteur que je suis, le groupe en car donne infiniment plus de matière...
eh oui mais Gina vous êtes intelligente, vous, et vous parlez comme une enseignante, qui veut savoir et comprendre. Mais nous on aime ''voyager con'' sans autre but que bâfrer et parler toros en se contrefoutant de la géographie. On est vilains, hein...
Sinon, oui, dans le mille ! ''GG'' est en train de se livrer à ce que l'on appelle l'épreuve des pénalties : comme les flèches le lui indiquent, il va devoir plonger à gauche ou à droite, selon la fantaisie du tireur. Le texte est prêt mais pas encore finalisé...
Mais non, tout ce qu'on trouve sur internet n'est pas vrai!Ce n'est pas la vraie vie, ici encore moins qu'ailleurs...Et qui vous dit, Jérôme,que le Marc Delon qui écrit ici est celui que vous connaissez? Vous avez des preuves? Moi, il me fait tellement rire que je sais que c'est lui, isa du moun aussi je pense...
isa
Pas mal en effet pour un professeur besogneux.
une bise Gina
Mais Monsieur "GG", qui semble avoir beaucoup d'humour, a certainement compris que les clins d'oeil sur le blog et les allusions (un peu gauloises parfois) font partie du décor ! C'est ce qui donne toute la saveur à cette aventure. Les anecdotes que nous sert Marc et sur lesquelles nous rebondissons font partie du voyage. Ce serait bien triste de ne résumer ce dernier qu'à l'énoncé de la plaquette publicitaire.
Il faut retourner lire les commentaires sur "Voyage au campo 2" où se révèle une nouvelle copine, pour se rendre compte à quel point certains peuvent me faire ronronner d'aise. Rrroârrrrr...rrr...rôrrrr
Tigrou.
Une nouvelle copine ? Et pourquoi pas un nouveau copain. Qui t'en voudrait d'avoir joué les matous. Allez, va, tu ne nous dis pas tout ...
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