Allumez quelque chose, une bougie, un puro, la cheminée, ou quelqu'un car "Llego Cachaito" commence doucement puis se déchaîne puissamment, un peu comme l'amour ; enfin, jusqu'à un certain âge au moins, car ensuite il se pourrait bien que ce soit l'inverse, non ? Je dis ça...
dimanche 30 juin 2013
samedi 29 juin 2013
Pépite
J'ai
beaucoup de mal à lire. C'est un aveu qui me coûte car pour qui se
pique d'écrire il n'y a évidemment pas pire handicap. Le plus
souvent, les livres me tombent des mains, peinent à m'intéresser.
Ou bien c'est moi qui suis incapable de m'y ouvrir. Car s'il est si
difficile de se faire éditer, c'est bien que les gens qui le sont,
ont du talent, non ? C'est peut-être à cause d'un seuil
d'excitation très relevé qui m'afflige à force de voir des
corridas ou de lire des nouvelles, parfois si percutantes, mais le
roman dilue mon engouement. Les femmes, les auteures, me perdent en
de trop longues descriptions qu'elle détaillent peut-être pour
démontrer toute la finesse de leur analyse. Elles me lassent. Les
romans policiers me coûtent un effort trop grand. J'en ai horreur.
Je ne peux pas les lire passivement en me soumettant au rythme voulu
par l'auteur. Je hais son plan qui n'est que fausse piste où
m'entraîner. Et la partie d'échec commence. Mon cerveau se met en
branle feignant de lire alors qu'il mouline comme un moteur de
recherche égaré pour comprendre l'énigme avant sa délivrance.
L'histoire, son écriture, ne me sont alors plus accessibles, je
deviens un concurrent de l'auteur et j'essaye de me mettre dans sa
peau pour décortiquer son plan. C'est idiot mais plus fort que moi.
Cela fait très longtemps que je n'ai pas lu le moindre polar, je ne
les regarde même plus à la télévision. Je crois que je pourrais
être scénariste, sans me vanter. Je regarde le premier quart
d'heure, puis je me lève pour aller à l'ordinateur en disant que
machine va s'amouracher de bidule et que l'assassin c'est le
beau-frère du voisin, là. Quand ça se termine, l'infirmière me
dit que c'était bien ça... comme si après en avoir vu des
milliers, j'avais soudain décodé le mécanisme. Si j'ai eu tout
faux, le truc commence à m'intéresser et je m'arrange pour le
revoir.
Dans
un roman, si le texte est plat, sans style ni esprit, sans sexe,
humour ou émotion, l'encéphalogramme aussi est plat et je renonce.
Pourquoi l'a-t-on édité ? Parce qu'il a su tenir la distance
au long cours du roman ? Parce qu'il y a d'autres sensibilités ?
Parce que je suis passé au travers ? Peut-être...
Et
puis parfois, un soir, sans prévenir, où l'on a fait l'effort
d'ouvrir le livre d'un auteur inconnu, surgit une page marquante.
J'ignore si cette page d'Alvaro Mutis dans sa nouvelle ''La mort du
stratège'' de son recueil ''Le dernier visage'' vous fera autant
d'effet qu'à moi, sûrement pas. Mais hier soir, moi, quand je l'ai
lu, j'ai ressenti le frisson de la satisfaction, l'avidité
croissante de découvrir ses mots, d'entrer dans les phrases et une
adhésion étroite à son idée. Oui, à la demande générale, je
m'astreins à sa saisie et vous livre la dernière page de cette nouvelle dans tout sa beauté :

La
première flèche l'atteignit dans le dos et ressortit par la
poitrine à la hauteur des dernières côtes. Avant de perdre
totalement ses forces, il avisa un mahdi qui, du haut de son cheval,
s'amusait à tuer des Bulgares avec son arc, et le traversa de son
épée de part en part. Une deuxième flèche lui transperça la
gorge. Il commença à perdre rapidement son sang et, s'enveloppant
dans sa cape, se laissa tomber sur le sol, le visage empreint d'un
vague sourire. Les Bulgares fanatiques chantaient des hymnes
religieux et des psaumes, avec cette foi aveugle et fervente des
récents convertis. Et c'est au milieu des voix monocordes des
martyrs que la mort commença à gagner le Statège.
Il
vit venir d'un coup la confirmation joyeuse de tout ce qu'il avait
pensé. En vérité, nous tombons en naissant dans un piège sans
issue. Tous les efforts de la raison, la toile d'araignée spécieuse
des religions, la foi fragile et périssable de l'homme en des
puissances qui lui sont étrangères ou qu'il s'invente, la marche
aveugle de l'histoire, les systèmes des grecs et des Romains pour
conduire l'Etat, tout cela lui parut n'être qu'un inepte jeu
d'enfant. Devant le vide qui avançait vers lui en même temps que
s'échappait son sang, il chercha une raison d'avoir vécu, quelque
chose qui justifiât la sereine acceptation de son néant, et
aussitôt, comme un giclement de son sang plus fort que les autres,
le souvenir d'Ana la Crétoise fut là pour donner un sens à toute
l'histoire de sa vie sur cette terre. Le délicat réseau bleu de ses
veines sur ses seins pâles, ses pupilles s'ouvrant avec étonnement
et tendresse, la douce caresse de sa peau pour veiller sur son
sommeil, leurs deux respirations mêlées durant tant de nuits comme
une mer battant éternellement ; ses mains sûres, blanches, ses
doigts fermes et ses ongles en forme d'amande, sa façon de
l'écouter, sa manière de marcher, la mémoire de chacune de ses
paroles remontèrent pour dire au Statège qu'il n'avait pas vécu en
vain, car il est vain d'exiger de la vie davantage que cette secrète
harmonie qui nous unit passagèrement au grand mystère des autres
êtres et nous permet de parcourir en leur compagnie une partie du
chemin. L'harmonie inaltérable d'un corps et, au travers de
celle-ci, le cri solitaire de l'autre, de l'amant qui a cherché à
s'unir à l'aimée et qui y est parvenu, même imparfaitement, même
confusément. Il ne lui en fallut pas davantage pour que, se
confondant avec le sang qui jaillissait à gros bouillons, un grand
bonheur l'envahît à l'instant d'entrer dans la mort. Une dernière
flèche le cloua au sol en lui perçant le cœur. Mais déjà l'avait
emporté la folle ivresse qu'il avait fuie si longtemps, l'ivresse de
celui qui se sait vainqueur du vide illusoire de la mort.
mardi 25 juin 2013
Saint-Gilles, primeurs 2013
J'ai raté le premier qui s'avéra parait-il moins bon, mais pour les trois qui suivirent, ce fut un plaisir de constater leur combativité piquante, leurs répétitions à l'envi, leur grande mobilité, le tout avec l'embestida noble qui permet : que demander de plus ? Devant, un Soto pas soso et un Husson sur le taf inspiré. Les combats, car il s'agissait bien de cela, soutenaient constamment l'intérêt par leur indécision, les novilleros maîtrisant tantôt leurs séries avant que d'être débordés par la caste de bestiaux que les présents étaient curieux de retrouver toros. Nous partîmes de l'arène avec la pêche, s'arrêtant trois mètres plus loin à la buvette accolée où rincer la poussière du gosier d'un pastis surdosé dans un gobelet de plastique trop mou...
Petite déambulation ensoleillée le long du canal jusqu'à un restau qui nous servit une ''tomate-mozza'' d'une lignée de desecho baignant dans une mousseline industrielle, dont tout le monde se régala sauf vôtre serviteur qui en avait il est vrai, juste la veille au soir concoctée une avec la Mozzarella di Buffala du fromager MOF des halles (Vergnes, meilleur ouvrier de France version fromager-affineur) avec des tomates offertes par un producteur de village à son infirmière préférée dont je partage avec lui le zèle professionnel – sauf que je fais encore ma toilette tout seul...- le tout sur une liche d'huile d'olives de variété Négrette du moulin Paradis saupoudrée d'origan, basilic et olives niçoises et il y avait alors autant de différence de raffinement entre ses deux façons, qu'entre la couche absorbante smokée bi-ouate de Jeanne Calment (paix à son... enfin, son âme) et une culotte ''La Perla'' brodée de soie sauvage et rubans... ma modestie dût-elle en souffrir.
On enchaîna par une ''morue-aïoli'' trop plate et triangulaire pour être honnête et pas assez relevée pour brûler les papilles et générer quelques retours de flamme roboratifs pendant la course à suivre, ce qui permet de n'avoir point de voisins trop collants. Un point de vue qui se discute quand vient s'asseoir tout près, une belle Arlésienne dont les mèches de cheveux peignées par les rafales d'un ventas intempestif, viennent soudain titiller vos naseaux dilatés de bonheur à sniffer le remugle exotique des champs de vanille de Madagascar, tout comme votre imagination fertile, toujours prompte à galoper vers les rivages sucrés des danses tribales suggestives de l'île aux Baobabs...
Le premier Baltasar Iban Valdès qui nous fit coucou était trop ''schmoll'' du squelette et pas assez tonique des muscles striés pour nous impressionner. Le reste fut plus costaud, bien âgé – cinq ans et huit mois – et sérieux, mais pas très héroïque à la pique à une exception près. Dans ce contexte, Camille Juan dont c'était le seul contrat de l'année ( ! ) peina à trouver sa place et se mit parfois en grand danger. Mais qui pour lui jeter la pierre ? Je ne vois pas... Maintenant, s'entraîner dur pour ne faire qu'un contrat de réel danger sans qu'on puisse le lui reprocher en raison d'un courage avéré mais dont les qualités artistiques et techniques sont insuffisantes pour justifier de déplacer un public … Voyez un peu la vis sans fin de cette problématique... Je serais sa femme, je sais bien ce que je lui dirais :
- Allez zou, c'est pas un peu fini de faire le ''Fantasmatador'', maintenant ? Je te signale que tu n'as toujours pas réparé les étagères du garage... !
Et alors il deviendrait mieux qu'un torero, un héros déchu dans un recueil de nouvelles, parmi tous ceux qui auraient voulu mais n'ont pas pu... ( paru chez Cairn )
Ferrera eut des problèmes de communication avec le public Saint-Gillois ainsi qu'avec ses toros... du déchet, de l'approximation, du refus, de la maladresse.
Castaño avoua ses limites et comme on ne ''s'estrasse'' vraisemblablement pas devant l'arène très bien garnie d'un pueblo, comme dans la nîmoise, le retentissement n'étant pas le même, il confia à sa cuadrilla le soin de réchauffer les gradins. Une très grande paire de Sanchez, vous savez avec sa course lente dite du ''Forcados coxarthrosique'' à la tête du toro, mais las, le prix au meilleur banderillero fut attribué par les connoîsseurs du cru à David Adalid, on suppose parce que son nom a plus surfé sur la vague de la popularité ? Quant au prix de la meilleure pique il aurait été déclaré ''prix de la moins mauvaise pique'' ou ''desierto'' qu'il n'y aurait rien eu à redire...
Un matin qui donne la pêche, donc, avant l'après-midi des noyaux d'abricots à avaler. Une bonne journée d'aficion.
Libellés :
Baltasar Iban,
feria de la pêche et de l'abricot,
Marc Delon,
Saint-Gilles
jeudi 20 juin 2013
La page de Jacques Durand du 20/06/2013
...Morante... a toréé avec ce qui apparaissait comme un bonheur d'être qui ne l'a pas quitté et a contaminé les spectateurs. Ce fut devant trois toros de condition différente comme une explosion jubilatoire de toreo "arrebujao", littéralement emmitouflé, comme disent les aficionados andalous. De toreo toujours dans le terrain du toro, toujours comme cousu avec lui, toujours hacia adentro, toujours ne faisant qu'un avec lui qui ne faisait qu'un avec lui-même et qu'un avec sa cape et sa muleta dans quoi il avait oublié son être borderline et déposé son art resplendissant...
... Sur le bravo Deseadito qui paraissait avoir un défaut de vision mais que Morante à force de douceur, de lenteur, de fluidité finira par mettre dans sa poche pour en mettre lui, plein la vue dans une faena de plus en plus habitée, de plus en plus sensible, une faena de deux oreilles voire plus, une faena lumineuse donnée au bord de l'onirisme, conclue par deux pinchazos et une estocade a recibir aussi soudaine que foudroyante. A Istres, à travers son absence de mécanisation et de "rascado" d'accord brusque disent les guitaristes, l'art de la conjonction chez le disjoint Morante témoignait aussi de l'efficacité de la finesse et de la puissance de l'harmonieux.
lundi 10 juin 2013
Valet de Bellota

Au cartel ce jour-là à Las Ventas, Morante, Conde et Salvador Vega. Mais c'est pas sûr. Je sais , c'est énervant. Il sort un grand méchant roux qui s'envoie en l'air au-dessus de la barricade. Remue-ménage dans le callejon, mais pas de remue-méninges pour Conde qui préfère fuir l'agitation provoquée. C'est pourtant son toro mais bon, un méchantas comme aquo, quand on est délicat, mieux vaut faire comme s'il n'était pas là...
Derrière les planches y'a du pataquès, ça dégomme grave ! Le roux tout fou se fend d'un hachazo de boucher et récolte un valet d'épée au crochet droit. Le type pend par sa cheville embrochée, je sais, rien que de le dire ça douille plus fort que le bruit de la craie sur le tableau noir, le type pend donc comme un quartier de viande, je revois encore son pantalon noir clavé aussi par la corne, la tête en bas au bout du poignard – un sacré souvenir pour lui - balançant au-dessus de la piste, alors que le cornupète foule encore le callejon. Comme s'il voulait nous le montrer et demander au public :
<< Mais qui c'est celui-là, vous le connaissez ? >>
Heureusement le Dieu des chevilles veille et l'animal raclant soudain sa corne tronconique sur le sommet des planches, déchausse le valet d'épée qui choit sur le sable. Où peux-tu voir ça ailleurs, lecteur ? Au cirque ? Au théâtre ? Que nenni, là, sans trucages, et nulle part ailleurs. Son pied est dans une vilaine position que les rapports anatomiques physiologiques n'envisageaient même pas en tant que machabée sur une table de dissection. Bonjour le diastasis tibio-péronier...
On ouvre les portes du callejon trop vite et tout ce que celui-ci comptait comme population qui avait lamentablement chuté sur le sable, qui sur la tête, qui sur le cul, etc... dans un ''sauve qui peut'' anarchique et terrifié où même les valeurs de gauche telles qu'humanisme et solidarité avaient opportunément été reniées pour un affreux « Chacun, pour sa putain de pomme, et fissa, bordel de merde... !!! », se retrouve à nouveau sous la charge du fauve en furie : re-escalade de barrière à l'arrache, égoïste et désespérée, au besoin en grimpant sur le collègue, et, se retrouve seule cible, le dit ''gato negro'' valet d'épée estropié... Le frontal du bicho le fracasse contre la barrière si bien qu'on se demande s'il n'y serait pas encore fossilisé, là-bas, dans l'épaisseur des planches...
C'est alors que surgit un petit peon courageux (en même temps que votre souvenir de cette anecdote déjà lue...) qui s'offre à cuerpo limpio, détournant la charge du roussi furibard, l'entraînant à ses trousses qui chauffent, brûlent, aïiiiiie, attentionnnn, oh putaingggggg, justejuste, le petit peon passe la planche en rouleau ventral escagassé alors que la corne se plante dans le bois dans un bruit sec et mat qui augure salement de la blessure qu'il aurait pu récolter si le fémur avait remplacé la planche : Crâc! Tout le monde suit ? Pas le mouvement anti-corrida, la fracture. A las Ventas, oui, tout le monde suit, l'arène se lève et ovationne durant de longues minutes ce geste décrété le plus torero de toute la semaine ! Olé !
Le fiasco prévisible du Conde blême s'en suit et c'est drôle comme il ne tente plus de faire l'intéressant, le coup du ''habité par le duende de la marisma je suis''... Bêêêrrrrk, quelle vulgarité ces bêtes sauvages... !
Morante lui, même si son adversaire a de longues dagues effilées, ne se dérobe pas, il roule, enroule, déroule et entourloupe son cornu comme un pizzaïolo son pâton de future Margarita et récolte l'estime du conclave.
Salvador Vega lui, ben on n'en sait plus rien... si ça se trouve il n'était même pas là... ah si, puisque son valet d'épée pendait... bon ben cherchez dans ''Toros'' mais quelle année, alors-là....
A la sortie, pour se remettre de ces émotions, programme d'éclusage au bar ''La Tienta''. (et voilà c'est pour avoir revu sa devanture en photo dans le blog ''Adios Chulo'' que ça me revient...) Comble, les buveurs investissant le capot des bagnoles, une fois obtenu leur précieux trésor liquide. D'humeur affamé badine, je goûte à tout et après quelques verres, je signale au type qui sert au comptoir qu'il ressemble au Juli ! Il me dit que non, que c'est le Juli qué tienne su cara... ou à peu près, ce qui avec quelques verres de tinto dans le gosier ne fait pas ressortir de différence majeure, convenez-en. Fin de la tertulia je viens à nouveau au comptoir demander la cuenta. Un des mots espagnols que je connais par cœur...
- Ben ça dépend, me dit le type... qu'est-ce que t'as prix ? Enfin, pris... ?
Ô putain, s'il faut me remémorer tout ce qu'on a ingéré, on aurait mieux fait de commander avant... à la française...
- Ben ça, puis ça... huit, puis les bouteilles, voilà c'est tout, ah ouich, et puis l'azziette d'oreilles de cochouns, auzi...
- Ah non, ça tu le payes pas, ça je te l'ai fait goûter parce que tu ne connaissais pas, c'est pour moi...
- Aaah... supereu... merzi... ah ouich et puis ça aussi, dos raciones de valet d'épée...
Le type et moi on se regarde en fronçant les sourcils et en avisant un jamon pata negra pendu au plafond par un crochet de boucher.
Libellés :
iberico,
jamon pata negra de bellota,
Madrid,
Marc Delon,
Morante,
San Isidro
jeudi 6 juin 2013
Romeria de Mauguio

mardi 4 juin 2013
La Corrida Parfaite
Je voulais me fendre d'un compte rendu. Il aurait commencé comme ça :
A) Vous aimez Simon Casas :
Achetez son livre, vous aurez de quoi l'admirer un peu plus. Il s'y raconte au fil des époques de sa vie et n'est pas très critique avec lui-même. Vous découvrirez un parcours qui fut effectivement romantique et bohême, une aventure à peu de gens donnée, où l'on ne mangeait guère à sa faim, se nourrissant plutôt d'espoirs...
B) Vous n'aimez pas Simon Casas :
Achetez son livre ou si vous ne condescendez même pas à lui faire gagner les 6% du prix du livre, faites vous-le prêter, vous aurez de quoi le haïr un peu plus. Il s'y raconte au fil des époques de sa vie et n'est pas très critique avec lui-même. Ce qui peut vous permettre de le railler, comme par exemple lorsqu'il reprend le non-sens bien connu de "toro-artiste"... soit l'exemplaire qui a le bon goût d'entrer doucement dans la muleta après la pique, ce que les pragmatiques ont l'outrecuidance dénuée de sens artistique de nommer "toro faible". Bonne marrade.
C) Vous avez d'autres problèmes existentiels que de déterminer si vous l'aimez ou pas et nul besoin de vous déterminer par rapport à lui, au phare du Boucau ou je ne sais à quel autre car vous vous gardez bien d'avoir de la tauromachie une approche militante ou politicienne qui en gâcherait toute la saveur (mon cas) :
Achetez son livre, il y parle d'une curiosité. Il s'y raconte - comme la totalité des gens qui écrivent, qu'ils en soient ou non conscients - au fil de sa vie et n'est pas très critique avec lui-même. Ca vous étonne ? La curiosité c'est que pour la première fois, il y évoque ses rapports avec Alain Montcouquiol. Et ça, c'est une énigme qui m'a toujours interrogé : comment deux types aussi différents que l'eau et le feu, l'exhubérance et l'introspection, Ronsard et DSK, une larga afarolada de perfil et une naturelle dans le cacho, un aïoli de jouteur sétois et une mayonnaise parisienne, une... j'arrête ?, ok... enfin bref, ce genre de souvenirs que seule l'enfance met en présence.
Et puis j'ai reçu d'une amie ce post qui reprenait l'article de Marmande au sujet de ce livre, qui me coupait un peu l'herbe sous le pied... le voici donc puisque vous préférez être avertis du vide-grenier de Saint Quentin la Poterie en lisant Midi-Libre plutôt que d'acheter ''Le Monde''...
Les taureaux ont toujours le dernier mot
Hâbleur, génie picaresque des affaires et des "coups", phénix plusieurs fois ruiné, Simon Casas a réalisé le 16 septembre 2012, dans les arènes romaines de Nîmes, ce qu'il peut à juste titre appeler La Corrida parfaite. Soit l'impossible. José Tomas, torero mythique, acceptant de toréer seul six taureaux, et y parvenant dans l'état de grâce que seuls connaissent les artistes.

La vie à avoir peur
Au fil de la corrida parfaite qu'il relate, son livre évoque une histoire terrible, une histoire de garçons peuplée de noms de filles, de tragédies et de passions, une histoire d'hommes et de bêtes. Son texte, déchirant, très beau, et probablement damné d'avance parce qu'il parle de corrida, est adressé " à Alain Montcouquiol ". Silhouette noire et silencieuse, Alain Montcouquiol porte dans les rues de Nîmes le deuil de son frère, Nimeño II, le premier torero français de catégorie, victime d'un taureau de Miura (1954-1991).
Comment Alain Montcouquiol et Simon Casas se sont-ils croisés dans les années 1960 ? Comment, tous deux fils de prolétaires, de résistants, de l'après-guerre, plus ou moins rastaquouères, clochards célestes, auront-ils changé le sens de la corrida ? Comment tous deux, Nîmois, mais pas du bon côté de Nîmes, se sont-ils embarqués dans cette folie qui un jour, espérons-le, trouvera son Flaubert ou son Boulgakov ?
Pour l'instant, ils la vivent, ils l'écrivent, Montcouquiol chez Verdier, Casas Au Diable Vauvert, se croisant bonjour-bonsoir après avoir été inséparables. L'un, Alain, moine austère des ruelles nîmoises. L'autre, Casas, diable tapageur de ses arènes et de celles de Madrid, dont il assure désormais la direction artistique.
A 17 ans, sous les quolibets des aficionados français, ils sont partis sans un sou pour Madrid. Obsédés par l'idée d'être toreros, s'enivrant de Sartre, Camus, Baudelaire et Rimbaud, à l'Institut français - d'abord pour se réchauffer -, connaissant tout de la faim qui n'est rien à côté de la peur. Et, puisqu'ils ne savent rien, ils n'ont aucune peine à tout apprendre. C'est une histoire de passion, de fureur, d'amour à mort, pas une histoire pour faire des ronds dans l'eau au parc Monceau.
Une histoire de marcheurs dans les villes, et surtout, par millions de pas, dans la contre-piste des arènes, cette ruelle qui n'en finit pas de se mordre la queue : " Ces callejons où nous avons ressenti tant de peur ! " La vie à avoir peur, la vie avec la peur aux dents vertes pour compagne. Aujourd'hui, Alain touche 37 euros de retraite par mois. Simon ne sait s'il finira riche ou pauvre : " Viendra le jour où l'un de nous deux laissera l'autre - Lui ? moi ? Celui-là verra dans la tombe de l'autre les cendres de ses 20 ans. "
Et l'artiste des artistes, José Tomas ? Détient-il le mot de la fin ? Certainement pas. Lui qui ne se produit qu'au compte-gouttes, il était programmé le 20 mai à Nîmes. Dans une petite arène d'entraînement, un taureau vient d'en décider autrement. Il sera indisponible.
C'est une histoire où les taureaux ont toujours le dernier mot. Sur le sable, la mort est toujours là. Ce qui rend la corrida insupportable à certains, insoutenable à tous, indéfendable comme la mort.
Nouvelle
La Gardianne de Taureau
Il cuisinait merveilleusement la gardiane de taureau. Ses amis se faisaient une joie d’être invités à sa table pour déguster le plat traditionnel. Ces rendez-vous attendus éveillaient les sens, déliaient les langues et ouvraient l’imaginaire. Il apportait le met accompagné de riz camarguais ou de Belle de Fontenay et alors éclatait un feu d’artifice d’exclamations : des Oh ! des Ah ! sonores et bien ouverts envahissaient l’espace. C’était comme on dit inconsidérément aujourd’hui : que du bonheur ! Mais ce soir de féria de pentecôte, à peine avait-il posé son œuvre sur la table qu’un cri strident vint percer les exclamations : un ih ! qui défigura d’une sordide grimace le visage de la coupable. Tous la regardèrent et elle devint aussi rouge qu’une muleta. L’étrange réaction de cette parisienne que l’hôte vénéré accueillait pour la première fois plomba l’ambiance. Elle était apparue si délicate et si distinguée jusqu’à présent ? Un ange passa. On s’interrogea du regard. Mais la bienveillance de cette petite humanité reprit très vite le pouvoir. Tous retrouvèrent le sourire. Quelques uns allèrent interroger la jeune femme quand le cuisinier du soir intervint : Sophie ! Tout va bien ? Elle resta bouche bée un certain temps et un deuxième ange passa. Elle lança un : excusez moi et fila se réfugier à l’étage. Il rassura ses amis : je vous en prie commencez à manger. Ca va refroidir. Pierre s’il te plait, débouche le costière, il est sur le buffet. Il faillit renverser le vase au pied de l’escalier mais le rattrapa in extremis, le reposa sur son socle en jetant un dernier regard sur ses amis. Gisèle avait ôté le couvercle de l’énorme casserole en fonte et la fumée du plat chaud dessinait des petits nuages montants. Il entendit le sacro-saint bruit du bouchon expulsé du goulot. Rassuré, il monta les marches avec les bruits familiers de la convivialité retrouvée. Dans le couloir, il reconnut la lumière de la lampe de chevet dans l’entrebâillement de la porte. Il s’approcha et regarda discrètement. Elle était assise au pied du lit. Prostrée, elle fixait du regard ses pieds nus. Il l’observa un instant : la perfection de ses jambes, les arrondis de ses genoux que sa robe légère dénudait. Au bas de l’armoire sa valise ouverte donnait à la pièce une atmosphère de chambre d’hôtel : la solitude de cette fille paraissait immense. Il se reprocha ses considérations esthétiques. Il ouvrit doucement la porte. Il s’approcha. Il s’accroupit à ses pieds. Il prit doucement ses deux mains dans les siennes et les baisa tendrement. Elle sourit. Il perçut un léger tremblement de son corps. Il remonta ses mains sur ses bras, ses épaules. Il osa un : comment ça va ? Elle le regarda un long moment. Elle posa un doigt sur ses lèvres. Il le mordilla. Un sourire à peine gai anima son doux visage. Les caresses de l’homme se firent un peu plus audacieuses. Elle articula : alors comme cela vous les mangez ! Elle posa la tête sur son épaule. Il embrassa son cou. Elle frissonna. Il prit son visage entre ses mains et la profondeur de leurs baisers décupla leurs désirs. Elle retira prestement sa robe. Il lui ôta ses sous-vêtements. Il embrassa son sexe puis se déshabilla et la pénétra. Ils passèrent avidement d’une position à une autre. Elle jouit et il étouffa son cri de la paume de sa main. Ils se fixèrent du regard les yeux rieurs : du lointain ils percevaient les bruits de la fête en ville ; un silence précieux les unit. Elle le renversa sur le dos, prit son sexe dans sa bouche. Les rires des amis en bas se firent plus sonores. Il jouit à son tour frappant le matelas de coups de poings sourds. Elle but sa semence jusqu’à la dernière goutte. Combien de temps cela avait-il duré ? Il lui semblait qu’un deuxième magnum avait été débouché. Sous la douche elle savonnait son torse.
Il caressait le bas de ses reins. Ils ne cessaient de s’embrasser. Quand ils réapparurent l’assistance manifesta le même enthousiasme qu’à l’accueil du plat tout à l’heure : Ah ! Les Voilà ! La nouvelle robe de Sophie enchanta. Le mystère de leur absence excita les libidos qui en ces jours dionysiaques ne demandaient qu’à s’exprimer. Certains couples s’embrassèrent sans pudeur. Le plat réchauffé était encore plus appétissant et l’on se resservit après avoir présenté une part à Sophie. C’est Giséle qui le fit : vous voulez goûter ? Elle prit l’assiette et alla s’asseoir sur la terrasse. Le jardin suspendu où on dansait maintenant la sévillane exhalait des senteurs de roses et de jasmins. L’assiette sur les genoux Sophie coupa sa viande et approcha un morceau de sa bouche. Elle laissa un moment la fourchette en suspens. Elle regardait ces hommes et ces femmes qui les yeux dans les yeux prenaient des pauses andalouses. Quand le dernier couplet partit et que les corps s’animèrent, le taureau fondant réchauffait sa langue. Le lendemain en fin d’après midi Sophie et Jérôme étaient assis côte à côte au troisième rang des arènes. C’était le premier toro qu’elle voyait combattre. La robe qu’elle portait était celle qu’il préférait. Elle rafraîchissait son visage de délicieux mouvements d’éventails. Il avait observé son comportement durant les deux premiers tercios. Il ne parlait que rarement pendant une lidia mais il avait déjà expliqué le déroulement du rituel à son invitée chérie. Elle appréciait, c’était évident. Il nota ce sentiment de frayeur et de beauté qui semblait envelopper son corps : sa chair exhalait une odeur suave et une douce excitation couvrait d’un léger velours les pores de sa peau blanche. Il posa une main entre ses jambes. Elle pencha doucement le visage vers sa bouche et ils s’embrassèrent in situ et longuement. Le torero prit l’épée pour porter l’estocade. Les aficionados savaient les trophées qui gratifieraient sa faena s’il tuait al tiempo. L’orchestre s’arrêta de jouer. Sophie et Jérôme regardaient maintenant l’homme qui arrêta la bête à deux mètres face à lui. La pression de sa main sur son sexe l’excitait. Le matador se leva sur la pointe des pieds en se dandinant légèrement. Elle mordillait ses lèvres et ses joues se teintèrent d’un rose fripon. L’espagnol pointa l’épée et la muleta en direction du taureau. Jérôme sentit une légère fraîcheur couvrir l’intimité de sa complice. Le tueur fit deux pas en donnant la sortie au fauve et lui porta une estocade profonde dans le cou. Elle s’abandonna à l’instant. Le jandilla tomba. Les spectateurs des arènes se levèrent et agitèrent des milliers de mouchoirs blancs. Sophie et Jérome s’embrassaient fougueusement.
Le TGV a passé la gare de Valence. Elle a bouclé son article et quitte des yeux l’écran de son ordinateur pour laisser son regard errer sur les vertes collines. Elle est entourée d’hommes dans ce compartiment. Leurs regards l’amusent. Le week-end prochain Jérôme viendra à Paris. A trois cent kilomètres heure les distances rapprochent les cultures. Au musée Picasso des toiles de Françis Bacon juxtaposent celles du catalan pour une exposition temporaire. Elle sera sans aucun doute la meneuse de jeu. Elle ouvre son sac et glisse une main à l’intérieur. La texture de cette oreille animale que le torero leur a lancée depuis les tablas réchauffe son âme. Elle est amoureuse.
Philippe Béranger
NUE-YORK
Je remontais les ramblas de Barcelone à contre-courant quand j'ai vu soudain une bande de quatre jeunes filles bras dessus, bras dessous riant aux éclats. Et puis je l'ai vu, lui, nu, évoluant parmi la foule. Un petit sac en bandoulière, des tennis aux pieds et une peau nette et bronzée. Comme si de rien n'était. Comme si nous arrivions au monde nu et que l'habitude de se vêtir ne soit qu'une bizarerrie de marginal. Il parait qu'il y en a comme ça, quelques-uns dans le monde qui militent pour le droit au naturel. Je ne parle pas des Korowaï de la forêt mais de citadins occidentaux. Cet excès - vivre la verge à l'air ne me paraît pas très pratique, j'y suis trop sentimentalement attaché pour lui faire prendre des risques inconsidérés - m'apparait toutefois beaucoup plus sympathique et moins choquant que les couvertures intégrales, tant dans le style que dans leur morale respective.
Erica Simone est de ceux-là, nature et découverte...
ici sa vie, son oeuvre : http://www.ericasimone.com/commercial/nueyork.php
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