lundi 23 août 2010

Carnets de Ruedos...




Canis Lupus et Petit Minus






El Lobo hurlant son désespoir à la pleine lune de ses ambitions, s’élançait furieusement sur le dos du fauve. Question toreo il avait les crocs, il aurait bien aimé agiter un peu plus souvent le petit chaperon rouge devant le mufle des bêtes noires, mais, le désir ou la volonté, seuls, n’ont jamais suffi et dans la forêt de contrats, la trace est plus qu’aléatoire, la recherche au sang plus que complexe. Aussi n’aura-t-il jamais pu s’essouffler entre les murs de pierre des grands amphithéâtres romains où ne grognent pourtant trop souvent que de petits cochons faciles à tourmenter pour des figuras maniérées. La horde médiatisée court d’autres territoires quand lui doit se produire au mitan des vieilles planches disjointes de la ''Monumental Marius Lescot'' si pompeusement qualifiée parce qu’il s’agit de la plus petite arène de France et de Navarre et, mon oreille à couper, du monde. Nous sommes à Gimeaux prés d’Arles, quelques années en arrière, et, quand le frontal du toro heurte l’enceinte, tout le premier rang, c'est-à-dire le seul, plus exactement le cercle que font les spectateurs debout, estime le choc en direct, amortissant l’onde de la structure, de leurs poitrines. Dans les avant-bras se jauge l’impact de la cornada qu’il y avait à prendre alors que le ventre des câbles en vibre encore à l’unisson des ventres aficionados.
Un peon s’est abrité de justesse derrière un burladero que le coup de corne a malmené : une épaisse planche pourrie avec des gros ''cloutas'' rouillés s’est fait la malle. Le peon l’a balancée en force par-dessus bord sans se soucier d'ensuquer un spectateur, qui n’a qu’à l’esquiver d’un retrait du buste plein de toreria et depuis, elle pourrit un peu plus dans le jardin de celui qui l’emporta furtivement parce que l’idée de détenir une relique de la plus petite arène du monde lui botta. El Lobo s’élança furieusement sur le dos de l'autre fauve tandis que de l’autre côté d’une palissade pompeusement nommée ''arène'', le petit garçon ajustait solennellement son coude pour entrer à matar. Ces deux photos ont trente secondes et deux mètres cinquante d’écart, soit toute une traître vie. Sûr qu’au même âge, El Lobo avait une aussi pure aficion et plus de facilité à rêver de triomphes. Sûr qu’il était aussi fier, de se camper ainsi, prêt à couper des oreilles qu’il aurait promenées encore tièdes et dégoulinantes, triomphant toutes canines apparentes, tout au long d’un ruedo, fût-il le plus petit du monde.

Sûr, qu’aujourd'hui il doit parfois encore y penser quand il vous sert le pastis sur la place du Forum, avec cette lueur de détresse résiduelle de loup insatisfait qui rêvait plutôt d'étancher votre soif d'aficion.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Beau texte,belles photos, émouvants.

Maja Lola a dit…

La nostalgie de ce qui aurait pu être mais n'a pas été ... tous les breuvages du monde ne peuvent pas en étancher la soif. Même si nous apprenons à vivre avec nos amertumes.
Mais tous les Lobos sont programmés dans leur tripes pour se jeter dans les "Monumentales" (fussent-elles modestes planches tenues par les "cloutas"). Et le bonheur de la fête partagée avec les maigres spectateurs du ruedo laisse certainement des traces. Amères mais indélébiles.
Le petit garçon est craquant. Quelques Lobos se reconnaîtront peut-être ?

Marc Delon a dit…

je crois que ce petit garçon effectivement craquant est de la tribu Leal. Peut-être ne s'en tiendra-t-il pas qu'au jeu, donc...