vendredi 24 septembre 2010

Depuis son Ipad...2



Les journées du patrimoine

En dehors de quelques centaines de types plutôt soupe au lait (fermenté), dont les tribus campent habituellement dans les vallées du Sud Waziristân, l’opinion publique mondiale s’est émue, à très juste titre, lorsque le mollah Mohammed Omar disposa qu’on fît péter les deux Bouddhas de Bâmiyân. Mais elle s’est montrée beaucoup moins à fleur de peau quand, dernièrement, le parlement de Catalogne a décrété de dynamiter la corrida. Qui, qu’on le veuille ou non, n’est pas moins un legs de l’histoire humaine, une part intangible de patrimoine, comme la recette du cassoulet ou la première page de Moby Dick. C’est vrai aussi qu’un vote électronique, ça fait beaucoup moins de pétard qu’une ration de TNT.
Et puis, l’opinion publique, qui a souvent des vapeurs de cocotte fin de siècle, doit trouver que le bouddhisme c’est mimi, que ça fleure bon la pondération et l’alimentation équilibrée. Tandis que la corrida est carrément cracra, elle chlingue la déraison et la viande rouge (ou, au mieux, à peine tourne-retourne). On n’a jamais vu un bonze faire du mal à la moindre mouche, alors qu’un torero... C’est pourquoi, si l’opinion publique a un peu minaudé à propos des artificiers pachtounes, elle n’a pas levé un cil contre les boutefeux barcelonais.
Mais qu’elle y réfléchisse pourtant, l’opinion publique : si on dit qu’on arrête, on arrête tout, vraiment tout. On assainit, on épure. On dégage, on éradique. On n’y va pas avec le dos de la cuillère, sinon ça n’a pas de sens. Tiens, on prend le livret de Carmen et on le réécrit. On décide qu’Escamillo ne sera plus toréador, qu’il fera désormais un métier plus hygiénique, plus utile à la communauté, disons installateur de panneaux photovoltaïques, voilà un boulot qui fait vraiment moderne et décent. Un peu difficile à mettre en musique, sans doute, mais comptons sur l’ingéniosité des fourriers de la morale unique. Puis, tant qu’on est dans le lyrique, on renvoie chez Plumeau l’œuvre de Francis Lopez et Luis Mariano (je cite ces deux là à la place de Cocteau et García Lorca, dont les noms apparaissent plus facilement dans ce genre de débats, ça change un peu). Et, comme on est parti, on caviarde la page 54 de Tintin et les Picaros, parce que si, là, en bas à droite de la dernière case, on aperçoit un personnage habillé en torero. Sur ces questions, j’ai le regret de le signaler aux amis des animaux, Hergé n’est pas plus blanc-bleu que Goya.
Et quant à moi, j’aimerais désormais qu’on évite de rappeler que je fus jadis un vague lauréat du Prix Hemingway. Car Hemingway, Nobel ou pas (encore une histoire d’explosifs), empeste la chasse au lion, la pêche au gros, la mort dans l’après-midi et les paires de cojones autoproclamées (si on passe l’expression). Toutes choses qui ne se portent plus avec aisance, sous nos climats. Alors, dès maintenant, je vais faire tout ce que je peux effacer ce stigmate et mériter d’obtenir un jour le Prix Amélie Nothomb. C’est bien, non, Amélie Nothomb, par les temps qui courent ?
Antoine Martin

5 commentaires:

Maja Lola a dit…

Merci Journée du Patrimoine : l'humour sur LE sujet du moment dont nous abreuve AM avec talent et maestria donne de l'oxygène à l'air pesant ambiant.
Ah, au fait, Escamillo installateur de paneaux photovoltaïques ... Vale ! Lundi matin lorsque deux d'entr'eux viendront vendre leur savoir-faire, je ne les verrai pas avec les mêmes yeux ... Je vais peut-être d'ailleurs leur demander de mettre el traje de luces, tiens.
Et oui, il faut savoir vendre la marchandise.

Maja Lola a dit…

Chulo qui passes régulièrement chez Marcos, impossible d'entrer dans tes commentaires. Je tente depuis hier sans succès. Et cette fois-ci ce ne sont pas mes incompétences techniques !

Anonyme a dit…

On savoure l'aisance de cette prose familière comme toujours, et le choix habile des références qui nous font descendre de déduction en déduction jusqu'à la mise à mort de la culture tauromachique et à la tombe - en attendant la descente aux enfers.

Gina

el Chulo a dit…

maja, peux tu essayer à nouveau stp

Anonyme a dit…

Chulo, je lis mais je ne peux pas mettre mon grain de sel.

Gina