Je suis quand même allé faire un tour à Arles. Vendredi non, boulot-masso-vieux-os. Samedi oui, mais aux rencontres de la photographie, visite des ateliers SNCF. Rien vu de ''transcendantal'', dans certains halls se trouvaient des photographies moyennes de photographes moyens, même qu’on aurait pu intercaler certaines des miennes, au milieu, sans le dire, on s’en serait pas rendu compte… c’est dire.
Dans l’arène il y avait une Goyesque, dix oreilles, six invalides, dixit la libraire nîmoise rencontrée. En prime, une artiste avait investi la piste de ses toros à l’infini reproduits – original… - je croyais l’art contemporain novateur ou subversif, moi. En plus cela produit un drôle d’effet sur les spectateurs qui le reniflent depuis le callejon : je ne sais pas si vous avec lu le compte rendu de ‘’Solysombra’’ sur CYR à ce sujet, mais ça lui a rien valu de sniffer ces pigments, j’ai rien compris à son article, enfin je veux dire que je n’ai pas réussi à identifier la conclusion qu’il voulait que l’on en retire. Ca pourrait expliquer l’état de Padilla aujourd’hui aussi, sauf qu’il est tout le temps comme ça, même sans pigments. Il marche à quelque chose, c’est sûr, mais quoi ? Antésite ou Cocaïne, j’hésite. A un moment, il s’est engagé dans une série d’aériennes Chicuelinas marchées, enchaînées, délicates, et juste au moment où on allait en jouir enfin séduits et reconnaissants, il a rematé tout ça d’un mauvais desplante de flibustier borracho montrant à sa coquine comme c’était-y-qu’il était fort ! Le bougre. Naturel et Antésite obligent. Salaud, va ! Si, la réglisse, ça fait monter la tension.
Savalli vire un peu au Padilla français… faudrait pas… un, ça suffit. Je comprends mal ces jeunes qui n’ont pas encore prouvé grand-chose et qui s’attachent tant à se faire applaudir par anticipation. Il faut de l’humilité dans l’arène : à quoi bon agiter frénétiquement ses grands bras pour recruter l’ovation quand derrière on cafouille sa pose de banderille ? A quoi bon après un désarmé, un accrochage, un échec, ne pas en prendre acte humblement en se concentrant pour mieux faire, comme le faisait un Rincon, plutôt que de chercher à ‘’surcompenser’’ l’échec en déchaînant le mime d’une témérité bouffonne malvenue ? Ce n’est pas honnête et le public n’est pas si con…
Seul Tellez réussit à étirer quelques muletazos plus langoureux à un tonton de 610 kg de Margé qui fut un toro de troisième tiers, s’y améliorant dans sa charge après un tercio de pique catastrophique où sa mansedumbre fut en évidence ce qui lui valut de remporter sans coup férir, le prix de cette corrida-concours ! Je ne savais pas encore que le tercio de pique ne comptait pour rien dans l’évaluation, on en apprend tous les jours dans notre merveilleux pays. Le Président nous avait déjà empêché de voir tout le jus des toros s’exprimer comme le premier de Tardieu qui ne fit qu’une prestation ‘’regular’’ pour un toro mais dans le meilleur style du lot et avec le plus d’allant. A en récompenser un, celui-là au moins, était venu sans tergiverser et avait poussé volontiers trois fois. Bronca générale méritée à l’annonce du prix. Le public n’est pas si con...
Après ce premier de Tardieu, la corrida s’assoupit dans la douceur de sa belle lumière d’été finissant.
Mais attention, voici le scoop exclusif de ‘’photosmotstoros’’ (qui va peut-être à l’occasion se couvrir de ridicule, qui sait…. ? Mais peu importe, je ne suis pas journaliste professionnel et à ce titre pas tenu de vérifier mes sources. Quoique… parfois eux non plus, hein…car l’ambiguïté fait vendre du papier… en tout cas envoyez-moi chacun 0,90 euros, ça vaut bien ça, car ce que vous allez lire ne sera pas dans le Midi-Libre demain…)
Samedi soir, la libraire rencontrée me dit :
- Tu rentres à Nimes ? Tu pourrais pas nous ramener … ?
- Oui, on rentre, si, si tu veux, je te ramène… mais qui nous ?
- Le Chino et moi… tu connais le Chino ? El Chino !
- Euh ben non, je devrais… ?
- Le porteur attitré de José Tomas ! Tu sais bien, Durand en a parlé dans un article… c’est lui, là tiens, viens Pedro, Marc nous ramène…
- Hola buenas, yo rhfjffhrfffkgkfjfkggjfj, olé ! Tienne la caja de dkdjfhfgdjdfh tambien !
- Euh… Hola pedro-chino…jo no apprender tu lengua a la escuela, pero yo quiero Espana y para beber y comer jo mé débrouilla un poquito…
- Vale ! Tengo jo quejdhfhgjghgkfjhgkgfglghglglgbnnbjffglmhk soupalognon y crouton !
- Si ! si, si … euh mi coche eres todo recto….. pedrito…
Et là, le Chino, (il a les ojos bridés ou quoi ?) sherpa et amigo attitré de José Tomas, commence à parler, suite à mes petites questions pernicieuses que la libraire traduit.
- C’était bon aujourd’hui ? Que je lui demande, après que l’amie m’a précisé l’invalidité des toros…
- Magnifique, qu’il ponctue, le Chino, dix oreilles !
- Ouais mais bon, c’est pas les oreilles de Madrid, hein ?
- Non…c’est mieux ! A Madrid c’est jamais bon, de toute façon…
Et là je commence à comprendre que sa critique tauromachique à lui, n’a qu’un seul critère : vais-je ou non porter mon maestro en triomphe et donc toucher mes pesetas… J’vous raconte pas la crise financière due à la blessure…
- Au fait… comment va José ? Je fais comme si moi aussi, j’étais intime avec le torero… pour faire style que je le porte dans mon cœur, tout ça…voyez le genre quoi… comme si j’étais tout conquis à sa cause… pour endormir la confiance du confident… vieux renard musqué que je suis…
- Il vient d’être réopéré il y a trois jours, il y a des problèmes…
- Ah bon… Tu sais quand il réapparaîtra ?
Je tutoie le portefaix attitré du Dieu du toreo, merde, c’est pas rien…le sherpa du céleste est en train d’esquicher ma Louise qui n’a jamais été aussi silencieuse sur un trajet automobile, coincée qu’elle est entre le porteur qui sent un peu fort et la libraire qui sent bon. (de toute façon j’avais pas intérêt à dire le contraire vu que elle, je vais la recroiser dans Nîmes tantôt…) Le type n’arrête pas de parler de sa voix rocailleuse et j’envoie des coups d’œil à ma Louise dans le rétro et je la découvre soudain timide.
- Pfiiou… me siffle-t-il la mine déconfite qui en dit long sur la pénurie de pourboires à venir. En octobre il a rendez-vous pour un bilan et là ils évalueront peut-être à quelle époque il pourra reprendre.
- Mais c’est quoi en fait un ‘’porteur de torero’’ risque ma compagne qui ignore tout de ce monde-là et qui voulait monter derrière avec sa fille pour la ‘’protéger’’ du basané portefaix rocailleux, alors que je l'en avais empêché pour que l’inopiné transport en commun ne la prive pas du confort dû à son ‘’rang’’…
- Ben c’est ‘’Le’’ type qui a la permission d’éponger la sudation de l’entrejambe du torero par sa nuque, dès qu’il triomphe…que j’lui réponds ironico-didactique…
- Ah ? C’est toujours le même ? C’est pas le premier qui le monte sur ces épaules, là, dans la liesse générale… ?
- Couillosti, non ! Ho, ‘tention… on ne confie pas son entrejambe à n’importe qui ! El Chino est ‘’the sherpa exclusif of Tomas’’ !
Elle récupère sa mine dubitative et indifférente et reprend l’observation du crépuscule qui tombe sur les champs, tandis que je poursuis mes explications que je crois savantes :
- et après il vient à l’hôtel et le torero lui file son pourboire, 150 euros, à peu près…
- 1000 euros lui a donné Bautista l’autre fois et Tomas est bien plus généreux, révise un peu tes estimations… me corrige la libraire
- Aaaaah d’aaaccord… je comprends mieux… ouiouioui… la place était bonne alors, avec José (je l’appelle par son prénom maintenant, vu que je suis intime avec son porteur…) c’est mieux que d’être le porteur attitré de ‘’Ricardo Moreno’’
Le type reprend son discours, c’est super bavard un Espagnol, et des interjections d’étonnements de la libraire m’alertent, elle arrondit ses yeux comme quelqu’un qui n’en revient pas, tellement, que j’ai peur qu’elle ne me traduise pas ce qu’il vient d’annoncer. Ca sent le scoop…
- Il dit qu’il y a un projet, s’il peut revenir… oooh làlâaaaaa… ce serait énorme…
- Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce ??
- Je sais pas si je peux… je… enfin…
Et là, son élocution commence à ralentir, elle réfléchit, et vite je me la rebooste pour qu’elle crache le morceau avant de décider qu’il ne faut pas en parler :
- Allez, zou, qu’est-ce qu’il y a…. ? Sur un ton un peu excédé qui renferme l’idée que je peux aussi les laisser au bord de la nationale en pleine nuit si elle préfère… ! Malotru que je suis… !
- Et bien, il parait que s’il peut reprendre au printemps… il aurait jusqu’à l’automne suivant, sept contrats d’affilée sur Barcelone pour frapper un grand coup les Catalans et les zantis, en faisant se déplacer toute l’Espagne taurine chez eux.
- Ouaaaah sept fois ?!? fis-je en provoquant un quiebro routier que l’ESP de la Polo rectifia à la teutone.
Ma compagne baille, la nouvelle lui fait autant d’effet que si je lui avais dit qu’un trèfle à trois feuilles s’épanouissait sur le bas-côté. Et je continue à rouler dans le silence en réfléchissant à cette annonce.
Ce même soir, je suis invité à un concert privé figurez-vous. La compagne d’un ami s’est organisée un petit tour de chant pour ses amis/voisins/famille. Je crains le karaoké mal fagoté mais la surprise est totale. Peggy, frêle silhouette féminine pulse une caste de vraie chanteuse à voix. Le timbre posé, la modulation juste, et la puissance quand il le faut, elle s’attaque à des standards périlleux de la chanson française qu’elle restitue brillamment. Technique et émotion. Frêle de la silhouette mais costaude de la tessiture. Vraiment, ce n’est pas pour lui rendre la politesse de son invitation, tout le monde sait que je ne suis pas bon public ! Mais là, je suis scotché, il y a une vraie personnalité, de la présence et de la justesse. Lama, Barbara, Mouloudji, Montant, Ferré. Pas le plus moche des répertoires !
En cette fin d’été, quand le ‘’Avec le temps’’ de Ferré s’insinue par cette voix chaude et consciente jusqu’entre les lames du parquet du bel appartement ancien de Peggy par les talons de ses escarpins, je ressens même le seul frisson du week-end de cette feria du riz. Puis je repense au Chino qui me dit que Tomas reviendra sept fois à Barcelona, je repense au type croisé dans cette soirée qui connaît un chirurgien d’arènes, qui connaîtrait le chirurgien du torero, qui lui aurait dit que pour Tomas, c’est fini. Qu’il ne pourra plus. Qu’avec le sang tout s’en va. S’en est allé. Que la fois dernière où vous l’avez vu messieurs-dames, c’était la dernière fois que vous le voyiez. Que sa jambe ne va pas bien et pas seulement les vaisseaux, les nerfs aussi. Je repense à tout ça et regarde par la fenêtre que je squatte depuis le début du récital, vu que je suis le seul à enfumer de mon cigare, les enfants présents. Un type éméché au bas de l’immeuble, pisse contre la façade, ses yeux dans les miens. Il écoute ce qui vient à lui de la fenêtre. Quand finit la chanson de Ferré, il lâche son membre viril et applaudit aussi, la queue à l’air. Je lui souris, il remballe et tend son pouce vers le ciel en hommage silencieux à Peggy.
Qui croire ? Tomas sept fois à Barcelona ? Ou la contribution de Tomas définitivement perdue pour l’Art du toreo ? Que porteras-tu, désormais, Chino sur tes épaules ? L’espoir des jeunes filles ou le deuil de l’Aficion ? Finalement, le Chino, quand je l’ai laissé en ville, je l’ai laissé exactement là où il fallait, en haut de la rue Bernard Aton, face aux arènes, entre le collège des filles du Gai-Logis et le Monument aux Morts.
Dans l’arène il y avait une Goyesque, dix oreilles, six invalides, dixit la libraire nîmoise rencontrée. En prime, une artiste avait investi la piste de ses toros à l’infini reproduits – original… - je croyais l’art contemporain novateur ou subversif, moi. En plus cela produit un drôle d’effet sur les spectateurs qui le reniflent depuis le callejon : je ne sais pas si vous avec lu le compte rendu de ‘’Solysombra’’ sur CYR à ce sujet, mais ça lui a rien valu de sniffer ces pigments, j’ai rien compris à son article, enfin je veux dire que je n’ai pas réussi à identifier la conclusion qu’il voulait que l’on en retire. Ca pourrait expliquer l’état de Padilla aujourd’hui aussi, sauf qu’il est tout le temps comme ça, même sans pigments. Il marche à quelque chose, c’est sûr, mais quoi ? Antésite ou Cocaïne, j’hésite. A un moment, il s’est engagé dans une série d’aériennes Chicuelinas marchées, enchaînées, délicates, et juste au moment où on allait en jouir enfin séduits et reconnaissants, il a rematé tout ça d’un mauvais desplante de flibustier borracho montrant à sa coquine comme c’était-y-qu’il était fort ! Le bougre. Naturel et Antésite obligent. Salaud, va ! Si, la réglisse, ça fait monter la tension.
Savalli vire un peu au Padilla français… faudrait pas… un, ça suffit. Je comprends mal ces jeunes qui n’ont pas encore prouvé grand-chose et qui s’attachent tant à se faire applaudir par anticipation. Il faut de l’humilité dans l’arène : à quoi bon agiter frénétiquement ses grands bras pour recruter l’ovation quand derrière on cafouille sa pose de banderille ? A quoi bon après un désarmé, un accrochage, un échec, ne pas en prendre acte humblement en se concentrant pour mieux faire, comme le faisait un Rincon, plutôt que de chercher à ‘’surcompenser’’ l’échec en déchaînant le mime d’une témérité bouffonne malvenue ? Ce n’est pas honnête et le public n’est pas si con…
Seul Tellez réussit à étirer quelques muletazos plus langoureux à un tonton de 610 kg de Margé qui fut un toro de troisième tiers, s’y améliorant dans sa charge après un tercio de pique catastrophique où sa mansedumbre fut en évidence ce qui lui valut de remporter sans coup férir, le prix de cette corrida-concours ! Je ne savais pas encore que le tercio de pique ne comptait pour rien dans l’évaluation, on en apprend tous les jours dans notre merveilleux pays. Le Président nous avait déjà empêché de voir tout le jus des toros s’exprimer comme le premier de Tardieu qui ne fit qu’une prestation ‘’regular’’ pour un toro mais dans le meilleur style du lot et avec le plus d’allant. A en récompenser un, celui-là au moins, était venu sans tergiverser et avait poussé volontiers trois fois. Bronca générale méritée à l’annonce du prix. Le public n’est pas si con...
Après ce premier de Tardieu, la corrida s’assoupit dans la douceur de sa belle lumière d’été finissant.
Mais attention, voici le scoop exclusif de ‘’photosmotstoros’’ (qui va peut-être à l’occasion se couvrir de ridicule, qui sait…. ? Mais peu importe, je ne suis pas journaliste professionnel et à ce titre pas tenu de vérifier mes sources. Quoique… parfois eux non plus, hein…car l’ambiguïté fait vendre du papier… en tout cas envoyez-moi chacun 0,90 euros, ça vaut bien ça, car ce que vous allez lire ne sera pas dans le Midi-Libre demain…)
Samedi soir, la libraire rencontrée me dit :
- Tu rentres à Nimes ? Tu pourrais pas nous ramener … ?
- Oui, on rentre, si, si tu veux, je te ramène… mais qui nous ?
- Le Chino et moi… tu connais le Chino ? El Chino !
- Euh ben non, je devrais… ?
- Le porteur attitré de José Tomas ! Tu sais bien, Durand en a parlé dans un article… c’est lui, là tiens, viens Pedro, Marc nous ramène…
- Hola buenas, yo rhfjffhrfffkgkfjfkggjfj, olé ! Tienne la caja de dkdjfhfgdjdfh tambien !
- Euh… Hola pedro-chino…jo no apprender tu lengua a la escuela, pero yo quiero Espana y para beber y comer jo mé débrouilla un poquito…
- Vale ! Tengo jo quejdhfhgjghgkfjhgkgfglghglglgbnnbjffglmhk soupalognon y crouton !
- Si ! si, si … euh mi coche eres todo recto….. pedrito…
Et là, le Chino, (il a les ojos bridés ou quoi ?) sherpa et amigo attitré de José Tomas, commence à parler, suite à mes petites questions pernicieuses que la libraire traduit.
- C’était bon aujourd’hui ? Que je lui demande, après que l’amie m’a précisé l’invalidité des toros…
- Magnifique, qu’il ponctue, le Chino, dix oreilles !
- Ouais mais bon, c’est pas les oreilles de Madrid, hein ?
- Non…c’est mieux ! A Madrid c’est jamais bon, de toute façon…
Et là je commence à comprendre que sa critique tauromachique à lui, n’a qu’un seul critère : vais-je ou non porter mon maestro en triomphe et donc toucher mes pesetas… J’vous raconte pas la crise financière due à la blessure…
- Au fait… comment va José ? Je fais comme si moi aussi, j’étais intime avec le torero… pour faire style que je le porte dans mon cœur, tout ça…voyez le genre quoi… comme si j’étais tout conquis à sa cause… pour endormir la confiance du confident… vieux renard musqué que je suis…
- Il vient d’être réopéré il y a trois jours, il y a des problèmes…
- Ah bon… Tu sais quand il réapparaîtra ?
Je tutoie le portefaix attitré du Dieu du toreo, merde, c’est pas rien…le sherpa du céleste est en train d’esquicher ma Louise qui n’a jamais été aussi silencieuse sur un trajet automobile, coincée qu’elle est entre le porteur qui sent un peu fort et la libraire qui sent bon. (de toute façon j’avais pas intérêt à dire le contraire vu que elle, je vais la recroiser dans Nîmes tantôt…) Le type n’arrête pas de parler de sa voix rocailleuse et j’envoie des coups d’œil à ma Louise dans le rétro et je la découvre soudain timide.
- Pfiiou… me siffle-t-il la mine déconfite qui en dit long sur la pénurie de pourboires à venir. En octobre il a rendez-vous pour un bilan et là ils évalueront peut-être à quelle époque il pourra reprendre.
- Mais c’est quoi en fait un ‘’porteur de torero’’ risque ma compagne qui ignore tout de ce monde-là et qui voulait monter derrière avec sa fille pour la ‘’protéger’’ du basané portefaix rocailleux, alors que je l'en avais empêché pour que l’inopiné transport en commun ne la prive pas du confort dû à son ‘’rang’’…
- Ben c’est ‘’Le’’ type qui a la permission d’éponger la sudation de l’entrejambe du torero par sa nuque, dès qu’il triomphe…que j’lui réponds ironico-didactique…
- Ah ? C’est toujours le même ? C’est pas le premier qui le monte sur ces épaules, là, dans la liesse générale… ?
- Couillosti, non ! Ho, ‘tention… on ne confie pas son entrejambe à n’importe qui ! El Chino est ‘’the sherpa exclusif of Tomas’’ !
Elle récupère sa mine dubitative et indifférente et reprend l’observation du crépuscule qui tombe sur les champs, tandis que je poursuis mes explications que je crois savantes :
- et après il vient à l’hôtel et le torero lui file son pourboire, 150 euros, à peu près…
- 1000 euros lui a donné Bautista l’autre fois et Tomas est bien plus généreux, révise un peu tes estimations… me corrige la libraire
- Aaaaah d’aaaccord… je comprends mieux… ouiouioui… la place était bonne alors, avec José (je l’appelle par son prénom maintenant, vu que je suis intime avec son porteur…) c’est mieux que d’être le porteur attitré de ‘’Ricardo Moreno’’
Le type reprend son discours, c’est super bavard un Espagnol, et des interjections d’étonnements de la libraire m’alertent, elle arrondit ses yeux comme quelqu’un qui n’en revient pas, tellement, que j’ai peur qu’elle ne me traduise pas ce qu’il vient d’annoncer. Ca sent le scoop…
- Il dit qu’il y a un projet, s’il peut revenir… oooh làlâaaaaa… ce serait énorme…
- Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce ??
- Je sais pas si je peux… je… enfin…
Et là, son élocution commence à ralentir, elle réfléchit, et vite je me la rebooste pour qu’elle crache le morceau avant de décider qu’il ne faut pas en parler :
- Allez, zou, qu’est-ce qu’il y a…. ? Sur un ton un peu excédé qui renferme l’idée que je peux aussi les laisser au bord de la nationale en pleine nuit si elle préfère… ! Malotru que je suis… !
- Et bien, il parait que s’il peut reprendre au printemps… il aurait jusqu’à l’automne suivant, sept contrats d’affilée sur Barcelone pour frapper un grand coup les Catalans et les zantis, en faisant se déplacer toute l’Espagne taurine chez eux.
- Ouaaaah sept fois ?!? fis-je en provoquant un quiebro routier que l’ESP de la Polo rectifia à la teutone.
Ma compagne baille, la nouvelle lui fait autant d’effet que si je lui avais dit qu’un trèfle à trois feuilles s’épanouissait sur le bas-côté. Et je continue à rouler dans le silence en réfléchissant à cette annonce.
Ce même soir, je suis invité à un concert privé figurez-vous. La compagne d’un ami s’est organisée un petit tour de chant pour ses amis/voisins/famille. Je crains le karaoké mal fagoté mais la surprise est totale. Peggy, frêle silhouette féminine pulse une caste de vraie chanteuse à voix. Le timbre posé, la modulation juste, et la puissance quand il le faut, elle s’attaque à des standards périlleux de la chanson française qu’elle restitue brillamment. Technique et émotion. Frêle de la silhouette mais costaude de la tessiture. Vraiment, ce n’est pas pour lui rendre la politesse de son invitation, tout le monde sait que je ne suis pas bon public ! Mais là, je suis scotché, il y a une vraie personnalité, de la présence et de la justesse. Lama, Barbara, Mouloudji, Montant, Ferré. Pas le plus moche des répertoires !
En cette fin d’été, quand le ‘’Avec le temps’’ de Ferré s’insinue par cette voix chaude et consciente jusqu’entre les lames du parquet du bel appartement ancien de Peggy par les talons de ses escarpins, je ressens même le seul frisson du week-end de cette feria du riz. Puis je repense au Chino qui me dit que Tomas reviendra sept fois à Barcelona, je repense au type croisé dans cette soirée qui connaît un chirurgien d’arènes, qui connaîtrait le chirurgien du torero, qui lui aurait dit que pour Tomas, c’est fini. Qu’il ne pourra plus. Qu’avec le sang tout s’en va. S’en est allé. Que la fois dernière où vous l’avez vu messieurs-dames, c’était la dernière fois que vous le voyiez. Que sa jambe ne va pas bien et pas seulement les vaisseaux, les nerfs aussi. Je repense à tout ça et regarde par la fenêtre que je squatte depuis le début du récital, vu que je suis le seul à enfumer de mon cigare, les enfants présents. Un type éméché au bas de l’immeuble, pisse contre la façade, ses yeux dans les miens. Il écoute ce qui vient à lui de la fenêtre. Quand finit la chanson de Ferré, il lâche son membre viril et applaudit aussi, la queue à l’air. Je lui souris, il remballe et tend son pouce vers le ciel en hommage silencieux à Peggy.
Qui croire ? Tomas sept fois à Barcelona ? Ou la contribution de Tomas définitivement perdue pour l’Art du toreo ? Que porteras-tu, désormais, Chino sur tes épaules ? L’espoir des jeunes filles ou le deuil de l’Aficion ? Finalement, le Chino, quand je l’ai laissé en ville, je l’ai laissé exactement là où il fallait, en haut de la rue Bernard Aton, face aux arènes, entre le collège des filles du Gai-Logis et le Monument aux Morts.
24 commentaires:
magnifique texte, mon marcos.
une précision: en espagne ils nomment les porteurs tels qu'el chino "los capitalistas". je te traduis pas!
en touscas, enhorabuena companero malaxeur!
Comme quoi vive le capitalisme !... Oui enfin c'est pas ce que je voulais dire... bref, tu me disais : "encore, encore, ben je vois pas ce que je peux écrire de plus..." Eh ben tu l'as fait encore aujourd'hui (et avec ce qui a semblé être une "course" des plus navrantes) ! Alors ? Eh bien alors à nouveau je te dis bravo et... Encore !
Abrazo
Moi je n'aurai jamais laissé mon enfant derrière avec un inconnu!!!
T'aurait du le faire monter devant le Chino, et les nanas derrière, malotru!
Sinon j'aime bien tout ce que tu as raconté, je lisais au magasin, en servant les clients, certains ne m'avaient jamais vu tant sourire...
isa du moun
Eh ben... Moi l'expo de Sluban m'a subjuguée... J'y suis même retourné entre midi et deux pour me faire uniquement ça,, une heure pénard, avec personne.
La reconstitution de la Factory pas mal non plus..
Mais Sluban.. se plonger dans ces noirs, le papier..
Où Sluban ? Aux ateliers ou en ville ? Si aux ateliers j'a ibien aimé Campeau et ses gros plans de labo argentique. Mais ça je sais pourquoi... je pense m'en faire un...
Si véronique passe par ici j'en profite pour la remercier !
Et bien, Marcos, il t'en arrive des aventures ... s'il y a parfois des occasions manquées, il y a aussi d'heureuses coïncidences. Ton "scoop" est génial et tes "couillostis" et "zous" fleurent bon le pur nîmois grand teint. Olé.
Je constate comme tu es créatif et débrouillard dans tes interventions hispaniques. Avec tous les aficionados que tu côtoies, tu n'as jamais été tenté par une petite immersion accélérée ? Ah non ! Je sais. Le "no comprendo" est diplomatiquement plus confortable.
D'accord avec Isa du moun. Assoir ta petite Louise à côté de Soupalognon y Croûton a dû lui faire drôle, même s'il est pittoresque et que ta libraire l'encadrait.
Jolie fin sur ton lieu de débarquement du Chino : Gai-Logis et monument aux Morts. Le sens du symbole est extra ! Mais attention aux symboles : sept contrats à Barcelone ? Comme tourner sept fois la langue avant de parler ? Ou comme les chats qui ont sept vies ?
Je penche plutôt pour les chats. José Tomas en a la "félinitude".
Sluban au dernier atelier avec Picto
François, ach... suis pas allé au bout du dernier atelier, il était tard, ça fermait... j'ai jusqu'au 19...
Ben oui Maja Lola, mon père était de la Placette, il vivait avec les gitans de Camargue et les immigrés espagnols... mais Tè vé et couillosti ! je ne les emploie pas dans la vie, je suis bien trop smart pour ça... faut bien un peu de pittoresque pour nos amis du Sud-Ouest, qu'ils se sentent "en famille" et dépaysés quand même.
Il est impressionnant de constater à quel point tu me devines ! Si, ça fait des années que j'en parle, d'aller passer trois mois à Séville et prendre des cours tous les matins... mais qui pour payer tout ce que je dois pendant ce temps... même en travaillant je n'y arrive plus, alors... j'ai même une chambre de bonne, déjà, à Sanlucar la Mayor : ne reste plus qu'à trouver le temps et les ressources. Le plus frustrant c'est de tomber sur un vieil aficionado dans un bar et de rien piger à ce qu'il dit pdt que tes copains rigolent.
Si je n'avais pas pensé aux chats, à la langue qui tourne sept fois dans la bouche, oui ! et puis l'écriture s'est orientée autrement...
et toi ton prochain texte tu nous le fais quand ? Un petit compte rendu ? Sur "Des hommes et des Dieux" ? Sur le dernier Houellebecq ? Sur "Jamon, Jamon" de Bigas Luna ? Sur des souvenirs d'enfance en Espagne ? Vamo !
Zaza del Moun, c'est pour ça que j'écris : pour faire sourire quatre ou cinq personnes dont je sais que tu est la toute première (chronologiquement)
Chulo et Benji, je vous salue, merci.
Ben si t'a pas vu Sluban t'a tout raté....
Ton ticket est encore valable ???
Jveux bien y retourner moi !! entre midi et deux.
C à d ? Tu veux mon ticket ou tu veux qu'on y aille ensemble...?
J'ai pas beaucoup de monde en ce moment, je commence à 15H alors si tu veux mercredi ou jeudi je te prends au passage à midi et on y go...
Bon maintenant si tu veux mon ticket c'est toi qui vient le chercher of course.
S'cusez-nous hein, m'sieurs-dames...
sa voix, avec la photo, on peut pas savoir mais elle a de jolies jambes peggy...
ah c'était toi le type qui fumait à la fenêtre à l'étage ?
ludo
ps : good prose.
Arf ! très bon, Ludo... d'en haut je ne t'avais pas reconnu !
Marc,
bien des regards défilent quand je me remémore ces moments de musique et de mots partagés. Merci à toi de m'avoir emmenée au delà des murs...Il me semblait bien, qu'il manquait quelqu'un!
Peggy
ce salon ou l'on chante, c'est super sympa, ça fait très décadent provincial, sympa style siècle des lumières, j'adore. en plus, la dame n'a pas choisi le répertoire le plus facile et ele semble jolie.
toi tu avais l'appareil de photos, tu aurais dû photographier l'autre avec sa biroute à l'air, c'est classe.
je n'ai pa amené le mien car j'avais peur de passer pour une truffe.
Non,je n'avais pas l'appareil sinon les lignes verticales et horizontales ne seraient pas si obliques... ;-)
merci quand même à Georges de s'être acquitté pour mon compte de l'iconographie de ce reportage musical !
Sinon, n'aie pas ce genre de peur, il n'y a que les incultes pour éprouver envers les photographes un respect proportionnel à la longueur de leur zoom. C'est très tendance de shooter avec un Holga (appareil photo tout plastique à peine étanche vendu 20 euros)ça ajoute une plus value artistique immédiate par effet rebond : je laisse les blaireaux se mesurer la quéquette avec leurs téléobjectifs dont je m'affranchis allègrement, ma démarche conceptuelle produisant des "oeuvres" loin, très loin de ces billevesées techniques...
Ah... je sens que tu as mieux qu'un Holga... évidemment, là, c'est emmerdant...
M'enfin t'aurais pu ramener un portrait de "Barbie Sara"...
J'ai en effet regretté, car il y avait une jolie animation dans ce coin de callejon.
Je crois t'avoir dit que j'avais un nikon d80, dont je suis très satisfait et un seul objectif à tout faire: 18/135 je crois.
En fait je laisse tout faire aux modes automatiques car je ne maitrise pas les subtils équilibres: vitesse, ouvertue, profondeur de champ.
j'avais à coté de moi en effet un type avec un énorme chibre télescopique. Impressionnant et ça fait pro!
je déteste ausi cette mode des objectifs oeil de poisson, je crois, ou semi sphériques, en particulier en tauromachie. c'est laid et artificiel.
un abrazo kinimois!
Je reviens au texte. C'est facile Marc, de vous imaginer sur le chemin du retour, Louise coincée entre deux inconnus sans twix ou propos à se mettre sous la dent, intimidation forcée, mais oreilles attentives ; elle a dû poser des questions à l'arrivée, et apprendre le rôle du "capitalisto" tout comme moi.
Après le badinage et la légèreté mise à parler de choses sérieuses, j'aime le changement de ton et d'écriture du texte. Vous devenez, une fois à l'écart, désarmé, ému par la femme et la chanson, prêt pour un bilan des plus mélancoliques et émouvants.
Gina
je trouve le commentaire de Peggy très musical...
Gina, je ne bourre pas ma fille de TWIX, moi... par contre, elle venait d'honorer un pavé de morue à l'aïoli... depuis qu'elle est bébé je l'élève à l'aïoli... qui est bien plus fort que ceux qu'on mange dans les restaus.
Pauvre Louise, heureusement qu'elle se rattrape chez les autres de ses frustrations refoulées devant son père. J'ai fait mes provisions.
Gina
sauf que vous êtes super mince parce que vous vous interdisez le Twix! Travailler à l'obésité des autres n'est pas charitable...
Je plaisante et vous avez raison, et c'est difficile de refuser une friandise à de gentilles petites filles qu'on voit peu et qui mesurent l'affection qu'on leur porte aux calories des sucreries! Mais l'aîoli, Marc, que je sache, c'est fait avec de l'huile !
Gina
burpppppppppppppp! j'ai mangé un twixxxxxxxxxxxx.
je m'inquiète de savoir si le nikon d80 et un modeste objectif, ça fait plouc ou pas, pour la prochaine, oh divin malaxeur!
Enregistrer un commentaire