jeudi 15 janvier 2015

Rompe Cojones



A chacune des extrémités de la table, le corps de monsieur B dépasse d’au moins vingt centimètres. Parfois il ronfle, parfois il s’épanche. C’est un douloureux chronique qui de par sa stature hors norme m’a déjà coûté un vélo et un tapis de marche dont les manuels d’utilisation indiquaient discrètement que la charge maximum autorisée était de 150 Kg.

Trop tard.                                                                                                                                                
Il  est aussi doux, gentil et naïf que son air est patibulaire.

-       Franchement, monsieur Delon, avouez… une femme… entre nous, hein… on pourra dire ce qu’on voudra… mais quand même… bon, on parle, là…, y’a personne derrière le rideau …? Tout le monde est d’accord je crois… entre nous… une femme… c’est casse-couille quand même…

 -       C’est vrai.

D’un mot, d’un seul, je l’ai libéré. Il se tortille et jubile reprenant :
-       Ah ! Bien content que vous soyez d’accord… c’est casse-couille… ! C’est pas que je sois mito mais…

 -       Myso ?

 -       Ouais, mysogame, là, mais…

 -       Misogyne ?

 -       Aquesteco…

 -       Mais peut-être pas toutes, si ?

 -       Franchement… ça se saurait… demandez autour de vous… c’est plus fort qu’elles… faut qu’elles nous emmerdent…

 -       Peut-être ne se montre-t-on pas à hauteur de leurs attentes… ?

 -       C’est ça… ''les attentes''… je vais me flageller… sans moi monsieur Delon, sans moi… faut qu’elles nous emmerdent, c’est dans leurs gènes… moi, mon espagnole, j’ai tout fait pour elle… j’ai perdu tous mes amis, toute ma famille… personne pouvait la sentir… elle était trop canon, trop élégante, ils en bavaient de rage – sont tous gros et moches dans ma famille – je bossais comme un Turc, je faisais les courses, je bricolais, faisait le potager… cuisinais… je sais pas moi… ben elle était jamais contente… !

 -       Ah mais oh, vivre avec quelqu’un, c’est d’un compliqué… !

 -       Je vous le fait pas dire monsieur Delon… surtout avec une femme… elles sont tellement casse-couilles…

 -       Peut-être que nous aussi mais on ne le ressent pas comme ça….

 -       Pfffff…. Siouplait ! Vous rigolez, non… Nous on est brave, on fuit le conflit

 -       C’est ce qu’elles appellent notre lâcheté, je crois…

 -       N’importe quoi… nous tout ce qu’on veut, c’est pas être emmerdé… tranquille… on a peu d’ambition, nous… avoir la paix… or, tu sors du boulot où tout le monde t’a à peu près fait chier et sur qui tu tombes… ? La pire des casse-couilles !

 -       On fait catalyseur…

 -       C’est ça ! Tout ce qui les a contrarié dans la journée, des conneries en plus, dont elles te parlent avec une intensité de fin du monde alors que toi tu trouves ça con, mais con… elles te le déversent comme si tu en étais responsable, tsé… n’importe quoi….

 -       En plus si vous avez le malheur d’avoir une oreille distraite ou d’être d’un avis divergent de celui qu’elles veulent ent…

 -       C’est ça ! C’est exactement ça ! Si t’as le malheur de pas penser pareil – 90% des cas quoi, vu qu’t’es un homme mon bonhomme ! – t’es mort !!! Te sortent les grands mots : compassion, compréhension, remise en question et t’aurais pas vu mon capuchon, toi, le roi des cons… Ooooh putaaaaaain….

 -       HA ! Ha ! Ha ! … Dur la vie à deux…

 -       Dur, tu dis… ? Pardon, vous dites ? Vous savez pas que même maintenant qu’on est divorcés et qu’on ne vit plus ensemble, elle me cherche pour se disputer ???!!! J’y crois pas… Et moi, bonne poire qui vais lui rendre un service, faire une course, l’emmener à un RDV, bricoler un truc… et ben elle cherche à me les casser… !!! L’autre jour je lui ai dis : Oh ! Suffit ! Maintenant que je n’ai plus les avantages, je ne vais pas poursuivre avec les inconvénients !!!

 -       Sûr… !

 -       Qu’est-ce qu’elle m’a pas fait faire… J’ai même essayé de tuer un toro pour elle, c’est vous dire ! Mon pauvre, j’y connaissais rien, moi, dans les toros… mais bon, j’avais vu faire et je m’étais dit : franchement, planter un fer dans ce gros machin furibard, ça doit pas être très compliqué… c’est tellement con, un bovin… Macarel ! La rouste de ma vie !  Il n’a vu que moi… Total, moi qui avais fait ça pour qu’elle m’admire, elle qui me gonflait avec ses toreros de ''sa tierra'', toute ma vie, elle me l’a ressorti en riant pour me ridiculiser ! Rien qu’avec ça, elle me les a bien brisé menu, je vous assure… Une française encore, elle m’aurait trouvé courageux d’y aller… mais une espagnole, pensez… elle s’est bien marrée…

Voyez monsieur Delon, une femme… je vais vous expliquer… un jour, ça va… deux jours… ça va, trois jours… passe encore, mais le quatrième, c’est plus fort qu’elle, faut qu’elle vous les casse ! Y’a toujours un truc qui va pas… et si tout va bien, elle l’inventera pour vous les casser, c’est comme ça : la femme est casse-couilles… !

 -       Et nous, nos couilles, c’est quand même ce qu’on a de plus cher…lol…

 -       EXACTEMENT !!! On est pas bien entre hommes, là… !? Aqui lou…

 -       Oui, si, bon, enfin… ça dépend… si…

 -       Aquesteco ! Quelles casse-couilles !!!

2 commentaires:

gina a dit…

Enfin, on rit et en même temps, on admire la liberté d'expression.
Attention Marc, à la sortie, que les suffragettes ne soient pas armées !
Gina

Marc Delon a dit…

Alors les filles ?
A part Gina, rien à dire ???