lundi 15 juin 2009

POURQUOI ALLEZ-VOUS VOIR LES CORRIDAS ?



Hubert Salignon

Corrida, ce mot déjà sépare et quelquefois unit.

L’entendre c’est déjà entrer dans la fin attendue de l’hiver, c’est aussi, chargé de promesse, dans la vibration sonore et visuelle, le premier paseo jusqu’à l’arrastre. Mais encore – face ou plutôt de l’autre côté d’un monde qui conserve, qui duplique, qui unifie – la corrida s’invente à chaque fois échappant à la monotonie de la répétition. Rite, elle n’a d’autre souci en l’inscrivant que d’y échapper.

Jamais deux fois la même chose mais toujours la chose même, elle éconduit le conservateur jusqu’à la limite extrême du dessaisissement, pour à chaque instant tenir ensemble la rupture et la continuité, la chance et le dessin, l’écart et la durée.

Moments suaves où l’indécis et la force s’articulent, le rythme est prolongé jusqu’au moment fatal de l’entrée à matar. Dans l’inconnu qu’elle ouvre, l’avoir vu, n’est jamais répété, il s’efface dans son temps, seul le sable en garde la trace dans un palimpseste ocre.

Rébarbative aux rationalités elle n’est le reflet de rien, ni du social, ni du politique, ni de l’histoire, ni de l’esthétique. Tout au contraire l’habit de lumière d’un côté et le noir de l’autre, diffracte, pulvérise ou absorbe.

Parfois, au détour d’une naturelle, elle nous fait entrevoir à l’extrême condition de l’être qu’un événement unique, révèle en un éclair notre finitude sublimée.

Quelques toreros nous conduisent à cette limite en la repoussant.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Un plaisir de lire. L'élégance jointe à la sobriété pour nous aider à comprendre ce qui déplace inlassablement les aficionados vers de prestigieuses arènes.

Gina

ludo a dit…

très " texte de prof de philosophie esthétique " mais fort et cernant bien ce qui nous agite dès qu'on parle taureaux ou que s'ébeanle un paseo.
le type doit être intéressant à écouter.
ce "pourquoi ..." , y a bien un éditeur qui va se décider à passer par ici et flairer la pépite, bordel (c'est ma contribution à l'esthétique de la philosophie ).

ludo

Marc Delon a dit…

L'éditeur pense : je ne cherche pas la pépite mais le lingot et maintenant que tout le monde l'a lu gratos ici, pourquoi l'éditer ?

Atlantica (par la voix d'une trés jeune femme. Une stagiaire ?) m'avait dit :
- Mais qui achèterait ça ?
- C'est vrai ça, sûrement personne ! que j'y avais répondu...
- Ah...?! Voyez ?
triomphait-elle...
je n'avais pas poursuivi la conversation, il ne faut pas pervertir les innocents.

Moi je pense : si ça me pète, si sièger à la table de signature gargarise mon ego, autant je prends 1500 euros, j'en fais imprimer trois cent et je me distrais comme ça... mais comme je l'ai déjà fais pour "Sentiments Aficionados" j'ai la flemme...

Hubert Salignon n'avait pas du tout disposé les virgules commes elles le sont ici et il avait précisé qu'il revendiquait leur emplacement. mais c'était presque illisible, incompréhensible et je l'ai trahi... vraisemblablement pas ignorance et incompréhension de ce qu'il désirait, peut-être une scansion à contre-temps ou foireuse comme un accord de free-jazz. Car aujourd'hui, à la relecture du paragraphe suivant :

Jamais deux fois la même chose mais toujours la chose même, elle éconduit le conservateur jusqu'à la limite du dessaisissement pour à chaque instant tenir ensemble la rupture et la continuité la chance et le dessin (dessein ?) l'écart et la durée.

j'ai idée qu'il désirait peut-être illustrer ça.

Anonyme a dit…

Je me permets de demander à Ludo, les raisons de ce "mais" , après "texte de prof...".

Et Marc, rappelez-vous que certains regrettaient que l'ouvrage rassemblant ces textes ne soit pas édité.

Gina