J'ai lu ce fumeur de souvenirs écrit par un type qui vient de s'arrêter de griller des gitanes après plus d'un demi-siècle de dévouement auprès de la Seita, selon son mode d'emploi décrit en ''quat de couv'' par cette ranchera mexicaine :
j'ai allumé un souvenir
et lentement je l'ai fumé.
Ces mots disent tellement bien le plaisir qu'il peut y avoir à allumer un module cubain et à s'enfoncer avec lui par ses nuages voluptueux dans les pages ouatées d'Alain Montcouquiol à la rencontre de nos semblables.
S'il voit lui, de sa fenêtre un type intimer à son chien l'ordre de s'asseoir au pied de la statue de son frère pour donner sur l'immense place de l'amphithéâtre, dans la solitude de la nuit profonde, des passes de muleta mimées avec art, nous le voyons nous, mis en abîme, hiératique et silencieux à sa fenêtre, observer en retrait depuis sa pénombre, les méandres de l'âme humaine. De son écriture simple et humble, qui résonne en nous comme un acquiescement permanent en écho à ses descriptions savoureuses, ne s'égrène pas seulement une liste d'anecdotes truculentes mais se met en place le puzzle de l'aficion à l'humain, aux toros et à la vie. L'humain à la fois si fragile et déterminé, ce qu'incarnait parfaitement Nimeno II sur le sable, l'humain qui nous fait rire jusqu'au larmes comme Abelardo dans ''Gloria Bendita'', qui ne croit que ce qu'il voit sans prendre la distance qu'imposerait pourtant le film qu'on est en train de tourner et s'enquiert sérieusement du tarif pratiqué par deux actrices jouant des rôles de putes ou nous incline à pleurer dans un sourire comme au pied de ce sapin de Noël volé, ou avec Iginio dans ''Jour de Toussaint dans le Michoacan'', tellement seul qu'il se plaît à se recueillir sur la tombe de ''parents'' homonymes adoptés-morts.
Est-ce d'ailleurs l'influence de cette Amérique du Sud qui décale tout à coup le factuel de ces récits pour soudain basculer dans une magie poétique ? Peut-être... car la tauromachie comme la littérature, n'ont pas de réponses péremptoires à donner, juste des sensibilités à exprimer, pour voir et comprendre le monde autrement et celle d'Alain Montcouquiol, une nouvelle fois, vous touchera, juste là, en plein coeur. Cigare fumé et livre fermé, on a envie d'aller le voir pour lui donner un abrazo de gala et lui dire juste ''merci''.
2 commentaires:
Tout cela a commencé par un coup de téléphone à une vieille
demoiselle : Mademoiselle Christiane Faure...
La suite dans le spectacle de Franck LEPAGE.
http://tvbruits.org/spip.php?article981
Viens de terminer la lecture du "Fumeur de souvenirs".
Toute l'essence de ce petit bijou d'écriture que tu as si bien saisie dans ta reseña s'est diffusée pendant cet instant de lecture.
Je ne découvre certes pas l'auteur dont j'admire la plume simple, concise et émouvante, mais le cadencement de ces nouvelles, le pittoresque de leurs personnages, donnent un rythme original qui "estompe" peut-être (qui sait) l'incommensurable blessure de ce drame passé et ..... éternellement présent.
Pour preuve, la dernière phrase de l'ultime nouvelle "Trèfle à quatre feuilles".
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