mardi 2 juin 2009

J'AVAIS TOUT PREVU



J’avais décidé de me la jouer ‘’grand reporter’’, professionnel rompu à la couverture d’événements en série. De vous relater par le menu les corridas vicoises, de pisser ma copie jour après jour, dans ce style pittoresque inimitable qui fait le succès de ce blog frénétiquement suivi par trois pelés et un tondu (oui, vous, là…).
Alors j’avais tout prévu. Tout. Vraiment, tout. Pré-vu. A la ferme, mon gîte rural, on m’avait confirmé au préalable, non mais… qu’on était bien ‘’live boxé’’, no problem for the French connection in todo el mundo… Une amie distinguée m’avait passé son petit bijou de PC ultra portable féminisé – 10,2 pouces, moins d’un kilo, blanc nacré - aucun des câbles n’avait été oublié, les batteries de l’appareil photo dûment chargées, la suite alphanumérique de l’étiquette de la live box recopiée chez le fermier pour qu'on puisse entrer la clé réseau, certaines photos dignes de figurer ici sélectionnées, l’inspiration venait, la nuit gersoise bruissait du calme des fermes isolées, battements d’ailes de papillons prisonniers, grillons siffleurs, poules offusquées d’avoir à dilater ainsi l’orifice à ponte et toujours ce putain de Filou qui n’arrêtait pas d’aboyer au moindre crapaud qui me les côassait, alors que je sentais avec plaisir les idées affluer et savais d’ores et déjà que la seule difficulté consisterait à gérer leur flux. Parfois quand j’écris, je flotte dans un tunnel à électrons, comme en apesanteur, et les électrons grossissent, deviennent des mots filtrés au passage de mes doigts qui les retiennent ou pas, je les engrange ou les confronte, ils se télescopent générant soudain des idées, elles s’accumulent, je ne dois pas les perdre, vite les noter ou les abandonner pour une autre, meilleure, ou la retenir pour plus tard, aller plus vite encore alors pour ne pas la perdre, ou aussi freiner, écarter les mains dans le tunnel, sortir les aérofreins, culbute arrière, rétrograder, attendre que le bon mot repasse, le saisir, reprendre l’accélération du flux… jouissif, quasiment. (je n'ai pas assuré trouver toujours le mot juste... par exemple, le grillon, ça m'étonnerait qu'il soit siffleur... peut-être qu'il craquète ou turlutupône j'en sais rien...) Et là… je sentais déjà les picotements de l’entrée du tunnel quand j’ai cliqué avec délice sur ‘’connecter’’, tel le starter pressant la gâchette pour libérer le flot d’énergie qui s’ensuit mais… rien. Non, rien de rien, je regrette tout. Rien, trois jours durant, de ces petits riens frustrants, insinués dans la bonne humeur pour l’altérer. Trois fois rien c’est pas grand-chose et finit pourtant par peser ! Surtout que j’avais accepté de confire au soleil des heures durant, pour voir ces corridas…
Hier matin je passe payer le fermier en grande discussion avec un jovial réparateur rural en tee-shirt jaune vif :
- Merrrrci hein, bien brrrave, ça me rend service putain ! Combien je te dois ?
- Non rien, laisse tomber ….
- Et siiii… vin Diou, tu rigoles ou quoi…. ? Fais-moi payer, oh … !
- Nooon, c’est booonn…
- Oooh mais tu fais chier, putainggg ! Je te filerai un chapon, tiens, alors !
- Noon, non, nooonnn, je te rends serrrvice c’est tout, merrrrde, j’en veux pas de ton chapon…
Soudain, c’est tout moi ça, je me mêle de la discussion instillant une suggestion idiote :
- Une caille alors ? dis-je, supposant qu’un moindre volatile puisse constituer un butin digne de débloquer la négociation qui s’éternise et m’empêche de payer…
Ils se tournent vers moi de concert et je lis un truc dans leurs yeux trouant le silence épais qui s’installe, un truc du genre : il serait pas de la ville, lui ?
- Bon enfin brrrreff, on s’arrangera … lui signifie-t-il avec un clin d’œil de connivence avant de prendre congé, d’un air de lui dire que, tant qu’il sera là le citadin, on s’en sortira pas…
Du coup le fermier me fait mon compte et des confidences :
- J’ai été emmerdé tout le vouikèndeu ! Ooooh putain, alors… ! Comme j’avais du monde là, vous… les autres… j’ai voulu tailler un peu la vigne sur la façade et j’ai foutu un coup de cisaille sur le fil de l’internet ! Vous croyez que non ? Enfin vous, hein… vous en foutez, vous êtes venus voir les toros, mais moi ça m’a emmerdé mais alors… c’est bien simple…tout le vouikèndeu !
J’avais tout prévu, coup de cisaille exclu.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'ose imaginer tes gros doigts sur ce si petit clavier... T'aurais pas taper à l'aise!!!
Pis dans le Gers, faut profiter, écouter chanter la lune et le glissement des nuages...
Pour trois petits jours!
isa du moun

Marc Delon a dit…

Alors là, Isa-du-Moun, je te demande bien pardon, mes jolis doigts sont tout ce qu'il y a de plus longilignes, terminés en leur extrémité d'un petit coussinet de pulpe qui en a relaxé plus d'une (et encore ne me contente-je de ne parler que du cadre de ma profession ). De plus, ils macèrent dans l'huile Weleda à longueur de journée ce qui leur confère une douceur, un toucher de velours relativement incomparable. Si tu as un grand dorsal à pétrir, c'est facile à vérifier et c'est remboursé...
Mais, c'était bien joué d'avancer une telle assertion mensongère afin de n'avoir pas à trop souffrir de la frustration de ce manque ;-)))

Anonyme a dit…

Excellent !!!!!!!!!!

Anonyme a dit…

Le clavier est accessible à toute surface d'extrémité digitale.
L'incident est clos.

Anonyme a dit…

J'adore le tunnel à électrons ;-)

Benjamin

Anonyme a dit…

Donc, même un devin ne prévoie pas tout?
Gina

Anonyme a dit…

Pas même les énormes fautes d'orthographe ?

Marc Delon a dit…

Un incident ? quel incident ? où ça ? ce n'est qu'un plaisir de discussion partagé avec ma copine Isa.

Marc Delon a dit…

Des fautes où ça ? j'écris trés vite et je reviens souvent trop tard corriger mais s'il en reste merci de le dire, je crains que les voir toutes à moi tout seul ne soit impossible et je préfère qu'il n'y en n'ait pas ... ça refile la honte !

Anonyme a dit…

Mais non, Marc, pourquoi se sentir visé ?
C'est Gina qui a écrit prévoie avec un E. On lui apprendra à conjuguer les verbes.

Marc Delon a dit…

Eeeeeh-là... anonyme, si c'est Gina c'est ou fait exprès pour voir si tout le monde suit, ou une étourderie ou une faute de frappe, mais pas une carence. Non mais...