Extrait
Le pavé est en petits cailloux comme celui de toutes les villes d'Espagne, mais il est rayé, en manière de trottoir, de bandes de pierres assez larges sur lesquelles la foule marche à la file ; le pas est toujours cédé aux femmes en cas de rencontre, avec cette exquise politesse naturelle des espagnols même de la plus basse classe. Les femmes de Séville justifient leur réputation de beauté ; elles se ressemblent presque toutes, ainsi que cela arrive dans les races pures et d'un type marqué : leurs yeux fendus jusqu'aux tempes, frangés de longs cils bruns, ont un effet de blanc et de noir inconnu en France. Lorsqu'une femme ou jeune fille passe près de vous, elle abaisse lentement ses paupières, puis elle les relève subitement, vous décoche en face un regard d'un éclat insoutenable, fait un tour de prunelle et baisse de nouveau les cils. La bayadère de Amany, lorsqu'elle dansait le pas de Colombes, peut seule donner une idée de ces oeillades incendiaires que l'Orient a léguées à l'Espagne ; nous n'avons pas de termes pour exprimer ce manège de prunelles ; ojear manque à notre vocabulaire. Ces coups d'oeil d'une lumière si vive et si brusque, qui embarrassent presque les étrangers, n'ont cependant rien de précisément significatif, et se portent indifféremment sur le premier objet venu : une jeune Andalouse regardera avec ces yeux passionnés une charrette qui passe, un chien qui court après sa queue, des enfants qui jouent au taureau. Les yeux des peuples du Nord sont éteints et vides à côté de ceux-là ; le soleil n'y a jamais laissé son reflet.
8 commentaires:
Merveilleuse photo pour illustrer le texte.
Les portugaises aussi visiblement,car je crois bien que c'est une photo de Lio que tu as mise pour illustrer ce texte.Et grace à toi j'ai visité le site de Lio où j'ai decouvert qu'elle avait fait des photos avec Guy Bourdin:
http://www.universlio.com/
Du coup je vais voir l'univers de Bourdin:
http://www.guybourdin.org/
et je me dis :Quelle imagination! quel talent! 18 ans qu'il est mort et ses photos n'ont pas pris une ride!
Merci Marc,ton blog est enrichissant même quand tu ne le fais pas exprès...;D)
isa des garrigues
Non, ce n'est pas LIO
Sûr que lorsqu'on est regardé ainsi on redevient vite un chien qui court après sa queue...
m'étonnerait fort que Théophile n'y ai pas pensé !
OUAH-OUAH !
Euh... si c'est pas Lio, je pourrai pas avoir les coordonnées de cette jeune personne ? J'ai toujours rêvé d'être regardé comme ça, moi...
Tintin
Ceinture, Makache, Tintin ! des synonymes tout ça...
Voyons Tintin, opère selon le code des bonnes manières seul apte a éventuellement exaucer ton voeu : donne plutôt les tiennes et je transmettrai.
J'ai passé une bonne après-midi. J'ai cliqué sur ce regard, il s'est affiché plein écran, ça m'a changé de la colline d'herbe verte de Windows... j'avais l'impression d'une grande complicité, d'une connivence amoureuse innée. Il est troublant ce regard. je ne suis pas sûr qu'il soit Andalou, s'il le faut elle est de Maubeuge ?
En tout cas je ne veux pas ses coordonnées, le risque est trop grand.
Chien-fou
Marc,
Quelle belle (redoutable?... tant "la beauté fait peur" dixit P. Valéry) illustration de "sol y sombra"... ou bien, plus facile à traduire en français, "un oeil noir te regarde..." (ça se chante aussi)... Bref, je n'insisterai pas sur la science des "terrains" que pareil regard serait censé mobiliser...
Bonne nuit à tous (et toutes?) - Bernard
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