Comment devenir aveugle d'un oeil pour 2h30
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Le flash indirect, c'est la solution quand on est dans la merde moi je dis !
FP
Il y a 12 heures
Ou comment l'aficion à l'écriture de la lumière, à la littérature et à la tauromachie peuvent essayer de se côtoyer pour potentialiser le plaisir d'en partager les attraits. C'est pompeux ? Tant pis, pour l'instant j'ai pas mieux...
C'est
une mamie immigrée de sa Bourgogne natale. J'y vais trois fois par
semaine. On ne peut pas dire qu'elle ait de la chance, avec sa
collection de pathologies. Les médicaux parlent en pareil cas de
« chantier thérapeutique » ; mais bon, elle tient
le coup et stabilise de sa présence dotée de bon sens, le reste de
la famille qui accumule les conneries. Elle donne ses conseils, que
les moins conscients finissent par suivre, souvent trop tard, quand
le mal est fait, mais elle donne le ton, indique le cap, malgré les
naufrages tout autour d'elle. Elle qui a veillé sur son mari
soixante ans durant – ce qui peut aussi constituer un naufrage
après tout...- prodigue d'élémentaires règles de base à sa
voisine. Enfin essaye, vu que rien ne dit que cela puisse valoir pour
une autre mais bon, en l'occurrence, face à l'anarchie totale, au
cas où ça pourrait structurer un peu, elle tente.
Le rideau n'a pas encore fini de coulisser que déboule Javier Baron sur le tablao, une mitraillette Hotchkiss incontinente dans chaque cheville. Vous voyez Dustin Hoffman ? Avec l'accord de Christine Boutin vous le mariez à Roman Polansky, vous les faites se mélanger un peu et grâce au progrès sociétal qui inondera bientôt la planète, la PMA ou putain de maternité anti-naturelle, le rejeton qui en sortira c'est Baron craché. Les cheveux sont à peine un poil trop long pour être crédible en cadre dynamique embauché à la Défense, mais sinon, l'uniforme il l'a : costard gris sur camisa negra.
Ce théâtre convient très bien pour les récitals... de variétoche... Parce que bon, madame Carmen Linares a beau être une grande chanteuse, une grande dame de la chanson vraisemblablement, a eu beau recruter des textes d'Alberti, Garcia Lorca, elle nous a produit un gentil récital auquel « Flamenco » en tant qu'adjectif ne sied guère. Et dans le genre, j'aurais préféré Luz Casal alors... Une très bonne chanteuse en tout cas, la preuve, à la première berceuse je me suis endormi. Comme un bébé. C'est que toutes ces danseuses qui virevoltent sous mon nez, là, depuis dix jours, ça me file un de ces tournis... et encore ne parlè-je pas de la frustration de ne pas virevolter de concert, tandis que Lola, elle, comme toute femme, est au moins aussi épanouie dans l'idée que dans l'action, faut voir la pêche qu'elle a en ce moment, d'admirer ces jeunes caballeros se trémousser gaillardement sur scène ! Madouée... ! Elle vole, la Lola, overboostée par les chorégraphies castizas... elle gère même les abonos de ses amis, les rendez-vous mondains, les accointances passagères, me présente à une foultitude de gens venus d'on ne sait où, trinque à la pleine lune, avec modération bien sûr, distinguée en toutes circonstances, me rédige ses resenas au cordeau que d'autres bloggueurs m'envient – non, j'ai l'exclu pour Lola ! - , c'est une véritable plaque tournante du festival ! In-con-tour-nable ! C'est l'Espagnole type, plus ça bouge, plus elle est contente... elle est dans son élément, quoi... Z'avez pas un problème de charges salariales à régler à l'organisation du festival ? Si ? Ben, si vous embauchez Lola, à mon avis vous pouvez licencier le régisseur, l'attaché de presse, les guichetières, les ouvreuses, j'en passe et des plus débordés. Bon plan. Elle peut même aller en Andalousie négocier les prochains contrats... et qu'elle me ramène ''mon'' Capullo de Jerez... et bien sûr me nomme masseur attitré de toutes les danseuses, normal.
Ce
soir, toujours au fameux théâtre de mes... aficionados al cante,
Olga Pericet ! De loin, on aurait dit un petit santon, ou une
figurine playmobil. En tout cas, une jolie poupée espagnole. La petite silhouette ne déplace pas des mètres
cubes d'air et ne défonce pas les planches mais pourtant habite bien
la scène. Propre sur elle et dans son tempo, ses remates enlevés et
précis soulèvent l'enthousiasme. Ce petit bout de femme qui sait
allonger sa silhouette fine en se juchant sur des talons et
prolongeant sa coiffe d'un graaaaand peigne, connait son affaire et
assure avec une certaine élégance bien servie par un ''chauve qui
pouvait'' la faire virevolter autour de lui, toute maniable qu'elle est. Quelle chance a son camarade de jeux.
J'ai
remarqué aussi le magnétisme animal d'un grand type blond soit pas
vraiment le type même de l'andalou des années cinquante qui remit
en ébullition starting-blockée la libido dormante de la mamie à ma
droite qui l'applaudissait à chaque occasion les mains au-dessus de
sa tête ignorant tout à coup les affres d'ordinaire insurmontables
chez le rhumatologue, de son arthrose scapulo-humérale et miaulant à qui mieux-mieux de
suaves interjections borborygmées sous l'oeil catastrophé du papi
qui feignait d'être assis là par hasard sans aucun lien avec sa passionaria.
Pour l'occasion, elle s'était vêtue d'un pantalon moulant (de ses
déformations dues au grand âge et à l'atrophie musculaire) de cuir
noir et d'une mauvaise imitation certes respectable eu égard à la
sauvegarde de l'espèce, de fourrure de guépard du Serengueti... Que
je sois contraint d'aller produire un zapateo honteux sur la scène
du putain de grand théâtre impersonnel qui se la pète
contemporain, si je perds le pari qu'elle n'a jamais exercé la
profession d'infirmière.
Est-ce
le fait d'avoir récemment donné la vie qui fait partir la Yerbabuena en quête de ses racines pour analyser le terreau, le
terroir d'où vient son enfant ? De cette terre dont elle se
macule pour mieux en sentir les particules élémentaires ? La
terre d'un pays en guerre civile, d'une nation qui se fracture,
l'appétit d'orgueil des uns face à la soif de liberté des autres,
d'un peuple qui se déchire, de familles qui se divisent, d'amis qui
s'entre-tuent sauvagement sur cette terre éclaboussée de soleil qui
se nourrit soudain de haine fratricide et s'abreuve du sang de ses fils ?