samedi 19 janvier 2013

Litote Popote Bobote

Boboterías



Fiesta y …. Fiesta . Le linge coloré sèche sur un fil. La « famille » au complet assise et serrée peut commencer la juerga flamenca.

Pas de fioritures créatives, ni d’académisme conventionnel … du rustique, de la gouaille, de l’éraillement, de la démesure dans la frénésie d’un groupe de vrais gitans.

Bobote, costume en taffetas orangé, palmero exceptionnel, nous offre un concert de palmas à 12 mains à la rythmique sans faille. Un ruedo de bastoneros en parfaite harmonie et voilà le spectacle en marche pour le voyage bobotero.

Le maestro règle son spectacle en chef de clan et l’on a vite compris que ce dernier est essentiellement masculin … Seule la solide Mari Vizarraga donne de la voix et invective l’audience avec une voix puissante qui ne souffre aucune contrariété.

Là nous sommes dans le pur jus de la rue, du quartier de Triana, de ce flamenco callejero tourné vers la fiesta et la patá. Populaire sans mépris. D’ailleurs, le titre du spectacle « De Triana a las Tres Mil » est explicite : las Tres Mil viviendas …. Cette cité dangereuse et infréquentable, construite dans les années soixante, qui pose d’énormes problèmes d’insécurité. Refuge de gitans fuyant les bidonvilles et repère de tous les dangers.

Que deviennent ces Martinetes, Soleás, Tangos et Alegrías dans ces cités ?

Bobote démontre que tout est encore vivant et nous a fait passer une soirée festive, gaie et sans complexe.

Sans complexe en effet lorsqu’un « after » à l’Atria fait découvrir un Bobote en casquette colorée, sweet gris informe et tennis délavés … Au placard, le costume orangé !

Sous a verrière du patio, le spectacle était éloquent : un cercle d’environ 50 personnes (et pas une seule femme), prémisses d’une série d’espontaneos de cante par un jeune garçon d’environ 11 ans qui fait plus que promettre … c’est déjà un cantaor !

« Ils viennent tous de Marseille, ai-je entendu »

Le garçon est talentueux, a de l’avenir, et Bobote lui promet de l’aide … il sera son parrain là-bas, plus au sud, à Séville, dit-il en le serrant dans ses bras et le faisant assoir sur sa propre chaise.

Tel un jeune champion en devenir, toute la famille entoure et le protège l’enfant prodige.

Curieuse famille dont certains font littéralement barrage autour du trésor gitan au point de masquer la vue à l’assistance qui souhaite voir le spectacle. : bêtise grossière et crasse de la part d’un quidam, cro-magnon qui se reconnaîtrait dans ses lignes s’il savait lire et dont le comportement m’a laissée sur une touche désagréable en fin de soirée …. bien loin de la réunion flamenca qui se pratique dans les lieux où le partage généreux de la fête a encore un sens.

Dommage …. Les boboterías du spectacle m’avaient enchantée.

                                                                                       Maja Lola 


 
Pour nombre de parisiens s'enchaîne au quotidien le fameux métro-boulot-dodo tandis que pour certains festivaliers ce serait plutôt litote-popote-bobote. Sur fond de linge suspendu dont le drap sert d'écran à la projection d'un petit film de présentation où Bobote muy pequeno révèle déjà son talent de danseur, se réunissent dix lascars élevés au J and B et à la clope, autour d'une maîtresse femme dont la présence se révélera au fil de la soirée comme la seule et nécessaire concession à la construction de ce monde de machos. La photo d'illustration sera donc pour elle ! A cet éclairage on comprendra mieux son tempérament quand elle va se lever et fâchée, apostropher la planète entière. Une matrone, il fallait bien ça pour se faire une place au milieu d'eux, avec sa voix qui sort avec une facilité déconcertante, puissante et véloce. Une matrone du genre à ne pas traîner en route si elle t'envoie aux courses, au Corte Ingles du coin acheter son Agua de Sévilla à la fleur d'oranger.

Après, que du lourd, du très lourd, tant dans le cante que dans le baile. Des personnalités marquées, peut-être, allez savoir, plus ou moins bandits, mais habillés comme des beaux messieurs, avec des cravates faisant comme un cerclage de tonneau sur leur ventre épanoui, des qui n'ont plus besoin de faire, mais juste d'évoquer, pour que la suggestion opère tant ils le transpirent ce Flamenco distillé au goutte à goutte de l'alambic de leur âme. Des types différents, décalés, inclassables, qui sont ailleurs mais toujours de là-bas, dont les raisonnements à coucher dehors vous feraient frémir, ne feraient certainement pas avancer le monde, la vie en société, la tolérance, le progrès. Mais là est leur richesse, dans ce décalage même, même si on aurait préféré de la colonie exclusivement masculine – les femmes c'est bien connu doivent rester à la maison - de Marseille et des environs qui rejoignit le jaleo de l'Atria, qu'elle teinte de gitanité les quartiers nords plutôt qu'elle se dilue dans ces uniformes de supportes de l'OM aux blousons Adidas et casquettes maintenant les idées courtes ''près du bonnet''.

Du lourd comme ce danseur grizzly croisé Demis Roussos dont la danse agressive faisait craindre pour l'intégrité du théâtre (s'il avait pu le démonter et que l'année prochaine on soit à l'Odéon... trop top ! ) du très lourd, avec un autre à lunettes, plus âgé, embounigue à l'air, dont le zapateo rappelait Berlin sous le déluge bombardier des B52... C'est beau aussi la puissance. Avec Bobote, crevette instigatrice, singe savant ou parrain de la troupe c'est du lourd de jockey, agile et astucieux qui n'agit que par piqûre de rappel, touches légères de quintescence, on quitte l'Agua de Sévilla pour l'essence de Triana, et alors une seule goutte suffit à embaumer.

Et puis, après une halte en calories, changement de cap pour Tomasito à Paloma, vers un autre monde où une fille hurle au moment ou je rentre dans cette salle : tienne una calcetina muy sexy ! Du coup le sympathique chanteur encouragé tombe sa chemise déjà entrouverte pour révéler son physique de collégien anorexique pour mieux nous donner son curieux mélange de flamenco-rock improbable mâtiné de quelques fantaisies zapateotesques avant de quitter sa ceinture puis son pantalon épanouissant enfin la curiosité de sa groupie avec sa calcetina comme on n'en trouve vraisemblablement qu'en andalousie, très ''dalmatien'' rehaussé de filets rouges. Le type est très sympathique, clown almodovarien et chanteur passionné qui finira à quatre pattes zapateant comme un fou avec ces chaussures blanches aux mains : tordant ! Et musique pas mal du tout, relativement inclassable, je crois bien que je vais rechercher son CD...



Enfin, retour à l'Atria où se fera ''LA'' rencontre de la nuit, non pas le bourrin de service au regard moins éveillé que le bovin après le coup de matador au frontal, à qui Maja Lola faillit filer un coup de boule ou me faire tuer par la colonie c'est selon... mais la race d'un enfant, ma première expérience de voix flamenca avant la mue, toute la grâce d'un don céleste qui terrassa gentiment en comparaison immédiate les ténors bobotiens quasi aphones, inaudibles alors qu'on était à un mètre d'eux, plus rien sans sono, timbre évanoui, alors que pulsait clair et émouvant le filet pur de ce gisement non encore exploité, des pépites plein la gorge. Son nom ? Ben, c'est là qu'on voit qu'on n'est que des journalistes amateurs : abasourdis par la révélation nous n'avons pas eu le réflexe de le lui demander ! Devant lui sur la table, cinq cadavres de J and B et un épais brouillard de fumée, destinée tracée vers laquelle il se dirigera sans doute précocement tout droit, à la poursuite mimétique de glorieux aînés, seigneurs des tablaos qu'on continuera d'aimer irrationnellement en espérant qu'ils ne soient pas aussi décérébrés que certains membres de leur tribu. Ce qui écornerait salement le mythe et l'énorme crédit de bienveillance qu'on avait pour eux. 

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci à tous deux.
C'était passionnant.

Gina

Ludovic Pautier a dit…

Le chikiyo en question est progéniture du cantaor Diego de Marsella qui d'ailleurs l'accompagnait. il est là tous les ans à l'Atria, on l'a même croisé à la Casa Blanca le soir où Carrasco a présenté son "hyppitano".quant au pesao de service , il ne m'a pas été présenté.mais il avait l'air de s'en tenir une couche. allez, à bientôt les nîmois (plus ça va plus cette ville me plaît, c'est grave docteur ?)...

Ludovic Pautier a dit…

allez, je suis sympa, je vous mâche le boulot :el padre es de la famila Amaya de marseille, le chico c'est alexandre. il y a une belle photo de lui là :
http://www.stephanebarbier.fr/juerga/hotel-atria/ ( cétait l'an dernier puisqu'on voit le capullo).
par contre pas de photo du yéti à casquette de rappeur à deux balles.dommage. on aurait compris pquoi il vous a tapé dans l'oeil. jejejeje.

Marc Delon a dit…

Le ludo, tu l'appâtes avec de belles jambes en portada et il y monte au commentaire... je le saurais maintenant !
merci en tous cas pour Alexandre, alejandro...