L’effet Darwin :
Sélection naturelle et naissance de la civilisation, de Patrick Tort, édité chez Seuil en septembre 2008
Cet ouvrage est récent, facile d’accès et rappelle L’Origine des espèces de Darwin (1859) que nous avions peut-être oublié, dont beaucoup d’idées fausses, mal interprétées, mal lues ou mal enseignées, nous avaient été communiquées.
La Sélection Naturelle d’après Darwin, admettait pour conséquence que l’homme était un loup pour l’homme, les forts, les nantis sur le plan physique, moral, intellectuel, écrasant les faibles et cela fut politiquement utilisé pour justifier tous les excès que l’on a rencontrés dans l’Histoire des XIX et XX° siècles. Cette théorie réduisait l’homme à n’être qu’un animal parmi les autres. De même, elle mettait en péril les religions révélées, bien au-delà du Christianisme, de l’Islam… et ramenait au Créationnisme, que la presse éprise de sensationnel nous ressort de temps en temps pour satisfaire les Américanophobes...
L’Origine des espèces est l’histoire d’une rupture avec l’enseignement des textes révélés car elle introduit l’idée de Transformisme. Avant Lamarck, on en avait l’intuition mais ce-dernier, ne put jamais imposer son point de vue qu’on qualifiait de rêverie de poète. Dès 1831-32, on commence à expliquer la transformation des espèces à partir d’observations géologiques dans l’île du Calvaire : on combat l’idée que tout reste uniforme. Il y a toujours eu des cataclysmes, des phénomènes (marées, érosions) pour transformer un relief mais ils ne suffisent pas à expliquer les grandes formations géologiques étendues sur des ères beaucoup plus importantes par leur durée, ce qui exclut la géologie figée. De même, en 1798, au moment de la montée de la reine Victoria sur le trône, Malthus fait remarquer la croissance arithmétique des ressources d’un pays ou d’un continent par opposition à une croissance géométrique des populations, ce qui devrait impliquer l’idée de lutte pour la vie, dans un monde où chacun n’a pas sa place : ou on devrait se réduire, ou subir les conséquences de son imprévoyance.
Darwin va contrer cette théorie, prendre un modèle mathématique, l’appliquer au monde végétal ou animal et la récuser en 1870. Dans la nature, il montre qu’il y a une variation fortuite dont on ignore le déterminisme, une zone de non connaissance donc une variabilité naturelle, une sélection . Les horticulteurs, éleveurs, par exemple, choisissent les individus porteurs d’avantages pour eux. Les vivants ont un taux de reproduction élevé . Mais une espèce impose son hégémonie (ex. chez les éléphants). La surface n’augmente pas : il y a d’un côté tendance à la croissance géographique et de l’autre, un mécanisme régulateur à l’intérieur de chaque espèce, qui est la lutte pour l’existence, qui procède par élimination, le plus fort gagne (pouvant expliquer certaines disparitions massives d’individus). Les victorieux seront les mieux adaptés dans un milieu donné. Des fonctions, des désavantages ou des possibilités font accéder à des variations venues au hasard et dont on ignore le déterminisme. L’opérateur de sélection est le milieu qui lui aussi est susceptible de changer.
En 1871, paraît La Filiation de l’homme, traité de zoologie rattachant l’homme aux singes, - la continuité entre eux et nous, est passionnante - qui met en place une logique philogénique fort difficile à admettre à l’époque victorienne. Tous les partisans de Darwin sont satisfaits, mais lisent mal ou à-demi ce qui est dit de la Sélection appliquée à l’homme. Des partisans de l’eugénisme, (Galton, par ex. et d’autres de triste mémoire), pensent que la Civilisation et surtout la médecine empêche le fonctionnement améliorateur de la sélection naturelle qui devrait exclure certains. D’autres pensent que puisque l’homme d’après Darwin, descend du singe, la nature est transformiste, donc dans la société aussi (Spencer). La sélection sociale se fera seule. Cela, bien sûr, convenait parfaitement aux nantis !
En 1983, en lisant mieux Darwin, on a l’idée d’un renversement sans rupture du darwinisme. La sélection naturelle pour les Humains, est la sélection des instincts sociaux, des sentiments, de la sympathie et de l’intelligence rationnelle, donc de la Civilisation qui pousse les sociétés vers plus de sociabilité, secours, aide, réhabilitation, altruisme tout ce qui appartient à la notion de culture. Taylor, dans l’Ecole d’anthropologie évolutive, traite de sauvage, barbare, ce qui n’est pas civilisé ; il condamne la brutalité du conquérant, la réduction en esclavage, la violence comme des retours ataviques à des états antérieurs de barbarie. Et les femmes ? Leur inégalité statuaire était reconnue . On assiste alors à un rattrapage. Les races se divisant en espèces qui se divisent en sous-espèces, pareille classification intervient pour les hommes, on ne peut pas éliminer le mot "race" mais on reconnaît des différences et il y a des variétés qui plaisent dont les femmes font partie. On admet qu’elles sont les premières détentrices des instincts sociaux, amour, sympathie, qui favorisent l’extension des liens et ainsi, elles prouvent leur supériorité morale sur les hommes dont elles sont véritablement "l’avenir".
Donc, c’est un ouvrage rassurant que vient de publier Patrick Fort.
GINA
9 commentaires:
Cher Marc,
Entre ce qu'à écrit Darwin et ce qu'on en a dit, et surtout déduit, il y a un monde. Comme son contemporain, le cher Frédéric, peu de penseurs ont été si mal compris et autant dévoyés.
Sa correspondance personnelle, et notamment avec son épouse, très pieuse, remet pas mal de choses en question.
Darwin décrit un phénomène naturel, il ne le commente pas et ne l'extrapole pas.
Darwin est un scientifique, pas un philosophe.
Surtout pas dans le sens de l'eugénisme!
Tu as bien raison de le rappeler
Marc,
S'agissant d'Homo sapiens sapiens, la question centrale est justement celle de savoir si les "instincts" (sociaux) sont vraiment instinctifs, c'est à dire font partie du patrimoine génétique - et donc sont transmissibles; ou bien si leur caractère comportemental fait qu'ils ne sont pas "innés" mais "acquis", et donc à acquérir par chaque membre de la société des humains à chaque génération - d'où la nécessité d'éducation à laquelle est confronté en pemanence Homo sapiens sapiens et qui fait que "l'Humanité n'apprend rien"... J'ai tendance à opter pour ce deuxième point de vue: le social, les sentiments ne sont pas de l'ordre du transmissible, et l'homme ou la femme (anthroplogiquement identiques en cela) se construisent avec le temps et en relation avec d'autres hommes et/ou femmes (voir le rôle joué par le "mimétisme" au sens de René GIRARD)... D'ailleurs - et en corollaire de cette approche comportemantale, c'est dans ce caractère non transmissible des comportements que réside la difficulté de la sélection des "toros de combat" qui nous sont si chers: en effet, que sont la "caste", la "bravoure", la "noblesse" sinon des comportements - et ne parle-t-on pas parfois de "perte de caste"?...
Quant au "darwinime social" (tentative de justification de ce que l'Homme soit "un loup pour l"Homme"), le XXème siècle a - hélas ou heureusement - montré qu'il n'en était rien: Bruno BETTELHEIM, le célèbre pédo-psychiatre américain d'origine juive et qui avait connu les camps nazis, rapportait que ce que les SS pourchassaient et punissaient systématiquement étaient les manifestations de "compassion" des détenus les uns envers les autres - et ce afin de détruire définitivement en eux toute forme d'humanité...
Bien à vous - Bernard
XAVIER, oui c'est patrick Tort qui a bien raison (immanquable...) de le rappeler et c'est GINA qui a commis cette critique clairvoyante.
BERNARD je pencherais aussi pour la version acquise et d'un acquis si fragile qu'on s'effraie des comportements rapportés de la nature humaine en tant de guerre, même émanant d'hommes issus de sociétés dites évoluées. je n'ai jamais compris que l'on puisse découper un type en morceaux au prétexte qu'il était votre ennemi et en amener les abattis à sa mère dans un sac poubelle par "plaisir" ou violer une femme à plusieurs avant de l'éventrer. Il me semble que la moindre des sensibilités serait de ne pas arriver à bander devant l'horreur d'une telle scène.
Merci Marc d'avoir pensé à cet ouvrage.
Ce serait intéressant d'inviter vos amis du blog à aller voir sur Campos y Ruedos une belle étude sur la Sélection des taureaux, faite par l'homme éleveur.
J'aimerais aussi que quelqu'un nous renseigne sur les preuves paléontologiques de l'Evolution du taureau. Je n'ai rien trouvé ; rappelez-vous l'époque où on nous faisait étudier celles du cheval : je crois qu'on y a tous eu droit et on ne regrette pas.
Gina
Marc,
Hélas pour ta conception de la "sensibilité" mais - comme tu le sais bien sûr, non seulement certains d'entre nous - certains Homo sapiens sapiens - "arrivent à bander devant une telle scène" mais ont besoin de telles scènes pour arriver à bander... C'est la constante question de notre part d'ombre, la question du Mal, qui hante les philosophes depuis qu'Homo sapiens sapiens philosophe, et les écrivains - les vrais - depuis qu'Homo sapiens sapiens écrit, et les peintres etc... Bref, en quelque sorte, la seule question qui vaille - et que notre époque si moderne ne veut plus voir ni se poser (pour avoir trop donné, trop démontré, avec l'horrible XXe siècle?...). Et, que ce soit un lieu commun de dire qu'il y a un rapport particulier de l'Espagne à la mort et à ses violences - voir les atrocités de leur guerre civile, ne fait que nous recentrer sur notre sujet de prédilection: que la tauromachie n'est qu'une sorte de dialogue, codifié jusqu'au théâtral voire au rituel, avec la mort; et que les "anti" se condamnent à ne rien comprendre au film s'ils ne voient pas ça - cette quête et ce questionnement sur la mort - dans
le combat des toros; et que, dès lors, nos pires adversaires - ceux qui discréditent et délégitiment ce "questionnement" - ne sont pas tant les "anti" que ceux parmi nous qui, par quelque moyen que ce soit otant au toro sa "fureur" - jusqu'à le "dé-sélectionner" pour ça (le "décaster"), otent la seule justification qu'il y ait à tenter ce dialogue, ce "risque de la corne accérée du toro" décrit par LEIRIS, et sans lequel le dialogue se transforme en ballets pour "grâces vaines de ballerines"... et toro gracié!
Bien à toi - Bernard
Gina,
Je ne sais pas si A Viard n'avait pas abordé le sujet.
C'est très possible, je ne peux pas dire. Le sujet est finalement banal, très actuel. Je chercherai quand je ne serai pas en vacances.
Gina
ça ne va pas vous laisser beaucoup de temps... ;-)
Mais si, dans trois jours.
Patience !
Enregistrer un commentaire