jeudi 4 août 2011

Il vendait des bananes au bord de la route...



On atteignit une sorte de cirque rocheux, au bout d'une petite route qui se terminait par une aire circulaire pour que les cars de touristes puissent s'en retourner. Il se tenait au bord de la routelette, devant sa caverne, mais trop loin du terminus de stationnement d'où les gens débarquaient. Personne n'est allé le voir. C'était l'heure du repas. J'ai regardé dans sa direction m'interrogeant sur l'opportunité d'aller le photographier. Il a levé un bras et agité de petites bananes vertes. Pardi, il n'avait pas de chlore, lui, ou d'éthylène ou je ne sais plus quelle saloperie pour donner une belle couleur appétissante à ses bananes en empoisonnant les gens. Déjà, les amis m'appelaient, ma compagne aussi avec certainement le sentiment d'être un peu responsable vis à vis du groupe de ma billebaude incontrôlable générant des retards incessants. C'est marrant comme dès qu'une passion vous consume, les gens se préoccupent que vous mangiez chaud. Aussi chaud qu'eux... Il avait un carreton que son vélo pouvait tracter, rempli de ces petites bananes. Il m'en a tendu une, je l'ai mangée. Délicieuse, la petite banane verte. Puis je l'ai photographié devant ses bananiers. Il m'a invité à le suivre sous la falaise par un petit chemin de terre qu'on aurait pu éclaircir à coups de machette plutôt que d'esquiver ainsi les grandes feuilles lacérées qui nous saluaient sous l'action du vent au fil de notre progression. Puis il s'est retourné, a écarté un peu les bras comme pour me dire, voilà, c'est là..., c'est chez moi... tu peux en disposer, qu'est-ce qui te plairait...?

Il n'était pas seulement marchand de bananes, il avait diversifié son entreprise avec poésie, réalisant un petit parc d'attraction à sa mesure. Comme si un européen familier des simulateurs de vol spatial en 3D avec plancher vibrant et son dolby surround pouvait s'épanouir à poser sa tête sur le buste mal peint d'un indien de contreplaqué, fut-il avec des abdos comac. Comme si sous son regard triste de cubain bricoleur de parc de loisirs chichois et abandonné, l'européen voudrait s'adonner à une partie de fléchettes sans ailettes aussi volantes que des plombs vers une mauvaise cible.

j'ai tout visité d'un regard circulaire panoramique puis je l'ai à nouveau photographié. C'est celle-là. Là-bas sous la paillote où l'on m'attendait ils avaient entamé le plat national cubain : poulet-riz précédé de quelques fines tranches de concombre et de tomates. le poulet était brûlé et le riz trop sec. J'avais faim mais il n'y eût pas de rab. En le quittant j'avais voulu lui acheter des bananes. Malheureusement je n'avais plus une pièce sur moi. Pas de cul, plus de cuc pour le seul touriste qui était venu te voir, bananero... Alors je lui ai serré la main ce qui ne l'enrichissait que modérément. Sous la paillote, une pena trop bien déguisée en cubains jouait de vieux airs traditionnels. Sur la contrebasse gisait un auto-collant : CGT 93.

Quand le car a redémarré, le type était toujours là, au bord de la petite route, près de sa minuscule charrette que son vélo pouvait tracter. On est passé sans s'arrêter, alors que si chacun de nous avait acheté quelques bananes, ça l'aurait sorti d'affaire pour un moment. A travers la vitre, nos regards se sont croisés, on savait bien qu'on n'était pas du même monde. Il vendait des bananes au bord de la route.

2 commentaires:

Maja Lola a dit…

Et demander au chauffeur de faire une petite halte et proposer à l'équipe de lui acheter quelques bananes ?

Apparemment la CGT des Alpes de Haute Provence a aussi fait son pélerinage ; ça me rappelle les voitures couvertes d'autocollants des villes et pays visités. Sauf qu'ici la contrebasse ne voyage pas ... le "monde" vient à elle !

Elixirman a dit…

J'espère que le bassiste était à jour de sa cotisation à la CGT ?

En réalité CUC c'est l'accronyme de : Cotisation Universelle à la Cgt !
Marc , si tu as demandé un justificatif, tu pourras dans ta prochaine déclaration fiscale signaler ces versements qui te seront ensuite rétirés de tes impots.
...
y'a pas d quoi ! c'est avec plaisir!