L’attente était réelle. Sur les trottoirs à l’entour de l’arène, l’air vibrait d’une rare fébrilité. Les fervents de la petite planète avaient accouru. Les anti-corridas aussi, avec force déluge d’insultes cacophoniques Asesinos ! Mais la joie était de notre côté et j’ai poussé le cynisme jusqu’à me faire photographier dans leurs rangs, poing levé criant aussi haro à l’assassin, celui de la fiesta brava. L’important était ailleurs, les fidèles du messie revenaient communier en bons apôtres du toreo profond. On reconnaissait tous ces visages satellisés par le toro, éternellement retrouvés de place en place sur son orbite. Aujourd’hui, José revenait… Aujourd’hui, il ressuscitait. Il nous avait quittés si brutalement il y a quatre ans, nous condamnant à cette frustration trimballée d’une arène à l’autre, que son retour semblait aussi probable qu’un miracle.
Et puis, il nous est réapparu et les Olé ont claqué : secs, intenses, métalliques, violents. Des ''Olé!'' différents de tout ceux que j’avais entendus. Rageurs, presque vengeurs, éructés de vingt mille gorges à nouveau réjouies et repues de scander fiévreusement les allers-retours de la bête noire, des Olés parfaitement synchrones, comme issus d’une seule bouche impatiente venu reconnaître l'absence dont elle avait souffert, venu dire « Voilà, comme ça ! C’est ça qu’on voulait voir, ça qui nous a manqué ! Torée comme ça, Olé, OLE ! »
Au centre, José impavide, distribuait les naturelles de face. Celles du Cid traînent au sol, langoureuses, roulant les gravillons de sable, les siennes se suspendent d’une obliquité frôlant l’horizontale, aspirantes. La naturelle du Cid est techniquement parfaite, plastiquement superbe, il domine, contrôle, maîtrise ; on admire sans avoir vraiment peur pour lui ; celle de José est liturgique, sacrificielle, émouvante, le don de soi y est total, sans recours possible.
José le prophète, alla chercher l’épée de mort dans un grand silence respectueux dont profita un anti pour surgir d’un vomitoire et lâcher son « Asesinos ! » Un type des andanadas lui répondit quelques minutes plus tard « Viva la fiesta Nacional ! » ce qui déclencha une véritable explosion : l’arène à l’unisson, dans la même milliseconde, lui répondit d’un énorme, d’un formidable VIVA ! dont la déflagration souffla le contestataire hors de l’arène. En bas, José, après avoir été jeté à terre et menacé d’une corne qui lui plaquait le cou dans le sable, avait repris la main et distillait la cadence tragique de passes profondes. L’âme d’où suintait ce toreo hondo nous comblait et il n’y eut guère que le chef d’orchestre à stopper pour qu’il comprenne aussi la beauté grave d'une musique tue. Alors, les Olés implacables ont redoublé, tonnants comme un énorme coup de fouet lâché des gradins, ricochant sur la piste, remontant dans les travées, et dont se gargarisaient des gorges longtemps aphones, heureuses de se libérer à nouveau, encore plus fort. J’ai alors senti ce qui m’avait abandonné, j’ai senti poindre, se propager dans mes avant-bras, puis m’envahir complètement, cette cristallisation de l’émotion que l’on nomme frisson.
Et puis, il nous est réapparu et les Olé ont claqué : secs, intenses, métalliques, violents. Des ''Olé!'' différents de tout ceux que j’avais entendus. Rageurs, presque vengeurs, éructés de vingt mille gorges à nouveau réjouies et repues de scander fiévreusement les allers-retours de la bête noire, des Olés parfaitement synchrones, comme issus d’une seule bouche impatiente venu reconnaître l'absence dont elle avait souffert, venu dire « Voilà, comme ça ! C’est ça qu’on voulait voir, ça qui nous a manqué ! Torée comme ça, Olé, OLE ! »
Au centre, José impavide, distribuait les naturelles de face. Celles du Cid traînent au sol, langoureuses, roulant les gravillons de sable, les siennes se suspendent d’une obliquité frôlant l’horizontale, aspirantes. La naturelle du Cid est techniquement parfaite, plastiquement superbe, il domine, contrôle, maîtrise ; on admire sans avoir vraiment peur pour lui ; celle de José est liturgique, sacrificielle, émouvante, le don de soi y est total, sans recours possible.
José le prophète, alla chercher l’épée de mort dans un grand silence respectueux dont profita un anti pour surgir d’un vomitoire et lâcher son « Asesinos ! » Un type des andanadas lui répondit quelques minutes plus tard « Viva la fiesta Nacional ! » ce qui déclencha une véritable explosion : l’arène à l’unisson, dans la même milliseconde, lui répondit d’un énorme, d’un formidable VIVA ! dont la déflagration souffla le contestataire hors de l’arène. En bas, José, après avoir été jeté à terre et menacé d’une corne qui lui plaquait le cou dans le sable, avait repris la main et distillait la cadence tragique de passes profondes. L’âme d’où suintait ce toreo hondo nous comblait et il n’y eut guère que le chef d’orchestre à stopper pour qu’il comprenne aussi la beauté grave d'une musique tue. Alors, les Olés implacables ont redoublé, tonnants comme un énorme coup de fouet lâché des gradins, ricochant sur la piste, remontant dans les travées, et dont se gargarisaient des gorges longtemps aphones, heureuses de se libérer à nouveau, encore plus fort. J’ai alors senti ce qui m’avait abandonné, j’ai senti poindre, se propager dans mes avant-bras, puis m’envahir complètement, cette cristallisation de l’émotion que l’on nomme frisson.
Le torero de pellizco était revenu.
photo François Bruschet
3 commentaires:
Cher Marc,
Emotion quand tu nous tiens!
Félicitation d'avoir connu l'horripilation voluptueuse. Ce sont des instants rares qu'il faut cueillir et tenter deconserver précieusement comme les coquelicots qui perdent leurs pétales dés qu'on les a coupés.
Sur le fond du sujet, je n'abonde pas complètement dans ton sens, tu t'en doutes.
J'espère que tu ne m'en tiendras pas trop rigueur!
Cher nouveau bloggeur amical : quel sujet ? car là, c'est moi qui le touche, le fond...de l'incompréhension. En tout cas je souscris à l'idée que la tauromachie fuit le consensus mou et qu'il est rare d'être d'accord avec son voisin !
Au sujet de José Tomas pardi!
Voir: http://bregaorthez.blogspot.com/2008/10/il-ny-pas-de-grandeur-o-il-ny-pas-de.html
Cordialement.
Xavier KLEIN
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