lundi 12 avril 2010

Le Divan de Raoul, 2ème séance



Un mois s’est écoulé… Malgré les soins intensifs, me voici encore face à ma psychose taurine et en proie au doute paranoïaque :

- C’est grave docteur ?

- Allongez-vous et dites-moi ce qui vous vient à l’esprit…

- Voilà Docteur, j’ai fait un rêve, c’était dans une plaza , une plaza austère, comme seuls la Castilla Vieja, l’Aragon, le pays Basque et Alès (Gard) savent en bâtir. De ces plazas aux murs d’appareil cyclopéen dont le porche d’entrée semble avoir été dessiné par Vauban et dont les déambulatoires ressemblent à des couloirs de prison. Les spectateurs avaient des visages uniformément fermés sans l’ébauche d’un sourire comme si on avait cloné trois mille fois, la gueule du père Deibler (*1). Le président est arrivé, petit, ventripotent, avec son calot à pompon, il me rappelait quelqu'un mais la mémoire me fait défaut (*2). Sa garde rapprochée me semblait par contre « bien méritante » .
Les trompes ont résonné, le paseo s’est ébranlé, bizarre le paseo ! Les alguazils en moto, les picadors en tracteur, et l’arrastre en camion benne de chez Nicolin (*3). Seule la cuadrilla à pied était en traje de luce ; mon voisin me souffla :

- Ce sont les conservateurs qui l’ont imposé…

- Comment ça ?

- Ah, vous ne savez pas ? On a modernisé le règlement depuis Janvier 2015… il fallait dépoussiérer tout çà, réduire tout ce folklore, on leur a laissé le costume, mais à la prochaine révision en 2018… Avouez que le Jean serait bien plus commode.

- Et les types avec les sifflets ?

- Ce sont les arbitres, ils remplacent les assesseurs, ils sont là pour sanctionner les dépassements de ligne ; on peut suspendre un piquero pour plusieurs corridas en cas de récidive, il y en avait assez de ces espagnolades ! Ce qu’on veut nous, c’est des couilles sur le sable ! Et des cornes à faire pâlir d’envie les cocus.

Je risquai un timide :

- Et l’art dans tout ça ?

La riposte fut terrible :

- Les arènes c’est pas pour les gonzesses ! S’ils veulent de la musique et des danseuses z’ont qu’à aller à l’opéra d’Avignon, (*4) on y joue le lac des cygnes !

J’arrêtai là, la polémique, comme dirait mon ami Victor (*5)

Un nouveau coup de trompe, voici le fauve, impressionnant, je remonte de trois rangs dans les gradins, six cents kilos et plus, de muscles totalement construits en « Toutaliment massif » et une armure à rendre jaloux un cerf, les arbitres ont sauté dans les « bourladeros » et les deux tracteurs ont failli couler une bielle !
Les trois piques réglementaires ont été dispensées, l’une s’est même soldée par un pneu crevé malgré le caparaçon du tracteur, dans la poussée on pouvait lire sur le muscle tendu l’estampille « N.F » qui rassura mon voisin :

- L’an prochain on les exigera Bio me dit-il

La faena, après le brindis conventionnel, se déroula suivant la norme de qualité ISO 15958, comme me le précisa mon voisin. Il s’agit de six derechazos, six naturelles, trois pechos et éventuellement une ou deux molinetes avant l’entrée à matar. A l’analyse des résultats, l’ordinateur de la présidence accorda une oreille et la vuelta s’effectua dans l’indifférence générale.

Ici je me suis réveillé tout moite, en sueur et je ne sais pourquoi, moi qui ne vais jamais au stade, m’est venue l’idée de prendre une carte de supporter de l’O.M… C’est grave Docteur ?

- Disons que c’est sérieux… Cette répulsion semble s’apparenter à une tendance paranoïaque quelque peu hallucinatoire, doublée d’un refus systématique de céder à l’idéologie dominante, vous avez raison devenez supporter, mais vous allez en chier !

Raul




(*1) Grande famille Française spécialisée dans le raccourci historique
(*2) Encore l’Allemand !
(*3) Notable Montpelliérain spécialisé dans la poubelle et la Bouvine
(*4) Ville sans intérêt taurin…ni lyrique d’ailleurs !
(*5) Il s’agit de Paul Emique Victor, bien sûr !

7 commentaires:

Maja Lola a dit…

A nouveau notre Raoul !
Moment d'humour total. On dirait une B.D. tant l'évocation visuelle est présente.
Symbolimse freudien oblige : quel amalgame en vrac de tous les lobbies qui nous imprègnent et nous empoisonnent la vie au quotidien.
Mais on ne touche pas au sacré !
Querido Raoul ... eso es y sera una pesadilla.
Maja Lola

Marc Delon a dit…

je commence à me demander si je ne me suis pas tiré une balle dans le pied... si je ne me suis pas auto-infiltré une taupe torerista dans ce blog de sensibilité torista... l'ami Raul semble considérer que l'aficionado est d'autant plus à cheval sur le règlement qu'il n'a pas la sensibilité capable de discerner "l'art profond"...
c'est qu'il y a un préalable, ami raoul... devant une chèvre, pas d'art qui tienne ! Plutôt de l'imposture !
Et il y a tellement d'art déployé par les marchands pour nous faire prendre les lanternes rouge pour des étoiles...

el chulo a dit…

terrible constat, amigo.

soit définintivement nous sommes de vieux cons, soit la desespérance est réelle, la vulgarité pregnante.

sur la première partie, je n'objecterai même pas qu'il y a des bien jeunes aussi bien vieux cons que bien des vieux cons ou pas, ce qui ferait vieux con, et il faut rester "djeune" au moins pour les choses qui n'en valent pas la peine.

pour le reste, où il conviendrait de ne pas se comporter en ados ou sacs ados sexagenaires, ceux qu'on porte sur le dos, qui a bon dos, de l'ado qu'on fut, qui jamais au grand jamais ne fut de canon, le fut, bref, restons à l'affut du futur.

ce futur, tache noire qui s'étend, comme en sologne, et nous susurre à l'oreille qu'il est temps de passer la main.

heureusement, gina nous dit qu'il est doux d'aimer, et maja forcément plus dubitative, d'après de que j'ai compris, pense que c'est lorsque la lumière traverse les nuages sombres qu'elle est la plus belle.

Maja Lola a dit…

Touché, El Chulo.
Dubitative en effet mais optimiste dans l'âme.
Dénoncer le moche, le destructeur, le bas mercantilisme ... s'il ne s'agit que d'un constat, on reste dans une résignation qui va "a mas"
Il faut être un puriste total comme Marc (et vous-même certainement) pour sentir l'affront fait à cet "art profond".
Plus modestement, car plus néophyte, je garde mon optimisme (non pas béat) mais qui me laisse espérer que si l'avenir toriste est compromis, des Marc, des El Chulo et d'autres, seront là pour crier leur désapprobation et dénicher l'imposture. C'est rassurant non ?

el chulo a dit…

gina boude?

bientot beigbeder chere gina!

en tous cas, surement le pregonero.

ça va voler haut!

Anonyme a dit…

El Chulo, Non.

Je me sens tout insignifiante devant les scientifiques.

Gina

el chulo a dit…

lesquels?