dimanche 19 avril 2009

FORT ALAMO, TRES FORT...


Arles est décidemment maudite qui est venue se placer juste sous un nuage à l'heure du paseo pour que les muletas s'ébrouent sous une pluie fine. Ces novillos de Margé pour Roman Perez, Marco Leal et Juan del Alamo ont eu tout l'allant qu'on attendait d'eux, suffisamment pour animer la course. Pas toujours avec style ni abnégation, sortant parfois seuls du peto, ils totalisèrent quand même un nombre de piques (et non picotazos) largement supérieur à la majorité des corridas -cherchez l'erreur- Cette course qui a un temps tourné au concours de Porta Gayola dont on sait bien qu'elles ne toréent pas mais viennent affirmer un postulat de base : "jo soy torero", cri primal d'abord revendiqué par Roman Perez obligeant alors les autres à étaler -et à s'étaler- au tapis "pour voir", tout mettre à plat et égaliser, supprimer l'avantage de l'autre dans ce jeu de poker menteur. Un peu puéril bien que l'enthousiasme ne soit pas critiquable -il est si souvent absent- trois porta gayola de file, une bonne occasion pour le photographe en tout cas et un réchauffement pour le spectateur. Si deux d'entre eux ne furent traversés que par la peur et le doute, le troisième le fut par le novillo, sans trop de mal apparent toutefois, mais je parierais volontiers pour l'expression de douleurs dominicales...
L'impression générale que je retiens de cette course est que Roman Perez et Marco Leal ont certes des qualités. Elles peuvent se lister, nombreuses et détaillées, mais, celui qui a mon sens a "La" qualité pour devenir torero, c'est Juan del Alamo. Leal le vérifia et la comparaison dut parfois être cruelle en son jardin, quand là où ses séries appliquées ne récoltaient que le silence, au mieux la tiédeur d'applaudissements épars, un murmure d'admiration spontanée colorait toutes les attitudes inspirées, pleines de toreria, du jeune Juan del Alamo dans les veines duquel coulait la lenteur reposée de la transe tauromachique. Il avait déjà dessiné une demi-véronique d'anthologie sur le novillo de Perez qui avait alerté l'amphithéâtre, puis quand il reçut son premier de très loin, hiératique, la muleta en arrière du plan de son corps, soudain traversé par le train et qu'il attendit le retour de ce train qui pouvait le couper en deux, de très loin encore, sans bouger d'un millimètre, dos tourné, sans un regard vers lui pour le templer enfin a gusto, l'on sut qu'il y avait peut-être un torero en devenir. Le sixième novillo, son deuxième opposant, compliqué et retors, s'il l'empêcha de réitérer l'art de la première faena, fut une très bonne occurrence pour juger des possibilités de ce garçon qui se battit alors crânement, sans rien lâcher devant un fauve qui l'obligea à muer la muleta inspirée en bouclier martial sans jamais renoncer et démériter . Un émouvant combat sans oreilles qui valait dix triomphes de pacotille. Bravo, à revoir vite, car de tous ses gestes, transpirait un suc peu commun, parfois débattu mais jamais vraiment expliqué, le plus souvent décrit sous le terme générique de "planta torera". Il nous a régalés, nous, spectateurs et jusqu'à son toro si bien adoubé et conduit qu'il semblait en tirer comme le montre cette photo, une langue avide pour lécher sa muleta de miel. Pour son premier, deux trophées, slurp et miam, et sortie a hombros.

Aucun commentaire: