vendredi 14 mai 2010

CHRONIQUE





Il y a quelques années Alain Montcouquiol avait publié quelques chroniques à la demande du Midi-Libre. J'ai retrouvé deux de ces coupures de presse en rangeant - un peu - mon bureau... Voici donc la première puisque vous insistez.

SOLEIL

La première fois que je voltigeais sur les cornes d'un toro emboulé, je devais avoir quatorze ans, ce fut lors d'un spectacle nocturne dans les arènes de Nimes : le toro-piscine. On installait au milieu de la piste un carré de ballots de paille recouvert d'une bâche imperméable, fixé par des cordes. Le tout était rempli d'eau où nageaient des anguilles. Pour les gamins que nous étions, un des jeux consistait à se faire poursuivre par le toro et à pénétrer avec lui dans la piscine. Celui qui y parvenait gagnait cinq francs. Tout au long de la soirée, les jeunes amateurs tentaient aussi d'attraper une anguille et de la porter jusqu'à la présidence, pour la déposer dans un seau d'eau, avant d'encaisser une prime. C'était un jeu machiavélique cat la pêche à l'anguille est si exaltante, qu'elle distrait considérablement, même en présence d'un toro. C'est très exactement ce qui m'arriva. J'étais sorti ruisselant de l'eau boueuse, serrant fièrement mon anguille dans la main, et je m'apprétais à couriren direction de la présidence...

Un rapide coup d'oeil pour voir où était le toro avant de m'élancer, et je me sentis projeté vers le ciel et les projecteurs. Je retombais lourdement sur le sable où l'animal me martela de coups de cornes, me piétina longuement. Je finis par me relever, sous les rires du public et de l'homme au micro:

- Allez, petit, viens, tu l'as perdu ton anguille mais on va te donner dix balles pour t'acheter une brosse.

J'étais trempé, recouvert de sable et j'avais mal partout. J'allais m'asseoir sur les gradins où je fus pendant quelques secondes la vedette.

- Eh bien, tu as fait un beau soleil !

Puis on m'oublia. A la fin du spectacle, grelottant, ankylosé, j'avais vraiment du mal à me lever. Je voyais l'arène rapidement se vider et j'avais honte de demander de l'aide. Craignant qu'on ne ferme les portes, je redoublais d'efforts et je rentrais péniblement à l'hôtel du Château qui n'avait de luxueux que son nom. Nous y vivions alors, à quatre dans une même chambre, ma mère, ma soeur Danièle, Christian et moi. Il ne me restait plus qu'à monter en boitant les trois étages, me déshabiller silencieusement dans le noir et me glisser dans le lit. Je repensais alors à mon envol vers les projecteurs et je m'endormis d'un seul coup, complètement heureux.

11 commentaires:

el chulo a dit…

merci pour ce texte de ce très estimable alain montcouquiol.

ceci sort des bondieuseries, caca bouda de et tu porteras mon deuil!

"je repensais alors à mon envol vers les projecteurs et je m'endormis d'un seul coup, complètement heureux".

j'aime!

el chulo a dit…

laissons donc aux pauvres, leur dignité suprème de pauvres survivants, c'est à dire qu'ils survivent "malgré tout", ce qui est une caractéristique de la race humanoide, comme des limaces et des scorpions..
laissons aux riches leur outrecuidance et leurs justifications morales "dégoulinantes" .
et leurs bontés putrides, le marché de "reconstruction " de haiti bat son plein, me cago!!!
et haiti continuera à mourir gentiment.
ni castella ni casas n'y auront rien pu!
merde pourtant nous sommes dans le summum de la dignité.

Marc Delon a dit…

je trouve que réside en filigranes de ce petit texte apparemment gentillet, toute la misère et la grandeur de la tauromachie...

el chulo a dit…

oui, marc, pardon pour mes outrances habituelles!
mais bon, certaines extrapolations philosophico, esthetico, intellectualo, me cassent les couillos machinos parisiano intello de provincios, amigo de la verdera fiesta machino qui fait faire plus de 70 pour cent du chiffre de l'année sur la feria.
revenons aux fondamentaux!

Maja Lola a dit…

Donc, El Chulo, vous n'attribuez aux pauvres que leur dignité suprême et aux riches (qu'est un riche ?) leur outricuidance et justifications morales dégoulinantes ?
C'est bien manichéen tout ça, à la limite de la caricature. Trop facile d'asséner ce genre d'affirmations.
Oui, des quidams généreux (ou "riches" selon vous) sont capables de générosité désintéressée : doit-on les stigmatiser et les qualifier de riches dégoulinants ?
Le marché de la reconstruction comme vous l'appelez bat bien son plein et, lundi soir, dans un hôtel Nîmois connu, une soirée était organisée avec la participation de Smaïn. Quoique déçue par le peu de participation dans la salle, la présence d'une directrice d'orphelinat courageuse, digne et pleine de joie de vivre a illuminé cette soirée et fait regretter que plus d'acteurs locaux de la vie nîmoise ne daignent se déplacer en plus grand nombre ... mais peut-être ont-ils craint de passer pour de "riches outrecuidants nantis" ?
Maja Lola

Anonyme a dit…

Vision manichéenne et surtout commentaires aux fonds linéaires et redondants de chulo laissés d'un blog à l'autre entre sud-est et sud-ouest. La critique systématique de tout ce qui gravite autour du système taurin n'est jamais constructive.
Lionel

el chulo a dit…

je pensais avoir laissé un texte qui "justifiait", ma position sur le charity business et les relations aux pays "sous développés" ou en voie de développement.
quant au "système" taurin, par définition il mèrite une analyse systématique non?

el chulo a dit…

Pour en revenir à un sujet, qui, au fond, me tient bien plus à coeur que la déclinaison actuelle de la corrida, via le bien nommé « système taurin », et regrettant que ma réponse à l'accusation de « manichéisme » de maja lola, n'ait pas été publiée, je re-précise ma pensée trop systématique pour certains.

Le tsunami avait déjà grandement démontré que si la collecte d'argent est évidemment nécessaire, cet argent était la chose la plus facile à réunir en réponse à un choc émotionnel, largement et légitimement relayé par les médias. On peut seulement s'interroger aussi sur le point de savoir si les medias relaient de la même façon tous les drames, moins gratifiants pour nos sensibilités de nantis, y compris des peuples qu'on laisse à l'abandon ou que tout simplement, on exploite, pour de simples considérations d'intérêts bien compris. De plus, concernant ces actions humanitaires, on sait fort bien que la difficulté est de s'inscrire dans la durée utile pour les peuples, après précisément le choc émotionnel, ou que ce choc ait été « consommé ».

Je connais un peu la situation de Haiti, via des amis adoptants. Il me semble que le principal problème, une fois l'argent réuni, ce qui théoriquement, est fait, est d'en connaître avec précision l'utilisation. Pour les pays donateurs, à travers des entreprises, le problème pourrait bien être un problème de leadership pour l'attribution des marchés de reconstruction. Pour Haiti, le problème pourrait bien être le manque de transparence lié à une corruption instituée en normalité ou « système ».

Pour autant, faut t'-il ne rien faire? Bien sûr que non, sous réserve évidemment d'avoir une visibilité suffisante.

Je connais bien mieux la situation de Madagascar, qui se situe dans les 12 pays les plus pauvres du monde. Ce pays est potentiellement riche, (pétrole, minerais, pierres précieuses, agriculture, bio diversité etc) en tous cas de quoi très largement lui assurer une auto suffisance. Or, c'est loin d'être le cas, alors que la plupart des grands pays charitables y sont présents, plus ou moins visiblement: France, USA, Russie, Chine, Corée, Canada et j'en passe.

Ici le peuple crève de faim, alors que prospère une élite politique corrompue, soutenue par les divers gouvernements étrangers qui s'arrachent leur influence.

Rien n'est plus émouvant que le spectacle de ces orphelinats, et d'une façon générale les responsables sont rompus aux exercices de « public relation ».

Ici aussi, après ratification de la Convention de la Haye, l'adoption devrait se moraliser, au moins peut t'-on l’espérer et n'être plus, comme ce l'était parfois, un négoce. Par parenthèse, Haiti n'a pas ratifié cette Convention de la Haye.

Faut t'-il pour autant ne pas adopter, bien sûr que non, mais bien évidemment une grande lucidité est de mise. Toutes les ONG vous diront combien, si on veut rendre compte de l'utilisation nominale des fonds recueillis, il est essentiel de s'entourer d'un maximum de garanties juridiques, comptables, ce qui est souvent non pas impossible, mais plus que difficile et peut même décourager certaines bonnes volontés, lorsque précisément, la corruption est érigée en « système ».

Je pense enfin, que Castella et d'autres toreros avaient tout à fait la possibilité de faire des dons de façon anonyme pour satisfaire leur légitime émotion. Mais peut être certains l'ont t-ils fait.

On est bien loin du manichéisme. C'est simplement de la lucidité, qui d'ailleurs n'exclut nullement un engagement personnel.

Maja Lola a dit…

Merci d'avoir développé et précisé votre pensée car le style de votre premier message par lequel vous assénez vos "outrances habituelles" (sic) m'a effectivement semblé bien caricatural et réducteur. Votre développement qui suit aborde de façon plus explicite le fond du problème.
Vous avez raison d'insister sur le bon usage de cette générosité et sur la nécessité de traiter en amont le terrain, et de la corruption, et de la gangrène qui taraude ces pays. De prendre en considération le mode de redistribution qui est loin d'être transparent souvent. De réaliser que certains pays où règne la faim disposent de ressources naturelles inestimables qui sont exploitées au profit de multinationales sans états d'âme.
Constat cruel et révoltant certes.
Mais, que suggérez-vous ? Un interventionnisme occidental (si tant est que l'occident pèse encore grand chose dans ce bouleversement mondial que nous vivons) ?
Les intérêts politiques et économiques sont forcément étroitement liés et, vous avez raison de dénoncer ces dérives. Mais, malheureusement, le politique ne peut pas toujours agir sans être accusé d'ingérence dans la souveraineté des pays, voire d'impérialisme. Pour autant, en sachant les compromissions induites par ce jeu d'équilibres fragiles, nul ne peut rester indifférent devant la détresse humaine des plus démunis. Vous le reconnaissez de toute évidence.
Alors, essayons de composer au mieux, en espérant user des réseaux les plus solides, les moins corrompus, les plus fiables et, je vous l'avoue, si en donnant 10 euros je sais qu'au moins 5 euros arriveront à destination, j'estimerai que c'est déjà beaucoup. Mon optimisme béat ?
Maja Lola

Marc Delon a dit…

Je verrai bien une expé géopolitique à Mada conduite par chulo-le-gascar en chef de pirogue, avec à la barre Maja Lola et au mitan Gina, machette en main, s'extasiant sur la diversité du biotope en citant claude Allègre au lieu d'abattre de la diagonale du sabre les gaules encombrantes.
Si vous nécessitez un iconoclaste iconographe...

el chulo a dit…

tu as remarqué que je n'ai pas relevé la "diagonale du sabre" de gina, abattant "les gaules enconbrantes"!
mais bon l'envie était trop grande, elle aussi!