lundi 24 mai 2010

Mister Javier Conde
















Histoire de Cul
La veille de cette course, ma voisine, une jolie blonde aux cheveux courts, trente ans environ, pousse soudain un petit cri alors que dans le ruedo rien ne le justifie.
- Là...! N'est-ce pas Javier qui vient d'investir le callejon ? La veste rose pâle... Regardez, avec votre gros zoom s'il vous plait. Maman, passe-moi les jumelles viiiite, je crois que c'est lui....!!!!
- euh... chai pas, ouais, peut-être... pourquoi ?
- Oui, oui, ouiiiiii, c'est luiiiiii... maman, il est làaaa... il est bôôôooo...
- Vous dansez le flamenco ? Parce que lui c'est ce qu'il aime, hein... mais beau... peut-être...
- Rooooh...siiii... le sexe à piles (avé l'assent) qu'il a...

Javier-le-vibro vient donc en effet de stimuler le callejon de sa présence. Chemise blanche, veste rose pâle, pochette aubergine. Barrera, Jimenez et Pinar le torero Kiravi, n'existent plus. Une pointe d'agacement jaloux me titille imperceptiblement. J'étais bien, jusque là, entouré par mes deux charmantes voisines qui faisaient grand cas de ma discussion jusqu'à l'entrée du bellâtre flamenquiste dont l'effet immédiat a été de me coller l'étiquette d'homme invisible. Alors je me suis vengé en vantant les qualités féminines d'Estrella Morente, sa femme. Sa grâce, sa sensualité. Comme prévu, ça les a tout de suite assombries : je suis machiavélique.
Pendant ce temps au fond du ruedo, Pinar a selon moi, encore du grain à moudre avant de vendanger le moindre trophée bien que - rassurez-vous - je ne compte pas filer la métaphore viticole plus longtemps. Il en bave, pour arriver à lier la moindre série ! Un sitio aléatoire, des pas chassés permanents, un temple défectueux mais il s'accroche, bien vulgairement parfois, et, surprise, de ce tremendisme forcé par manque de dominio, non seulement le public ne lui en tient pas rigueur mais il lui fait bruyamment savoir qu'il adhère, par solidarité devant la difficulté. Car si ma voisine ferait bien de Javier son amant, la foule semble adopter ce torero de vingt ans comme l'enfant qu'elle aurait pu avoir. Ce type a du cul, dans les mêmes circonstances j'en ai entendu d'autres être sifflés... Le pire étant peut-être de faire sortir à hombros un mayoral dont les toros furent très très peu piqués...

Mais ici et maintenant, les noirs Jean-Pierre qui se succèdent mollement, n'ont pas l'allant de leurs frères madrilènes : pas fou le ganadero... Je suis ce jour-là, assez loin de cette voisine de la veille qui était vêtue d'un jean et d'un tee-shirt blanc et chaussée de Converse. Je la braque de mon braquemard photographique, érection maximum, 300mm : Elle est juchée sur des escarpins au laçage noir délicat et s'est vêtue d'une jolie petite robe noire décolletée. Dans ses mains, un bouquet de fleurs rouges... (Qu'elle ne se méprenne pas si elle vient ici faire un tour, mon ton est caustique et ma version aléatoire, mais elle m'était très sympathique !)
A force de tenter des couillonnades non répertoriées dans le Cossio, son fiancé fantasmatique - qui a peut-être une haleine de fennec a potron-minet, allez savoir - el guapo Javier, s'est pris les tibias dans l'encornure modeste du gros vilain Jean-Pierre pourtant pas très apte à contrarier l'art flamenco-entourloupiste du brun ténébreux. Déja que ses épées s'abattaient avec la force d'un elfe voulant transpercer une barbe à papa, on craint maintenant l'abandon par jet de chaquetilla haute couture. Bon, moi je suis content, j'ai réussi - je suis mesquin quand même ! - à faire une photo où même les femmes vont le trouver laid. Si. La première, là-haut, retournez voir (clic). Alors..., hein ? Une grenouille coassante. Oh ça va, c'est pour rire que je vous le chahute votre Hidalgo des ruedos, blondinettes !
Mais s'il est son premier ennemi, il en a ce jour un autre, redoutable, en la personne de Morante. Car El de la puebla, lui, n'a aucun besoin d'être outrancier pour qu'à son interprétation s'accole l'adjectif "artistique". C'est un enrobeur de génie, le toro est sa cacahuète et sa cape son caramel, le geste est rond, englobant, circulaire comme la trajectoire qu'il impose aux noirs devenus ses chouchous à croquer encore tièdes (les deux paquets 2 euros). Après son sitting Napoleon III, il a dû subir les commentaires de la presse. Du jeu de mots à deux balles - Morante dans un fauteuil - au calembour mortifère - Le père La Chaise - en passant par l'aphorisme facile - Le Sévillan assoit sa maestria - rien ne lui aura été épargné dans la Marseillaise où l'on a même vu une référence aux contes de Perrault, là où tout le monde avait pensé à la peinture de Goya, bien sûr. Ailleurs, on nous explique que le maestro avait prémédité son coup, au cas où l'on aurait cru qu'en allant pisser, Morante aurait eu l'outrecuidante inspiration de déloger l'auguste séant de dame pipi pour récupérer sa cadière. Pour la photo, je suis bien content d'avoir cette archive ; pour le toreo, rien n'est moins intéressant que de donner une passe assis sur une chaise, fût-elle Napoleon III, si ce n'est pour la référence à l'héritage de l'Histoire de la Tauromaquia : moins alluré que debout, moins spectaculaire qu'à genoux, le toreo assis est une curiosité vite assouvie. Et l'idée de ne pouvoir fuir aussi vite que debout si besoin, très altérée par les "performances" des cornus du jour. Cela aura eu au moins une vertu : mettre les aficionados sur le cul, que ce détail nourrisse plus abondamment les colonnes que l'évidence du jour, l'indigne faiblesse de ce lot. Que Javier Conde augmente l'hygrométrie des petites culottes est compréhensible, que Morante soit un grand torero une évidence, que son clin d'oeil fessier soit sympathique, aussi. Cependant, oublier la faillite ganadera, oublier que tout se serait grandi par une opposition au moins acceptable pour éviter à cette histoire de virer à l'enculette, serait coupable. La chute est commune à toutes les histoires de cul : l'octroi de la queue. Ou de la palme, à Weerasethakul. Pour en savoir plus sur la sodomie, demander à Natyot candidate du Prix Hemingway, qu'elle vous fasse lire sa nouvelle "Juan Vita"...
Pauvre Jean-Pierre, eunuque vivant, anoure mort...







9 commentaires:

el chulo a dit…

merde alors, quel torerazo!

scusez, je vais vomir!

Marc Delon a dit…

m'enfin chulo, tu n'es pas une jeune femme toi... tu ne peux pas juger...

Sinon, ouais je sais... moi aussi j'en fais des jeux de mots à deux balles (lucky luque...) meuh je ne suis pas la presse, moi, je délire juste dans mon blog perso...

Au fait, maintenant qu'Antoine Martin a fait la preuve qu'il pouvait être aussi un éditorialiste distingué, si Le Monde ne l'embauche pas et qu'il se sente frustré de ne pouvoir continuer, ces pages lui sont grAAAAndes ouvertes si un jour ça le démangeait...

el chulo a dit…

je pense en effet qu'antoine martin a une bien belle plume!

Anonyme a dit…

Merci Marc. Je dis pas non (mais attention, ça coûte la peau des couilles de Bill Gates).
AM

Marc Delon a dit…

Je commence déjà à recevoir des fonds depuis que la porte à cette éventualité s'est entrouverte !
Tu as vu je t'ai pompé, je parle de ma voisine de tendido aussi...

Anonyme a dit…

Mais non, les voisines, c'est dans le domaine public
AM

Maja Lola a dit…

Pas vue, cette corrida. Mais bien "vécue" via le texte Delonnien, même si les chaleurs, émois et pâmoisons de la gente féminine titillent et irritent notre narrateur au point de le faire assassiner avec machiavélisme l'objet des convoitises. Je rejoins ô combien Marc quant à la grâce et au talent de la merveilleuse Estrella, digne fille de son père Enrique. C'est LA CANTAORA dans toute sa splendeur, étoile qui peut rendre pâlichon son hidalgo de mari habillé "EL Corte Inglés" (non, je plaisante). N'en déplaise à nos sympathiques pâmées. Qui n'a pas écouté "Mi cante y poema", "Mujeres" ou encore "Volver" dans le film éponyme d'Almodovar (où elle prête sa voix à P. Cruz) ne peut pas savoir de qui nous parlons.
Rêvons une peu d'une programmation d'Estrella au Festival de Flamenco nîmois. Avis à M. BELLITO !
Mais cette étoile est-elle à notre portée ? C'est moins sûr ...

Marc Delon a dit…

Ah parce que Maja Lola fréquente aussi le festival flamenco ?

Maja Lola a dit…

Claro que si ! Y con gusto y placer.
C'est d'ailleurs en allant chercher une info sur le dernier que je suis "tombée" par hasard sur ce blog.