lundi 3 mai 2010

Les Impressions d' Esteban



Esteban Salido comme son patronyme l'indique est un latin. Un aficionado délocalisé en Belgique pour raisons professionnelles ou peut-être, allez savoir, amoureuses... Ce qui ne nous regarde pas... Tout ça pour dire que de la volonté séparatiste Belge Esteban n'a rien à faire. Il ne se sent ni flamand ni wallon, Espagnol qu'il est... alors il est allé faire un tour vers le Sud, cap 180°, et nous livre ses impressions. Je les ai trouvées intéressantes et lui ai demandé s'il me permettait une intox du style : "et d'Esteban Salido notre envoyé spécial à Séville, un résumé des courses de là-bas..." Je trouve ça très chic et vu que plus on m'en donne plus j'en veux, s'il voulait à l'avenir nous donner la primeur de ses impressions, nous en serions très contents, hein les gars ?

Avril, sa Feria de Séville, le petit prince, l’enfant adoptif et le gitan de Camas.


Le rideau s’est baissé sur la Maestranza et l’heure est au bilan.

Pour l’anecdote, les tendidos du soleil sont toujours aussi vides la première semaine de Feria, le public y semble chaque fois plus noble à l’image des toros d’aujourd’hui.. Les toros sont moins tombés mais ils n’ont pas eu plus de caste, ni plus de présentation. Mais enfin, Séville a des cabestros dignes de son rang et une bâche pour recouvrir le ruedo les jours de pluie.

Le grand vainqueur du serial d’avril est Julian Lopez « EL JULI », 4 toros et cinq oreilles - on compte comme ça aujourd’hui - et première Porte du Prince pour l’éternel petit prince de Madrid, après onze ans d’alternative. Technique, propreté et rythme, Juli a tout compris du grand public d’aujourd’hui. Et s’il tombe sur un toro qui galope dans sa muleta, c’est le pactole pour le Madrilène. Mais où est le sitio, où est cette muleta offerte planchada, où sont les reins et le poignet, où sont les sentiments ? Ici on torée avec le pico à un mètre du toro qu’on envoie de burladero a burladero, on se plie comme un arbre qui va rompre sous une rafale de vent, on écarte les jambes à en faire presque le grand écart, comment peut on "cargar la suerte" de cette manière, pour terminer par un Julipie indigne de l’éthique torera, qui de plus remporte le prix de la meilleure estocada de la feria ; ainsi va notre monde taurin chaque fois moins regardant quant aux canons de la tauromachie. Juli est un grand professionnel, il connaît toutes les notes de la tauromachie, dommage qu’il se contente de tricher avec le grand public.

L’autre grand vainqueur d’après nos médias soudoyés, est l’enfant adoptif et hyper gâté de Séville, je vous présente José Mari Manzanares, le bel esthète - 6 toros et 4 oreilles ou 3 enfin je ne compte pas, comme aurait pu chanter notre Jacques Brel -. Oui, c'est esthétique et on dirait qu’il y a des sentiments. Quelques muletazos dignes des anciens beaux cartels qui coloraient les rues de l’Espagne d’antan. Mais toujours ce boulevard entre l’animal et lui, du pico et encore du pico, aucune série de naturelles, aucune profondeur, aucun pouvoir sur le toro, pas de muletazos main basse, il se contente d’accompagner les charges. Mais il est tellement beau José Mari. Séville lui offrait sa porte du Prince, ses femmes et certains de ses hommes, mais José Mari ne tua pas ou mal, et les Portes se fermèrent pour s’ouvrir une prochaine fois sans doute quand tu tueras et peu importe que tu ne torées pas à gauche et que tu ne descendes pas la main et... et... et …
Ne t’en fais pas José Mari, Séville est fidèle et si noble.

Comme disait Ernest Hemingway en 1932 :

« Ce dont a besoin la fiesta aujourd’hui, c’est d’un torero complet qui soit à la fois artiste, pour la sauver des techniciens, des toreros qui ne savent faire qu’une chose, même s’ils la font très bien, mais qui pour ce faire ont besoin d’un toro spécifique, fabriqué presque sur mesure pour pouvoir démontrer la grandeur de leur technique, ou parfois, pour démontrer simplement qu’ils ont aussi un peu d’art. Ce dont a besoin l’aficion c’est d’un Dieu qui balaye ces demi-dieux, mais pour attendre ce Messie il faut beaucoup de patience et sur le chemin se trouve beaucoup d’imposteurs. On ne mentionne pas dans la bible le nombre de faux messies qui foulèrent la terre avant notre Seigneur, mais en examinant l’histoire de la tauromachie des dix (aujourd’hui cent) dernières années ça nous donnerait un chiffre intéressant.
Pour cette raison, parce que ça vous arrivera de voir certains de ces faux messies dans le ruedo, il est important que vous soyez bien informé de tout ceci. Parce que vous ne pouvez pas savoir si vous avez vu une corrida ou pas, tant que vous ne savez pas si les toros étaient réellement des toros et les toreros de vrais toreros ».

Mais la Feria 2010 restera la Feria d’Oliva Soto.
Il existe un petit village de Séville qui s’appelle Camas, où sont nés un pharaon et un savant, Curro et Paco, Curro Romero et Paco Camino, El Faraon de Camas et El Sabio de Camas. Un artiste et un vrai technicien. Camas, terre de gitans, est aussi le village du malheureux banderillero gipsy Ramon Soto Vargas, mort dans l’arène de Séville le 13 septembre 1992, encorné par un novillo du Conde de la Maza, quelques mois après Manolo Montoliu qui tomba mort dans le même ruedo durant la feria de la même année. Son neveu Oliva Soto comme pour conjurer le sort s’annonçait à Séville avec une corrida du Conde de la Maza, 18 ans après. Le petit gitan de Camas arriva sans faire de bruit et s’en alla sous les ovations du public sévillan qui sans aucun doute l’aurait sorti par la Porte du Prince, si la main n’avait pas failli à l’heure de tuer, sous la pression de l’exploit si proche dans l’arène qui porte le sang de sa famille. Son premier fut une « saloperie », toro plein de genio, Alfonso lui fit face plein de courage et de toreria, arrachant les passes sans perdre le sitio et malgré un pinchazo, une oreille tomba. Mais le meilleur restait à venir. « Limpidado » du Conde de la Maza sortit en cinquième, la première série à la muleta leva littéralement la Maestranza, l’animal brave et encasté venait de loin, le torero lui présenta la muleta, le toro y plongea et s’en suivirent quatre énormes derechazos, Alfonso toréa avec son poignet et ses reins, un trincherazo et un pase de pecho firent exploser l’arène, la seconde série perdit en intensité toreo pa fuera et Oliva Soto à distance du toro, mais la troisième série fit remonter la faena, le torero passa la muleta à gauche et la série de naturelles fut un combat qu’Oliva Soto remporta faisant peser le pouvoir de sa muleta sur l’animal, une dernière bonne série à droite lui ouvrait grande les Portes du Paradis, malheureusement un désastre à l’épée ruina tout espoir de triomphe. Sans aucun doute, si cette faena avait été effectué par une de nos figuras, le monde de l’aficion parlerait d’une faena pour l’histoire mais ce n’était qu’un petit gitan de Camas… Ce sont ces histoires qui font aussi que la Corrida est un art unique qui en douze minutes peut transformer la vie d’un homme.

Malheur aux vaincus.
Luque, Perera, El Cid, les trois matadors n’ont pu convaincre en trois après-midi de la douce Séville. Madrid sera leur examen de passage, en cas d’échec, ils tomberont dans les oubliettes des empresas. Luque, et son manque d’humilité, pourra retourner sur les bancs de l’école du savoir-vivre, gros pétard à Madrid et fiasco à Séville, de quoi revoir ses honoraires à la baisse, et descendre quelques marches de son piédestal. Perera est un diesel et ses saisons commencent souvent lors de la San Isidro, espérons que ce soit le cas cette fois encore. Plus inquiétant El Cid, le torero qui a construit sa carrière pierre par pierre dans les corridas dures de Madrid et de sa Sierra, est depuis deux saisons sans sitio et sans idée, on le dit miné par des ennuis personnels, mais cela ne nous regarde pas… ; qu’il prenne un congé sabbatique et revienne quand il aura récupéré mentalement car sa main gauche nous manque ; et il manque cruellement à Victorino dont la corrida fut un nouveau petit désastre, certains diront qu’elle a été mal lidiée, d’autres qu’elle a manqué de fond et de race. Ce qui est sûr, c’est que El Cid dans d’autres conditions « psychiques » aurait certainement fait sonner la banda de Séville. Les toros de Palha furent tout aussi catastrophique et les Miuras manquaient de force, triste constat pour les corridas « dures ».
Corridas dures sauvées en partie par une corrida encasté du Conde de la Maza, dans laquelle Diego Urdiales fut convaincant. Toujours en parlant toros, El Pilar a envoyé une corrida pour triompher à Séville, 4 toros offraient leurs 8 oreilles a Castella, Cid et Manzanares, qui ne surent tirer profit de la bravoure de leur opposant résultat deux petites oreilles une à Castella et une au choucou Manzanares.

En suspend Arturo Macias, deux corridas espagnoles et deux fois sur la table d’opération cuisse ouverte par la corne, il semble que le changement de toro ne lui réussisse pas. Il a deux après-midi à Madrid pour justifier tout le bien que l’on dit -que je dis- de lui. Castella n’a pas été bon mais n’a pas été mauvais non plus, les toros n’ont pas aidé dira-t-on.

Mentions spéciales
A Morante de la Puebla, mention spéciale pour un torero especial, qu’il est bon de sentir les arômes de toreria se dégageant du toreo de l’homme de la Puebla, on n’avait plus de doutes sur son art et maintenant nous n’en avons plus sur son courage qu’il a démontré face à un sobrero manso con genio et dangereux de Javier Molina qui restait court et cherchait les chevilles. Si Morante avait occis l’animal après un macheteo personne n’aurait rien dit, mais d’une manière surprenante il fit face, l’affronta et réussit à le mettre dans la muleta pour finalement signer deux séries made in de La Puebla. L’épée une fois de plus lors de cette feria, trahit le matador. Face aux Miuras nous avons retrouvé le Fundi d’il y a deux saisons, combatif, sérieux et professionnel, il arracha les olés de la Maestranza, qui sans aucun doute lui ont redonné une grande dose de confiance, malheureusement, une fois n’est pas coutume, l’épée le trahit et la grosse oreille qu’il avait dans sa main lui glissa entre les doigts. Rafaelillo, le petit torero de Murcia, fut à nouveau grand face aux Miuras. Ce torero, en plein apprentissage, est chaque fois plus près de la cime de ces grands maestros des corridas dures qui nous font cruellement défaut de nos jours. Les cornes de Miuras, Adolfo Martin, Victorino et autres « saloperies » lui frôlant la poitrine le font chaque jour plus fort et plus grand. Et le plus intéressant est qu’il essaye de les toréer selon les canons de la tauromachie actuelle, il tente de ne pas perdre de pas et de toréer en rond malgré l’apprêté de ses opposants. Fundi a trouvé un sérieux concurrent et on ne s’en plaindra pas, car pour nous ils sont alliés face à l’adversité.

Esteban SALIDO

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, et on est très content aussi de le lire sur Aficion, en plus le message arrive tout seul, même pas besoin de surfer!

isa du moun

Marc Delon a dit…

C'est fini tout ça : j'ai négocié l'exclu... Te faudra surfer ma petite moumoune... aque tes petits doigts musclés...

el chulo a dit…

bien esteban, muy bien, perfecto.
cada cosa en su sitio!
o,n sait déjà où juli va triompher en france.

la corrida est prévisible, c'est sa mort.

beau texte en tous cas.