mardi 4 janvier 2011

Pourquoi allez-vous voir les corridas ?


DE L’AFICION



Aficion : « inclination pour une personne ou une chose, goût, passion » dit le ‘’pequeno Larousse ilustrado’’.




Aficionado : celui qui a cette inclination.



On est donc aficionado à « los toros », « al futbol », « al cine », « al teatro », mais aussi à Proust, Mitterrand ou El Cordobes. Culte que l’on porte à un être cher. Francisé, ce mot ne caractérise plus que les passionnés de taureaux de Camargue ou de toros espagnols, voire de courses landaises.



On ne choisit pas plus d’aimer la corrida qu’on ne choisit de naître sur les bords de la méditerranée, qu’on ne choisit de croire en Dieu, d’être protestant ou catholique, de droite ou de gauche. Un jour on naît quelque part et on grandit dans un environnement qui devient notre référence identitaire. Les coutumes et us en font partie, tu les épouses d’autant plus facilement que la fête en est le liant. La fête : institution, inclination naturelle de l’homme. Incantation pour conjurer la mort. Hymne à la vie par conséquent. La vie, l’amour, la mort. Le désir, la passion, la mort. Le peuple, la fête, la mort.


D’autres définissent la corrida par une autre trilogie : « la peur, la beauté, la mort », mais ça finit toujours pareil, par la mort. C’est le schéma de toute révolution, comme la révolution elle-même, après laquelle ses instigateurs sont portés sur l’échafaud.



La fête, oui… mot magique que nous galvaudons à tort et à travers, alors que nous vivons l’asphyxie et la récupération des fêtes locales traditionnelles, foires et fêtes foraines encombrées par le commerce. Ce ne sont plus le Saint-Esprit ou les Dieux qui nous convoquent à festoyer mais les marchands du temple. Comment s’étonner, s’exclame notre compatriote JP Chabrol :




« que nous ayons perdu, avec l’habitude des responsabilités, le sens et la pratique de la fête, de la fête qui stimule, qui décloisonne, qui rompt, pas celle qui sécurise ou qui endort »



Il faut aujourd’hui pour conserver nos traditionnelles traversées de village par les gardians conduisant les taureaux, barrer les rues adjacentes, canaliser les badauds, afficher les dangers encourus, prévoir un poste de secours, une ambulance. Il n’est plus possible de rassembler les charrettes des paysans pour construire une arène de fortune sous peine, à la moindre égratignure, d’envoyer les organisateurs avec le premier homme de la cité en prison. Et pourtant poursuit CHABROL :



« …pour retrouver l’authenticité de la fête, la fête originelle, instinctive, il faut aller chez les plus humbles, visiter les recoins oubliés par le marketing autour du berceau privilégié de saturnales et des jours gras : la méditerranée. Là, dans ce bassin, la fête est une nécessité vitale, la soupape, le grand soupir dans le labeur et la disette. Il y a un jour, un thème souvent et puis le droit, le droit au peuple pour un jour d’être maître de la rue, de la place publique, le droit de rire, de s’enivrer, de chanter, de passer la pudeur, de railler les pouvoirs, le droit pour un jour d’outrepasser tous les droits, le droit de chacun d’être un autre, celui qu’on voulait être, parmi tous les gens du cousinage, du voisinage, rassemblés exceptionnellement pour la fête mythologique. »



Ce sont là, les origines de nos fêtes votives villageoises, c’est là l’origine de nos férias. Et présente physiquement ou en filigrane, toujours : la mort. La mort du taureau ou le sacrifice des béliers égorgés à la fin des ramadans. « On fêtait mieux Noël, plus tranquillement, plus joyeusement quand on saignait le cochon familier juste avant ! » nous dit CHABROL.



La mort comme seuls savent la convoquer, la présenter, ceux qui sont des passionnés de la vie. La mort indispensable pour exalter la saveur d’être, la réjouissance, la mort invitée pour la fête, la mort enfin proche et amicale. Ce jour-là, les plus pauvres sont les plus dépensiers ; un gaspillage hors mesure ! Les méprisés méprisent, les souillons vous charment avec des grâces de princesses.



« Le peuple, le pauvre peuple de 365 jours par an jouit soudain du privilège de celui qui devait mourir à l’aube, il entre pour sa dernière nuit dans le lit de la Reine. »



A chaque feria, poursuit l’écrivain, la sensation est la même, la foule des rues est « flagadasse » elle déambule et s’interpelle sans entrain, sans allégresse, se donne l’air débridé, parce qu’il faut bien. Le ciel pèse sur la ville comme un caramel mou, l’ambiance ne démarre pas, tu as l’impression que ça va rater, ça traînaille. Cela faisait plusieurs jours d’ailleurs qu’il y avait une montée en pression. Les journaux en parlaient, la ville s’affairait, s’enguirlandait. Les gens s’inquiétaient, se questionnaient :



- quelle corrida vas-tu voir ?


–je vais à toutes, et toi ?



Les conversations tournent autour de la fête, des spectacles, des lieux d’estrambords, où on se retrouvera. on se donne des rendez-vous qu’on n’est pas sûr d’honorer, mais on se rencontrera. Vient enfin l’après-midi, la première corrida, le premier toro qu’il soit bon ou non, la première estocade, réussie ou non, et ça part.



CHABROL : « …du gros sang coule. L’énorme frisson des arènes, son cri guttural secoue la ville, la région, la fête démarre, elle n’attendait que ça, ce jet mortel de sang épais. Du coup les rires sonnent clairs, c’est ‘’dégueulasse’’ et c’est ainsi. Le plaisir, la liberté, la joie prennent leur vol lumineux. Les chevaux enlèvent en premier…cette chose floue qu’est un cadavre de toro. Au bout de la chaîne, le berceau des cornes ressemble à une ancre marine qui racle le sol. Un vaisseau fantôme s’arrache de son mouillage pour cingler vers le grand large. La feria sera belle. »



La corrida n'est pas une invention



La corrida n’est pas née du hasard ou de l’inspiration subitement folle d’un illuminé qui aurait décidé un jour de se planter devant un toro sauvage pour épater la galerie. Son origine et son existence sont bien plus simples et populaires. Ce sont bien sûr les gens du peuple, paysans, bouchers, qui ont remarqué que parmi les animaux qu’on menait aux abattoirs, certains se montraient moins coopérants et ne daignaient pas se laisser prendre. Alors entre deux abattages, il est probable que des gens entreprirent de se divertir. L’esprit d’émulation s’installa progressivement et se fut à qui ferait le plus de ‘’choses’’. C’est probablement ainsi que sont nés dans quelque ‘’matadero’’ (abattoir) d’Andalousie, Estramadura ou Mancha, le premier toro de combat, le premier torero de l’histoire, les premières ovations, la première reconduction de contrat après un succès, ce qui implique les premières sélections d’animaux, les premiers élevages renommés…



Comme toujours, l’élite s’empara de ce divertissement populaire, et pour un noble, affronter et tuer des toros constituait un entraînement guerrier, tout autant que démontrer son courage, sa domination, son mépris du danger, sa désinvolture, bref la grande affaire espagnole, faire œuvre d’hidalgo et de grand d’Espagne. Mais l’élite se lasse de tout et se désintéresse de ce qu’elle avait emprunté au peuple, gardien obligatoire des traditions, lui.


Les aides de ces nobles cavaliers, à leur insu ou presque, avaient appris de fond en comble à quoi consistait tout ce que l’on doit faire techniquement dans une arène, et la corrida va devenir exclusivement piétonne. Elle va dégager ses habitudes, créer ses mythes, codifier ses règles pour arriver à force de ‘’routine’’ et de technique, à donner à chaque prestation plus d’émotion et plus d’art par conséquent. L’étonnant, c’est que ce culte ait pu traverser les âges comme s’il n’était jamais de son temps, comme s’il était anachronique !



La corrida pouvoir unificateur.



Ceux qui ne font partie de ses ouailles, ont tendance à ne voir dans le torero qu’un bestiaire stupide et primaire confronté à cinq cents kilos de viande qu’il doit réussir à coucher sur le sable ! S’il n’y avait pas autre chose, la corrida n’aurait jamais existé. D’Icare au dernier navigateur en solitaire au milieu des océans, il y aura toujours d’étranges personnalités pour prétendre que la meilleure façon d’appréhender la mort c’est encore de l’affronter. Les toreros sont de cette race là, qui ressentent l’impérieuse nécessité de mettre périodiquement leur vie en péril, rien que pour se prouver qu’elle est autre chose qu’un simple phénomène biologique dû au hasard. Le torero, pour nous aficionados, c’est notre fondé de pouvoir qui traite à notre place avec les puissances infernales, les médiocrités, et qui l’espace d’un combat nous confirme que l’homme n’est pas si moche que ça. Si la corrida perdure et fait toujours des adeptes, c’est que ce n’est pas seulement une danse très particulière réalisée face à une bête de combat et soumise à un rituel strict, aux complexes résonances esthétiques, affectives et mythiques.



Tout autour de la méditerranée, dans toutes les mythologies grecque, romaine, africaine… le taureau est le catalyseur, dénominateur commun de toutes les civilisations. Ce n’est qu’une succession de circonstances si c’est sous la forme de la corrida qu’il se développe. Quel pouvoir unificateur ! Le taureau pareil à la méditerranée est le trait d’union entre le peuple et les cultures, entre les mentalités et les mœurs. Le taureau permet d’atteindre ce que ni les politiques ni les sociologues, ni la puissance militaire ne sont jamais parvenus à faire : unir et confondre les volontés des populations en une seule voix. Tout d’un coup, vingt mille personnes les plus différentes, aux opinions divergentes, aux idéologies contradictoires, de nationalités diverses, de confession chrétienne, juive, musulmane, tombent d’accord. Vingt mille personnes subjuguées, prises dans le même tourbillon, se lèvent comme un seul homme pour communiquer dans un « Olé ! » sourdant du fond de leurs entrailles, incontrôlé. Cet olé universel, qui n’a pas de traduction, qui est peut-être une déformation de Allah, qui peut s’interpréter par « Dieu est grand ». Vingt mille personnes emportées dans un même élan extatique. Leur fondé de pouvoir vient de réaliser la faena idéale empreinte d’une sensualité jouissive. De toute sa technique, il vient de créer une oeuvre d’art éphémère et c’est pour cela qu’ils reviendront demain. Ils ont crié d’une seule voix pour le torero au milieu de l’arène. La bête est rendue, soumise. C’est une image magique riche de passé et de tradition. Ils l’acclament parce qu’il est tout à la fois, le fils et l’amant de toutes les femmes, la mâle et le guerrier, il est leur immodestie et leur barbarie étalées en pleine lumière.



Sur les gradins, il y a des amateurs et des endurcis, des néophytes et des curieux, des sages et des forcenés, tout le public houleux des jours de fêtes et ils ont été transportés par quelque chose, dépassés par cette éternité distillée devant leurs yeux. La mort est éminente, bien évidente et bien intolérable au soleil. Celle du taureau ou celle du matador, peut-être celle de chacun d’entre eux au bout du compte, en équilibre. Sur l’autel, le sacrifice doit être consommé… Abraham soumis va offrir Isaac. Dans leur délire amoureux, c’est dans la mort que s’unissent Roméo et Juliette. Tous les dramaturges et les théologiens doivent être jaloux de ne pas avoir inventé la corrida !



La corrida exutoire.



Brel chantait : « est-ce qu’en tombant à terre, les taureaux ne nous pardonneraient-ils pas en pensant à Carthage, Waterloo ou Verdun » de toutes ces exactions commises pour des motifs bien moins avouables.


Bien sûr que si ! Ca ne fait aucun doute et l’homme dans son exaltation, côtoyant les Dieux, en pleine béatitude, dans sa grande mansuétude accordera ‘’l’indulto’’, la vie sauve à l’animal magnifié. La corrida exutoire ! Certainement, oui et tous ceux qui s’y adonnent et y retournent savent bien où ils vont ; ils ne sont pas attirés dans un guet-apens. La corrida traîne hélas un handicap considérable, celui de se dérouler en plein jour, en pleine lumière, alors que les exactions ont lieu dans l’ombre, parfois même à l’ombre de la morale.



Voilà, telle est cette quête de Grâal que poursuivent aficionados et toreros, tout comme Don Quijote de la Mancha à la poursuite des moulins et il n’est pas innocent ce héros méditerranéen de Cervantes, à la poursuite d’une inaccessible étoile. Inaccessible ce nirvana où le taureau qui ne serait jamais fatigué de se battre, danserait jusqu’au coucher du soleil avec un torero touché par le duende et la mort en équilibre entre eux qui ne choisirait pas son camp, inutile échéance dans cette fusion réalisée.



En toute conscience.



Aussi culturelle, aussi identitaire, aussi institutionnalisée qu ‘elle soit, la corrida n’échappera pas au sort de toutes les traditions. Ce n’est pas à ces détracteurs qu’elle devra sa disparition, mais à ses propres protagonistes qui la dénatureront, l’aseptiseront, la transformeront, l’abandonneront au profit d’autres coutumes qui deviendront traditions de référence. Mais il risque de se faire tard pour que nous soyons les témoins.



La corrida repose peut-être sur un malentendu. La vie sûrement aussi. Elle échappe à la raison, l’amour aussi, et la guerre n’en parlons pas ! En sortant de son pâturage natal, le toro se trouve fermé dans un cercle tragique, comme en sortant du sein maternel l’homme se trouve enfermé sur cette planète à l’inexplicable destin. La mort du toro ne se justifie pas, celle de l’homme non plus, d’où la polémique.



On ne peut se prévaloir des noms illustres qui défendent la corrida, d’autres aussi prestigieux la condamnent. Simplement, je terminerai par ces mots d’un écrivain taurin espagnol des années soixante, Miguel Guerra de Cea :



« Le monde est fait de différents microcosmes incommunicables entre eux.


L’aficionado est dans sa passion comme d’autres hommes sont dans la leur puisque l’être est fait pour les passions. Il ne voit pas pourquoi il s’amputerait de la joie de rattraper ses rêves de beauté et de noblesse, sa quête de plénitude.


Subjectif, c’est dans la tauromachie qu’il les trouve. »




Denis Bosc

13 commentaires:

Marc Delon a dit…

je sais, j'ai déjà publié cette photo... mais Isa del Moun voulait la revoir et me la réclame à corps et à cris... ;-)

Anonyme a dit…

Cors !

Anonyme a dit…

A cris sûrement... A corps, faut voir...

isa

Marc Delon a dit…

Si, si, c'est à corps avec isa !

Anonyme a dit…

celà risque d'être un peu compliqué, car depuis quelques temps, c'est avec moi qu'Isa est à corps.

AV d'Isa

Marc Delon a dit…

Aaaaah c'était donc ça l'autre jour ? l'annonce officielle d'un changement de propriétaire ? d'aaaaccord... on s'en fout hein, isa ?

Anonyme a dit…

Propriétaire????

Tant que mon mari n'est pas au courant, ça va!

isa

Marc Delon a dit…

non..... une coloc ????

Anonyme a dit…

Peut-on être le propriétaire de quelqu'un et même de soi ? A chacun sa réponse, pour moi ce sera par la négative. Je ne suis et ne serai pas le propriétaire d'Isa. Quant à la coloc, je ne suis pas très partageur mais si je reste prioritaire dans le coeur d'Isa nous pouvons négocier !
AV d'Isa

Maja Lola a dit…

Très jolie intervention d'AV d'Isa.
Isa a bien de la chance !

Anonyme a dit…

Mmmmm.... Une déclaration!
Tu sais quoi, Mac Delon, ton blog me plait de plus en plus!!!!
Bises à mon av

isa

Marc Delon a dit…

Et les tourtereaux, vous ne pourriez pas aller vous conter fleurette ailleurs qu'ici ? On a déjà l'amourette du Chulo avec Maja Lola. L'amourette de Gina avec Chulo... ça va bientôt dégouliner tout ça !

et puis ''bises à mon av'' y'a pas intérêt à faire une liaison maltapropos. Attention aux liaisons dangereuses...

Anonyme a dit…

Si seulement Isa et moi nous nous étions trouvé sur votre blog, cela pourrait faire penser à ce que vous énumérez, que votre blog risque de devenir un club de rencontre. Mais n'ayez crainte, Isa et moi nous sommes rencontrés il y a déjà quelque temps sous d'autres cieux. Isa et moi, c'est simplement fort, c'est simplement fou !
Il n'y a aucun risque de liaison maltapropos non plus, car je n'ai rien à voir avec l'allusion que vous faites. Je ne suis rien, juste le néant qui se rempli le temps de la rencontre avec Isa.

av d'Isa