Roberto a un grand couteau, un chapeau léger, une petite grange de planches disjointes au toit de feuilles récoltées au pied de palmiers royaux, quelques poules, deux dindons, un champ de tabac, un rongeur enfermé dans une cage, une claie sur laquelle sèchent des grains de café, une autre grange, plus grande, à l’armature de bois, au toit plus moderne, aux murs de feuillage. Roberto a un bungalow, deux ou trois même, sur la terrasse desquels basculent des fauteuils au gré du vent. L’un est marron, l’autre gris et le troisième turquoise. On ne sait pourquoi. La poésie du camaïeu peut-être. Ou ‘’rapport’’ au hasard des fonds de ses pots de peinture, ce qui est quand même d’ordre poétique. Sauf qu'au dessus des fauteuils ne sèchent pas des feuilles de tabac mais ses slips. Il a une femme qui sert un très bon café Cubita en souriant, un cochon qui se vautre en attendant le couteau, un petit chien famélique, des chats souples, quelques machines agricoles. Roberto a tout un empire tabacologique dont il a tiré un numéro de prestidigitation. Rosario notre guide, lui emmène les touristes et lui se charge de l’acrobatie. Sa petite affaire, comme un cigare, roule. Il nous fait entrer dans la grande grange sombre, son théâtre, s’empare de quelques feuilles mûres à point, les dénerve à la pointe de son grand couteau, assis face à nous, son public, et soudain, après une manipulation brève, de ces feuilles naît un Havane, soit quand même, ce que la planète bleue produit de meilleur pour infester les bronchioles, provoquer l’essoufflement, raccourcir l’espérance de vie. Pour ceux qui la préfèrent plus courte mais intense. Pour les bannis de la société, les parias qu’on envoie se geler sur les trottoirs, les inélégants qui instillent la mort dans les poumons des autres. Il faut voir, même à l’extérieur, la réprobation briller dans les yeux des légalistes. De ceux qui maîtrisent leurs émotions, qui gèrent leur vie sans besoin de dérive toxicologique. Mais d’eux, Roberto ne soupçonne même pas l’existence et il amorce : il roule et distribue sans discernement. Oubliez les cuisses de Carmen, il roule sur une vieille planche à découper. Pourquoi les non fumeurs les saisissent-ils pour les téter, est un mystère épais. Par conscience touristique aigue sans doute plus que par réflexe "calumet de la paix" vu qu'on a beau être des capitalistes impérialistes, on ressent plutôt l'envie d'aider ces Cubains sympathiques plutôt que de les combattre. Et puis ces non fumeurs nous les tendent, dégoûtés, pensant que nous ne le serons pas, de sucer leur salive. On n’accède pas aux sommets sans initiation. On ne se pâme pas aux premières notes de Chucho Valdès quand Franck Michael tourne dans la platine familiale. Oui Franck, toutes les femmes sont belles. Et cons alors, puisque tu vends un maximum de disques ? Elles aiment rêvasser, c’est vrai. Sauf la guide qui nous présente l’achat des cigares de Roberto comme un acte de solidarité quasi recommandé. Oui, Rosario, tu es commissionnée… mais ce n’est pas la raison qui nous poussera à les acheter. C’est juste qu’un puro campesino, pique la curiosité d'un fumeur. Chantal, elle, lui offrira une photo : elle trimballe dans son sac à malices, une petite imprimante blanche pas plus grosse qu’une boite de cigarillos qui lui tire instantanément son portrait, à Roberto-le-Campesino, pour le coup terrassé en terme de prestidigitation. Cafés, sourires, poignées de main, remerciements et demi-tour. Ah oui, ultime recommandation de Rosario, planquez les bottes de cigares achetées, le voisin de Roberto serait vert de jalousie, de cet impérialisme sauvage. Pas bon l'économie de marché, surtout quand on n'en profite pas soi-même. Aussi vert que les feuilles de la Vuelta Abajo.
Traditionnel match des amis de Torrito
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Hier a eu lieu le traditionnel match de foot de vétérans entre une équipe
de Séville et l'équipe française des amis de Torrito.
Et cela ...
Il y a 14 heures
8 commentaires:
Pourquoi les non fumeurs...?
Ben parce que c'est comme le calumet de la paix, ça ne se refuse pas!
Ca m'étonne que tu n'y ais pas pensé!
Sinon: "conscience touristique aiguE sans doute. Et puis ils nous les tendent, dégoûtés, pensant qu'on ne le Fera pas de sucer leur salive"
T'es dans la pâté aujourd'hui?
isa du moun
Bien vu pour le calumet...
merci pour le sens aigu de l'orthographe...
par contre : "... pensant qu'on ne le sera pas (dégoûté...) de sucer leur salive" est bien ce que j'ai voulu dire...
Marc pâté de campagne
Oups, lecture du matin...
Désolée, en + j'ai relu la phrase 2 fois!
isa dans le brouillard...
Bon, finalement, isa, question "calumet de la paix" je suis allé te contredire dans le texte même, tu reliras une troisième fois stp...
Ah oui, j'avais pas vu les slips non plus, faut que j'arrête de lire le matin...
Sinon pour instiller la mort par le poumons... le mieux c'est encore les cigarettes bien trafiquées, avec plein de trucs rajoutés pour rendre bien accro, du tabac arrosé de pesticides, etc...
Là bas ça avait juste l'air nature!
j'aime beaucoup la photo avec les 3 chaises.
on doit être bien dans un de ces rocking chairs, un havane dans la main droite, un mojito dans la gauche.
Naaaan isa, les slips ne séchaient pas ce matin... je les ai rajouté en cours de journée... moi aussi il faut que j'arrête de relire sinon je rajoute toujours quelque chose...
Oui. On y est très bien et le balancement procure un grand plaisir. D'ailleurs le terme en espagnol est "mecedora", qui vient de "mecer" (bercer). Inutile de dire que si tu rajoutes ton puro et ton Mojito, le bonheur est total.
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