jeudi 25 décembre 2008

La Main au Feu...

Il n'y a pas trente-six touchers. Il y a le toucher thérapeutique, palpatoire, objectivant, celui du kinésithérapeute et du médecin, ce dernier poussant un peu plus loin l'investigation que la surface de la peau quand il fait bien son métier... Et puis il y a le toucher érotique ou amoureux. Entre les deux, un peu d'équivoque et beaucoup d'ambigüités. On sait que l'on trouvera le vendeur plus convaincant s'il vous touche le bras par la complicité immédiatement créée. Lors d'un gros éclat de rire une main viendra peut-être s'abattre sur votre épaule en toute connivence. Mais c'est à peu près tout ce que l'on supportera. Frôlez quelqu'un dans un bus ou un métro et instantanément la personne se reculera. Il y a toujours une charge émotionnelle dans le toucher.
Dans les stages d'Haptonomie, "la science du toucher et de l'affectivité", on apprend à toucher pour rendre sain, toucher pour conforter l'autre dans ce qu'il a de bon. Rien d'ésotérique ou fumeux, non, facilement vérifiable et reproductible par tous, au contraire. On installe les gens dans une sorte d'état de base où ils n'ont plus ni peurs ni inhibitions, où ils sont confiants et sereins. On sent même quand se produit le passage à cet état : la respiration change, une inspiration de plus grande amplitude survient d'abord, par laquelle le thérapeute semble être admis chez l'autre et puis instantatanément le rythme se calme, la fréquence des cycles respiratoires baisse. Cela fonctionne : un test trés simple le prouve. La chatouille ! Sans rire... Les ultra-chatouilleux, ceux qui sautent de la table d'examen, fuyant en catastrophe la stimulation, soudain, restent calmes : les chatouilleurs peuvent toujours s'exciter, on est hors d'atteinte. C'est très surprenant. On se prolonge avec la personne, on passe dans son épaisseur et on se trouve en empathie avec elle. L'exemple à la fois le plus ordinaire et probant de la vie courante est le prolongement naturel qu'instaurent entre eux une mère et son bébé qui ressent ainsi son bien-être.
Dans "L'Attouchement" de Bruno Bontempelli édité chez Grasset, on assiste aux progrès assidus et stoïques du sultan de Grenade dans la pratique du toucher érotique élevé au rang d'un art enseigné par Ezra le vieux juif aux mains expertes, fournisseur prévenant de jeunes beautés à attoucher. Mais un jour une belle captive fascinera le sultan et il respectera celle dont il pouvait abuser, ne célébrant sa beauté que de ses mains devenues savantes, jusqu'au dernier instant, jusqu'à la compromission de sa vie. Mais quand on possède l'art d'écrire comme Bruno Bontempelli, il faut en donner un extrait, en l'occurence la quatrième de couverture :

J'ai commencé de l'attoucher.

Ce corps dépourvu de tout apprêt, ce corps vierge, animal, était un festin. On aurait pas eu plus faim devant les mets les plus exquis. C'étaient l'émail du raisin, le velours de la prune, le lissé du miel, la souplesse et le grain de la pâte d'amande, c'étaient la fermeté de l'olive et la chair du pain de seigle, le suc des rôts et le coeur des figues, l'or des tourtes et l'ambre du vieux vin, c'était la manne mise par l'Eternel à portée des hommes en guise d'avant-goût de l'Eden.

La peau cuite au soleil avait épanouie ses couleurs et ses arômes. Je humais la cannelle, le poivre et le gingembre ; je goûtais des yeux l'onguent brun dont elle semblait couverte, ses ocres de sumac, ses violets de pavot et ses dunes de sable noir où scintillait une fine mosaïque de cristaux minuscules. Cette peau sentait le chaud ; pourtant elle était fraîche, et mes doigts glissaient sans peine à fleur de son vernis.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est quoi ces ongles rongés???

Anonyme a dit…

Je trouve remarquable le choix du titre particulièrement évocateur "La main au feu" qui éclaire l'ensemble, ouvrage et commentaires, et au-delà...
Quant à la photo, elle exprime, par les doigts, des doigts aux ongles taillés courts, leur position, le bras nu à l'arrière, une sensualité à fleur de peau.
bravo.
Gina