Evidemment, relire à froid un compte rendu écrit à chaud sous le coup d'une forte émotion, vous interroge toujours un peu sur les circonstances ayant mené à tant d'emportement. Avais-je tété le Shilom et inhalé des herbes prohibées ? Bu plus que de raison ? Même pas, aucune excuse à faire valoir. Donc j'assume et cette faena, c'est ainsi que je l'ai vécue. Depuis Madrid le cinq juin dernier, on sait que le peuple des aficionados est scindé en deux parts inégales : ceux qui y étaient et les autres. Au lendemain de la prestation barcelonaise de José Tomas, ce sentiment va continuer à prévaloir car pour ce que nous lui avons vu réaliser, les superlatifs paraissent mièvres. L’âme, l’art, le chant profond, comment pourrait-on dire encore, la sève de ce torero est unique. Unique, le mot est humble mais rendez-vous compte, unique au monde à ce niveau d’interprétation, cela relève quasiment de la merveille, du patrimoine, du trésor de l’humanité. Tant pis pour la grandiloquence. Pendant que dans d'autres arènes certains se contentaient de surréalistes branlettes en forme de raticides anoures, éclatait à deux pas de l’érection magnifique de la tour Agbar de Jean Nouvel, l’orgasme authentique, profond, venu du fond des âges et des viscères, vague et tonnerre mêlés roulant à répétition, emportant toutes les inhibitions dans le lit de nos désirs les plus fantasmés. Une nouvelle fois, par la cinétique d’un phénomène qui m’échappe, quand Tomas a ancré ses pieds dans le sable nous avons décollé dans les nuages.
Non, je ne vais pas dire que ce type est un extra-terrestre, oui employer trop de métaphores nuit à l’écriture. Mais quand même.
Puisque ‘’d’Ayatollah-peine-à-jouir’’ je suis parfois traité, déclarons la jouissance soudaine qui m’étreignit. Et même cette larme éclose au coin d’un œil, vite écrasée d’un doigt furtif, parce que j’avais vu là ce après quoi je cours de ruedo en ruedo, cet inaccessible espoir qui me touchait enfin, en plein coeur. De mon hôtel au pied de la tour Agbar que les Barcelonais nomment le phallus ou le ‘’consolator’’ ( traduction de godemiché…) en ce chassé-croisé répété au cours du week-end, de la tour à l’arène et de l’arène à la tour, une seule chose aurait pu m’étonner plus que les deux faenas indicibles de Tomas. Comprenez bien, au cours de ce rêve de tauromachie bâti sur l’attente et le désir, la tour phallique pointait sa turgescence rouge et bleue en direction du giron gravide de l’arène où le divin enfant allait nous faire croire aux miracles (merde, je fais du Zocato... en moins bien…)
Sonnez hautbois, raisonnez revisteros, résonnez fifres, tambourinaïres, sambas de Rio, batucadas de la Havane, timbales cuivrées de philharmoniques, frémissez ventres orientaux bronzés, Alleluïa, rissolez gambas sur les planchas et frétillez fesses brésiliennes, pointez vers le ciel tétons de tout pays et même vous très Saint Père teuton, dansez la tectonique du mouchoir blanc et louons ensemble le nouveau messie : Aaaaah…jouir…, enfin !
Assis sur mon tendido, une seule improbabilité aurait pu m’étonner plus que ces faenas disais-je. C’aurait été que la tour Agbar qui ressemble aussi à une fusée intergalactique, vrombisse soudain et dans un immense effort s’arrache en clignotant à ses fondations de béton pour décrire l’ellipse parfaite lui permettant de pénétrer la monumental avec fracas en offrant à l’impact la vision de vingt mille personnes en lévitation brève au-dessus de leur siège. La secousse…
S’en serait suivi le silence de l’ébahissement puis un petit être bizarre aux oreilles proéminentes et poilues en serait sorti d’une trappe toute fumante et aurait gueulé :
- Bon, José… c’est pas bientôt fini ces conneries ? Allez, rentre !
Le torero s’en serait allé dépité, tournant le dos au toro qui l’aurait chargé une dernière fois, traversant son spectre sans le renverser, voire disparaissant dans son épaisseur, un peu comme il le congédia au toril après l’avoir essoré, d’une dernière passe de son toreo millimétrique. Vous pensez : c’est quoi cette resena de ouf ? Vous n’avez rien compris ? Moi non plus. Il est des orgasmes inénarrables. Tant mieux. Et c’est là que Dieu est grand.
- Bon, José… c’est pas bientôt fini ces conneries ? Allez, rentre !
Le torero s’en serait allé dépité, tournant le dos au toro qui l’aurait chargé une dernière fois, traversant son spectre sans le renverser, voire disparaissant dans son épaisseur, un peu comme il le congédia au toril après l’avoir essoré, d’une dernière passe de son toreo millimétrique. Vous pensez : c’est quoi cette resena de ouf ? Vous n’avez rien compris ? Moi non plus. Il est des orgasmes inénarrables. Tant mieux. Et c’est là que Dieu est grand.
1 commentaire:
Félicitations cher Marc pour cet extraordinaire orgasme tauromachico-architectural qui ne manquera pas, nous l'espérons tous de féconder une Barcelone taurinement déclinante.
A moins que ce ne soit plus terriblement que l'éjaculation ultime du pendu...
Au pied des gibets fleurissent les mandragores!
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