lundi 16 janvier 2012

NFF : Convivencias ; Fuensanta ''La Moneta''





Convivencias sin Connivencias




Evidemment, quand on sort du traumatisme positif qu'a insufflé ''Capu'' la veille, du véritable électrochoc reçu de sa présence de tigre flamenco phagocyteur de réserves et de timidités, il est difficile de s'en remettre. Et ce n'est pas ''Convivencias'' qui peut le faire oublier. Ils auraient par contre pu contribuer à se faire oublier plus vite et même apprécier, en étant beaucoup moins longs : la moitié du temps qu'ils ont mis à ne pas me convaincre aurait suffi ! Il y a tout d'abord une blonde à la vareuse ''Renaissance'' vaguement volantée qui module pas mal, puis une belle brune qui devrait quand même songer à se calmer sur les beignets d'aubergines et les churros, qui n'a jamais rien acheté à la société ''PIP'', et pourtant. Nous avons ensuite pour leur donner la réplique, un homme au look d'étudiant bien nourri et assez précoce mais en calvitie, et puis, fin du fin, un ''grattador'' maxi-préoccupé, un guitariste-fontaine qui possède toute une gestuelle essuyeuse pour récolter sa sueur qu'il éponge discrètement dans les plis de son pantalon absorbant. Joue, sourcil, front, oreille, hop, pantalon. Bien joué. Accorder sa guitare, arracher son micro et ajuster son capodastre l'occupent une grande partie de son temps. Et la foule siffle et applaudit quand de jeunes techniciens viennent se pencher vers lui présentant ainsi leurs fesses à l'assistance pour ajuster son micro. Elle s'ennuie tellement faut dire, la foule... Le pire je crois, ce fut quand ils nous l'ont joué ''Polyphonie Corse dissonante en sortie de bergerie arrosée, après une après-midi sous le soleil du maquis''... Là, mes tympans vibraient du reproche de les avoir emmenés et les efforts de ma mère pour m'éduquer convenablement, réussirent à triompher de mon cerveau limbique qui m'encourageait à détaler aussi sec par le couloir d'évacuation pour fuir la cacophonie. Heureusement, entre lui et moi, cette maîtrise était aidée par ma voisine de tendido dont le petit corps tout féminin faisait barrage. Le flamenco en version ''I Muvrini'' on me l'avait pas encore faite, celle-là... Pas Olé !




La faute à ne pas commettre




Une copita de tinto et un bocadillo de jamon plus tard, surgit la danseuse Fuensanta « La Moneta » comme un toro de Santa Coloma : tamaño moyen, pas très armée esthétiquement mais qui va s'avérer une inlassable bagarreuse au moral toujours intact et sans aucun infléchissement de tonus. Un détonateur dans chaque cuisse, et visiblement hantée par son art, même si elle manie la châle mieux qu'un torero son capote de brega, elle n'est pas de ces danseuses décoratives. Profonde, habitée, elle harcèlera son cantaor qui dans un face à face se demandera ce que tout homme se demande un jour :







  • Mais quelle erreur ai-je commise , Quelle est ma faute ?



Non ? Pas le vôtre ? Ah, désolé. Laissez-lui quand même une chance, soyez bonne fille, et n'oubliez jamais qu'il vivra huit ans de moins que vous. En attendant, vous pouvez toujours ''taconear'' rageusement le carrelage de la cuisine. Non, mais, qui c'est le jefe ?


La Moneta, elle, donne plutôt une impression d'intransigeance même si la souplesse lombaire est assez remarquable pour nous valoir de spectaculaires retraits du buste, à moins qu'il ne s'agisse de spectaculaires projections du bassin en avant ! Commencerais-je à tourner en rond ? Surtout que, sachant Maja Lola à la rescousse, je sens comme une flemme m'envahir... je vous laisse donc en sa compagnie. En tout cas, concernant la Moneta, la faute à ne pas commettre, c'est de ne pas aller la voir. Elle subjugue par sa puissance évocatrice et entrée un peu lourdaude elle termine magnifique dans le coeur des hommes, prouvant que le flamenco est un art si profond que bien danser et c'est l'âme qui éclabousse de sa beauté l'enveloppe charnelle. Pour elle, je dis Olé.










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Convivencias trop intimes




Cette première partie de spectacle réunissait trois jeunes chanteurs « montants » de la nouvelle génération, le guitariste Manolo Franco venant compléter le groupe par son toque à la maestria sans faille, plus virtuose d’un classicisme que d’une couleur purement ou exclusivement flamenca.




Rocio Marquez, frêle et élégante, à la voix pure et solide dans la tenue de la note, Laura Vital, puissante vocalement mais moins « modulatoire » que celle de Rocio et Niño de Elche, le levantin dont les palmiers de sa ville natale l’ont sans doute poussé plus au sud, vers la terre andalouse proche de l’Afrique … La puissance vocale de ce jeune chanteur répond plus à des fulgurances brutales vite apaisées mais ne restituant pas le « tripal » du flamenco.




Sur la qualité des artistes pas d’hésitation : on est en présence d’une relève.




Moins enthousiaste sur le style adopté pour le contenu du spectacle …. Une longue litanie-hommage aux grandes figuras flamencas dans la tourmente pré et post-guerre civile, sacrifiées dans un début du XXème siècle par les aléas de la misère et leur dégringolade au plus bas, voire la mort, un cri social revendicateur illustré par un cante minero. Dos au public, seule la guitare invite chaque cantaor à se retourner à tour de rôle pour lancer leur chant, tels des saetas espontaneas après leur introduction par leurs voix respectives. Cette litanie a semblé interminable, mêlant en vrac toutes les misères et oppressions de manière trop linéaire et convenue, déjà maintes fois traitées et évoquées par d’autres artistes avec un résultat plus heureux …




Enfin, quelle mouche les a piqués de vouloir chanter en canon ? Faisant penser parfois aux polyphonies corses ou aux voix Bulgares ? Exercice certainement formateur pour la discipline de leur oreille mais qui a donné lieu à une cacophonie inaudible qui n’apportait rien de flamenco à l’affaire …




Si la performance est à louer, j’ai eu l’impression qu’ils étaient « hors sujet ».




Fuensanta … mejor que santa




Tout autre niveau avec Fuensanta La Moneta. Un tourbillon jaune safrané d’un mantón fou virevoltant et claquant comme un étendard. Un regard batailleur et déterminé qui fixe comme voulant mitrailler l’assistance … Et un autre regard m’est revenu en mémoire : celui de « la » Lola Flores dansant une rociera chez Saura. Assise de dos sur une chaise, sa tête pivote brutalement et elle plante ses yeux como puñales !




La Moneta séduit déjà par sa présence qui inonde la scène : elle tient de l’égyptienne, de l’hindoue, de la gitane, de tout cela dans un fondu détonnant. Sa danse est puissante et sauvage. Elle sa cabre …. on craint la cassure, elle mouline des bras … on pressent la luxation, elle contorsionne les poignets … vont-ils craquer ?




Non ! La Moneta est puissante, charpentée, terrestre, déterminée …. et son regard assassin qui ponctue même les moments les plus sensuels et lents de sa danse nous hypnotise.




La performance du premier tableau est digne de celle d’une athlète de haut niveau …. mais trop longue. Un enchaîné de divers palos qui, s’il est à applaudir sans réserve pour la performance, aurait gagné à être fragmenté. Plusieurs apparitions marquant les transitions des palos auraient donné más aire au spectacle.




Le chant de Miguel Lavis se glisse avec bonheur dans la performance. Cante dépouillé et jondo pour une gitane au corps fougueux et insoumis.







Maja Lola






1 commentaire:

Marc Delon a dit…

"Une gitane au corps fougueux et insoumis..."

Gââassp... comment je fais pour m'endormir moi, maintenant !!!?