lundi 30 janvier 2012

Pentecôte à Nîmes




Cette année, ce sera plus difficile de se déplacer à Vic le week-end de Pentecôte. Nîmes va jouer la carte toro. En espérant que la présentation suive. Est-ce à cause du différent concernant les honoraires des toreros avec les empresas ? Mais il semblerait, toujours d'après mon petit doigt, que le vendredi sortirait un lot de Fuente Ymbro pour Fandino et Mora (lequel au fait ? mauvais journaliste j'ai oublié de me faire préciser... mais comme David s'est déjà fait voir ici avec succès...) le samedi verrait Urdiales seul affronter un lot de Victorino Martin et le lendemain Castano s'envoyer un lot de Miuras, tout seul aussi ! Si le versant élevage me plait bien, l'option "seul contre six" avec des toreros plutôt cortos s'avère un pari... déjà économiquement gagné pour l'empresa !

dimanche 29 janvier 2012

Pourquoi allez-vous voir les corrida ?



DU SOLEIL A L’OMBRE


Mon aficion a commencé d’une manière très quelconque, par hasard même. Personne dans ma famille n’est aficionado, mais je suis né dans le Sud Ouest, dans une région où aller aux corridas est une chose ''normale'' - on aime ou on n’aime pas, mais la corrida y fait partie du décor- Je me rappelle un copain dont le père était fou du Cordobes, ou de peintures de corridas accrochées aux murs des appartements. Mais on n’en parlait pas, chez moi, parce que ça n’intéressait personne.



Ma première rencontre avec la corrida s’est faite par hasard. Abonné à Canal + pour le sport, j’ai regardé par curiosité une corrida. Ma première réaction a été plutôt négative, plutôt dégoûté. Mais j’en ai regardé une deuxième et une troisième, et cela m’a plu davantage. J’ai ensuite acheté des places a Bayonne, et j’ai vu quelques corridas.



Très vite, je me suis rendu compte que je ne comprenais pas ce qui se passait et que cela m’empêchait d’apprécier le spectacle. Comme l’a dit le rugbyman Fabien Galthié : « on ne peut comprendre la corrida que s’y on a été initié ». J’étais fasciné mais sans comprendre pourquoi. Ne connaissant personne pour m’initier et comme j’aime lire, je me suis constitué ma bibliothèque taurine et j’ai appris, confrontant mes connaissances théoriques à ce que je voyais dans les arènes ou à la télévision. J’ai lu les ouvrages d’explication (Popelin, Jean Pierre Darracq, Del Moral) ainsi qu’un livre qui m’a marqué : Torero d’Or, qui commençait à m’expliquer le monde des toros ou plutôt des toreros, au-delà de la conduite de la lidia. Je me suis également abonné à ''Toros''.



Rapidement, je me suis rallié aux arguments des aficionados toristas, sans doute influencé par mes lectures et l’ordre dans lequel je les ai lues : le toro, le toro et le toro. Cela m’a permis de bien comprendre la corrida. Je reste convaincu que le toro est la base de la corrida et que seule une lidia appropriée au toro et aux règles de la domination de l’animal a une valeur, mais j’ai aussi évolué : je ne considère plus le toro comme seul protagoniste digne d’intérêt dans la corrida. J’ai vu des corridas avec des toros-toros mais intoréables. Pas une passe. Par contre, je pense qu’il faut un tercio de piques bien construit - toro bien accueilli a la cape, bien placé et bien piqué- et une faena bien construite. Il faut d’abord soumettre le toro, le faire charger, utiliser les passes adéquates, véronique, naturelle et derechazo, pour ensuite pouvoir utiliser des passes d’ornements. Qu’y a t-il de pire qu’un toro qu’on n’a pas toréé ? Quitter la corrida en se disant, c’était joli mais…



Je pense que pour bien comprendre la corrida, il faut commencer par regarder le toro. Ce sont les fondamentaux de la corrida : améliore-t-on le toro, le fait-on charger ou le regarde-t-on passer ? C’est l’histoire du train qu’on fait dérailler ou qu’on regarde passer. C’est la démarche basée sur le toro d’abord que je proposerais à tout novice. Ensuite, on peut regarder autour. Je reprends une citation d’Antonete : « Pour être un bon aficionado, avant d'être torerista, il faut être torista. C'est seulement ainsi que l'on comprend le toro et que l'on sera juste avec les toreros. » Par contre, au bout d’un moment, je me suis senti limité dans une approche exclusivement torista. Je me suis rendu compte que beaucoup trouvaient de l’art dans la corrida et que mon approche rigoriste m’en privait. Inversement – et il suffit d’entendre les débats toristas/toreristas pour s’en convaincre – je ne crois pas qu’une corrida uniquement construite pour un torero soit intéressante. Il faut un minimum de toro. Tout l’équilibre que je recherche désormais est entre ce minimum de toro qui donne au spectacle son authenticité et sa valeur, et ce maximum qui ne donne que des satisfactions purement intellectuelles, voire aigries ( où est la satisfaction de constater que personne ne sait affronter les monstres ? ).


C’est ce chemin que j’essaye de parcourir désormais : trouver une corrida dans laquelle les toros sont respectables, la lidia bien construite, sans tomber dans une austérité appauvrissante, avec de l’art. Comment sortir de cette ambiguïté ? De l’art certes mais pas au détriment de la lidia. Une bonne lidia, mais avec des gestes. Un bon toro, brave, farouche, combatif mais toréable. Il me manque des yeux pour arriver à suivre ce toro, cette lidia, avec toute la concentration nécessaire, à étudier le placement du torero - de profil, croisé…-, les réactions du toro, tout en conservant le relâchement nécessaire pour se laisser envahir par l’art d’une naturelle templée avec goût. C’est ce que je recherche aujourd’hui, mais j’y parviens mal, ou alors à retardement. Une approche rigoureuse – pas rigoriste – de la corrida pousse hélas à relever les défauts ( oui, mais…) et ce n’est parfois qu’après la course que je réalise que ce n’était peut-être pas si mal, que cette faena était de bon goût. Une approche rigoriste, pour moi, pousse à chercher les défauts, et qui cherche trouve.



Pourquoi vais-je aux corridas ? J’ai du mal a le dire. Je trouve fascinant qu’un homme puisse affronter un animal si dangereux, si impressionnant et qu’il le fasse non seulement en respectant des règles, mais en essayant d’y mettre une esthétique, une expression. Qu’il nous fasse oublier le danger, qu’il s’attèle a ce problème, façonnant son adversaire, le soumettant sans forcement le violenter, à faire ce que bon lui semble. Sans doute aussi y a t-il dans la corrida une vérité, la vérité : celle de la vie et de la mort. Celle d’une mort que l’on accepte et que l’on regarde. D’une mort sans honte, pas la mort cachée des abattoirs, que l’on donne - ou que l’on devrait donner - de la plus sincère des façons : en offrant sa propre vie. Pourtant il n’y a en moi aucun voyeurisme. La mort, la violence, la souffrance ne sont pas des choses que j’aime. Je ne regarde pratiquement aucun film violent, justement parce que je les trouve généralement exhibitionnistes. Ce n’est pas la violence qui me choque, c’est son exploitation. Or la violence et la mort, dans la corrida, sont modestes, généralement pleines de pudeur. Il n’y a pas de scène horrible, du moins de mon point de vue, alors que je pense être plutôt sensible de ce côté-là. Je ne trouve pas de violence dans la corrida, tout en comprenant à quel point ce que j’écris peut paraître paradoxal.



Vérité aussi dans les rapports avec le toro : il faut respecter l’animal qui va mourir, le faire passer, l’éduquer a la corrida, le toréer en le respectant, le tuer en le respectant également.



Vérité encore dans l’expression d’un art, d’un combat qu’on ne peut prévoir, préfabriquer. Tous les toros sont différents, et il faut s’adapter à chacun. Pas seulement pour en triompher, mais aussi pour créer une œuvre éphémère. Et pas question de tricher, sauf à refuser le combat et à laisser sonner les trois avis, tout toro, même faible, même afeité, peut donner la mort a chaque instant. Qui n’est pas sorti déçu – ou au contraire enchanté – d’une corrida ''écrite à l’avance'' et qui a déjoué tous les pronostics. Je n’avais jamais vu ''El Tato'' toréer, et j’en avais lu le plus grand mal. Je l’ai vu à Mont de Marsan en juillet 2000 sortir LA corrida devant des Victorinos qu’on ne soupçonnera pas d’être des animaux commerciaux. Apparemment, cela a été sa corrida de l’année, son grand triomphe. Mais quel régal de voir ces toros difficiles mais qui avaient tout à offrir à qui savait y faire. Et ce jour la, Raul savait. Son début de faena a son deuxième par doblones, genou bien plié, en gagnant le centre, en faisant charger le toro comme il le fallait, en lui donnant la sortie, avec goût et domination, est encore dans ma tête. Et je suis sorti de là en ravalant mes préjugés. Tout ce que j’avais lu était sûrement vrai, et peut-être ne le verrai-je plus jamais toréer aussi bien, mais ce moment imprévu est là, il existe, et il n’existe que dans ma tête et dans celle de ceux qui ont vu et qui ont apprécié. Inversement, Caballero dont je lis le plus grand bien ne m’a jamais ni ému, ni impressionné par une lidia d’autorité. Il est essentiellement un torero de muleta et pas le plus esthétique a mon goût, ni connaisseur comme un Ponce. Mais la magie de la corrida se cache aussi dans ces surprises, et dans ces déceptions que nous aimons malgré nous : si on savait prédire le déroulement d’une course depuis l’affiche, ce serait simple. Nous le faisons tous, mais avec les divines et funestes surprises du jour J.



Vérité aussi dans l’aficion du torero. Figuras, sans doute, aux salaires mirobolants et aux exigences démesurées. Mais je ne peux pas croire un instant qu’on envisage la tauromachie comme un métier. Bien sur, certains jours, on voit bien que le maestro n’a pas envie, qu’il ''fait le métier''. Mais comment affronter cette peur, ces blessures, sans une aficion débordante ? Comment risquer sa peau dans un festival bénévole si ce n’est par amour du toro. Comment ensuite ne pas remarquer à quel point la tauromachie semble être un art totalement intériorisé en voyant toréer certains maestros ( on pense a Jose Tomas bien sur, mais a beaucoup d’autres aussi ). Ceci est un mystère que j’aimerais comprendre : qu’est-ce qui fait toréer les toreros ? Que ressentent-ils qui nous est inaccessible ? A cet égard, la correspondance entre Luis Francisco Espla et Jacques Durand dans le livre ''Toro'' a été pour moi une lecture extraordinaire.



Mais si vérité il y a, elle n’est que subjective, fugitive, partielle et partiale. C’est aussi le charme de la corrida. Discuter avec mon voisin et voir les mêmes choses, ou le contraire.



Un autre de mes intérêts est l’élevage du toro : comment, avec des moyens dont certains sont artisanaux, si on compare à l’industrie agricole, peut-on générer ces toros qui auront – idéalement – le caractère voulu, sans les entraîner spécifiquement au combat qui les attend. Qu’est-ce qui fait que le toro répond à l’appel du torero, et se laisse, malgré lui, emporter dans ce ballet ?



Mystère encore dans cet affrontement, ce combat qui n’en est pas un. Si on excepte la pique, la lidia n’est pas un affrontement direct, c’est un jeu de leurre, de directions suggérées, que le toro finit par prendre, sans vraiment comprendre ce qu’on lui fait. Magie des leurres qui emmènent le toro à charger comme on le veut, sans même le toucher.



Mon travail m’a amené il y a bientôt 18 mois aux Etats Unis. Loin de la corrida, bien sur, si étrangère aux américains (Hemingway n’est qu’une exception, peu lu et vu ici comme décrivant un monde pittoresque et pour tout dire un peu sauvage). Le Mexique est à huit heures d’avion. Lié à mon travail, à ma localisation parisienne et à mes jeunes enfants, je ne courais pas particulièrement les corridas de France et d’Espagne, mais elles étaient là, offertes avant mon expatriation. Je n’avais qu’à le décider pour y aller. Depuis, bien sur, les choses ont changé. J’ai heureusement découvert que les nouvelles technologies permettaient de garder le contact (internet), mais quand l’été dernier je suis rentre en France pour 15 jours, je me suis abonné aux fêtes de la Madeleine, avec la volonté de déguster les seules corridas que je verrais pour l’année. Et je me suis régalé. La formule d’abonnement a fait que j’ai assiste à 5 corridas très différentes les unes des autres. Pour caricaturer, 2 corridas toristas et 3 corridas toreristas. Mais j’y suis allé avec l’enthousiasme de celui qui sait que chaque minute compte. Bien sur, les toros des trois corridas toreristas ne m’ont pas plu : faibles, petits, commodes d’armures et un peu niais pour certains, mais j’ai vu des gestes, le temple d’un Morante, une estocade de Caballero. La corrida de Victorino était très bonne, et, je l’ai dit, El Tato s’est hissé à son niveau. Et puis, comment ne pas goûter la diversité des genres : un Fernandez Meca, toujours probe et sincère, un Ponce froid certes, mais dont la science taurine parait illimitée, un Juli enthousiaste, puissant … et un rien cabot, un Tomas renfermé mais a l’art si profond… Pourquoi les comparer ? Pourquoi demander à Morante d’affronter des Palha ? On aimerait bien, certes mais qu’est-ce que cela donnerait ? J’ai longtemps eu cette exigence et au fond de moi, je l’ai encore un peu, j’ai longtemps considéré le matador comme un faire valoir dont le seul rôle était de combattre dans les règles de l’art en mettant en valeur le seul protagoniste intéressant : le toro. J’ai mis de l’eau dans mon vin. Je n’aime pas qu’un torero fasse son numéro indépendamment du toro, mais entre ces deux extrêmes, j’ai trouvé de la place.



Peut-être ce sentiment de rareté m’a-t-il rendu plus ouvert à ne pas en perdre une miette. Mais comme tout aficionado, je crois, j’ai quand même un peu râlé. Juste parce que ce que nous cherchons tous, cette corrida idéale, n’existe pas. Parce que devant une figura, le toro ne sera pas assez toro. Ou l’inverse. Juste parce que cette corrida idéale a venir, ou passée et présente dans nos souvenirs n’a aucune objectivité. Nous en avons l’image que nous voulons, que nous construisons à loisir, une image d’idéal. Etre aficionado c’est être idéaliste, parler de ceux que nous n’avons jamais vu toréer, transformer nos souvenirs, construire une corrida de rêve.



Une autre chose que j’ai apprise, c’est que la corrida n’existe que dans nos esprits : interrogez les spectateurs d’une corrida : qui a vu la même chose ? Alors pour faire vivre ces impressions fugaces, nous avons besoin d’en parler. Ce n’est qu’après quelques années que j’ai prolongé les corridas par les tertulias, et désormais éloigné, par ces forums sur Internet. Je pratique assidûment la course a pied, et mon expérience existe par elle-même. Je peux mesurer mes performances et je n’ai pas besoin d’en parler. Mais pour mon aficion c’est impossible. Les mots doivent compléter, confirmer ou infirmer nos impressions, ne serait-ce que pour rendre réel ce que nous avons vu, ou ce que nous croyons avoir vu. Je suis également fasciné par le fait que nous cherchons tous LA corrida idéale, unique, immuable, éternelle. Pas d’évolution, ce qu’on cherche c’est une chose dont on croit qu’elle est déjà arrivée et qu’on voudrait voir se reproduire, autre mais identique. Pas de modernité dans la corrida, c’est une pierre philosophale qu’on recherche.



Quels sont les moments les plus beaux de la corrida ? Bien sur, comme tout le monde, une faena bien construite, jolie, artistique. Mais c’est là un lieu commun. Il faut aussi traîner autour des arènes avant la course, voir arriver les toreros, puis gagner son siège, saluer ses voisins en espérant qu’aujourd’hui … C’est aussi cette ambiance d’espoir, de tension, de magie, d’enthousiasme ou de déception, les phrases chuchotées a son voisin, cette tension pour ne rien rater. Le moment de la course que je préfère, c’est toujours l’entrée du toro, ces secondes entre l’ouverture de la porte de toril et la sortie de l’animal, le moment où l’on essaye de deviner comment est ce toro, et les passes de cape, données à toro vif, au seul moment où le toro intact donne toute sa force au matador. Ces moments où on passe d’une charge brute sur laquelle le maestro n’a aucune prise, à ces véroniques qui commencent a éduquer le toro.



Voilà. J’ajoute que mon aficion a un peu plus de dix ans, mais cinq de passion démesurée, et que de ces quelques années, je garde une tendresse particulière pour Rincon, sa joie de toréer, la difficulté de sa tauromachie, ses cites de vingt mètres, sa spontanéité.






Nicolas Guyot de Camy

Eva Luisa




samedi 28 janvier 2012

Blogosphère de la toile du Ouaibe sur le net...


Un petit surf fortuit m'a conduit ce soir en de sympathiques contrées qui m'ont confirmé qu'il y avait plus "fada" que moi qui essaye pourtant de ruer violemment dans les brancards pour me soustraire toujours plus aux conseils censés de mes deux chiennes de garde Gina et Lola qui couvent ma production de leur oeil convenable et maternant. Et toujours prêtes à mordre quand on m'attaque, essayez un peu pour voir...
J'ai donc découvert de nouveaux blogs et y ai trouvé de l'esprit et de l'audace et même une belle langue pour Paul le Québecois qui jacte meilleur françousky que nous, et vous ai sélectionné en exemple le premier post de "Être Loin" qui vous invite dans son nombril et le dernier de Laurent Gloaguen qui lui vous invite dans son anus ou en tout cas vous encourage à faire visiter le vôtre. Enfin, si vous êtes un homme, un vrai... On fera peut-être d'autres découvertes aussi talentueusement déjantées en consultant leurs liens préférés ? Bons voyages, donc... Aaaah si tous les anus du monde pouvaient s'entre-bouter la prostate ! Littérairement, au moins...
Déconseillé aux étroits du bocal, aux smicards de la pensée, aux indigents de l'humour, petits fonctionnaires, coiffeuses et autres mesquins du cervelet, aux cathos, conchitos, reglos, fachos y pedritos !
Me cago !

http://etreloin.blogspot.com/2008/06/bienvenue-dans-mon-nombril.html

http://embruns.net/

vendredi 27 janvier 2012

Dessine-moi un Taureau

Il est de Beaucaire, il a vingt-cinq ans, il est passionné de toros et de taureaux, il réalise des films de bouvine ou de corrida pour feria-tv, il m'a emmené en voyage gérontomachique en Extremadure à la poursuite des élevages braves, et aujourd'hui sur son inexorable lancée nous informe de la création de son blog où figurent déjà de bonne idées comme cette annonce des cartels par le centre qu'est le toro, soit où voir cette temporada, tel ou tel élevage (aque pincettes...).

Un oubli de taille cependant en portada, dans la colonne "mes sites préférés" où ne figure pas l'immense, le grandiose, le génial, l'inimitable "Photosmotstoros". A ver... si politesse lui est ou non rendue. Sinon, c'est là, suerte jérôme :


http://dessinemoiuntaureau.blogs.midilibre.com/

jeudi 26 janvier 2012

La Bisounours Polémik' : pros areu contre antis pouët-pouët.

Le Midi-Libre d’hier ouvre une fois de plus ses colonnes au sempiternel débat, le plus souvent d’une affligeante stupidité. Cette fois-ci c’est le professeur Montagner (ne pas confondre avec le Pr Montagnier) qui s’y colle pour les antis, contrarié par Rufo le pédo-psychiatre, un non-aficionado qui précise que si l’on a peur que le spectacle de la corrida traumatise l’enfance il faut alors aussi protéger de tout spectacle de la nature comme celui d’un lion dévorant une proie vivante, par exemple. Or l’homme vit dans la nature, oui, même s’il habite en ville, et il est assez compliqué on l’avouera, de reprocher à la nature d’être… naturelle, et que ses actes soient le fruit d’une déviance quelconque. C’est peut-être violent et cruel pour certains, mais plus naturel, on ne peut pas et il faut regarder la vie comme elle est. En être incapable ne fait pas automatiquement de tous les autres des barbares. Enfin pas plus que la naturelle part de barbarie dont on est aussi fait.


Ce cautionnement sans arrêt recherché - le chercheur intervient après "sollicitation d'une personne de haut niveau militant au sein de la FLAC" - me rappelle les arguments publicitaires des produits ou appareils qu’on essaye de me vendre pour exercer mon métier : c’est toujours accompagné d’une bafouille d’un ''grand professeur’’ grassement rétribué pour conduire une pseudo étude scientifique cautionnant la valeur du produit, et tentant de nous prendre pour des billes.

Ici, en l’occurrence, par le truchement de l’autorité d’un professeur dont la parole est crédible dans d’autres domaines que celui de la corrida, on tente de faire peur aux parents sur les graves conséquences qu’il y aurait à emmener un enfant voir la course de taureaux. Il est vrai qu’au cours des trois derniers siècles on s’est demandé souvent d’où venaient ces cohortes de jeunes Espagnols sidérés qui tapissaient les couloirs des hôpitaux psychiatriques tels des fantômes… Heureusement qu’aujourd’hui le professeur Montagner apporte enfin la réponse.

La vérité est certainement plus proche d’une prévention de principe car l’on sait que ce qui s’imprime tôt dans le cortex, souvent a du mal à s’en déraciner et que vue tôt, la corrida sera au contraire plutôt banalisée que choquante. Et c’est de cette banalisation-là dont on s’inquiète en feignant de croire à des dommages collatéraux et en brandissant la séquelle traumatique irréversible.

Mais nous autres quinquas pas encore séniles, qui sommes allés à la corrida depuis notre plus tendre enfance – trois ans pour moi – savons bien qu’elle ne nous a jamais traumatisés ni projetés dans l’horreur, mais plutôt au final, questionnée utilement sur notre fragile condition et avant cela a transcendé quelques émotions bien humaines. Et j’entends encore ma fille, barbare traumatisée s'il en est, hurlant au même âge « mata lo ! , mata lo ! » en riant, pour adhérer à l’ambiance autour d’elle ; Oh le vilain conditionnement. Je n’en suis pas fier, mais pas gêné non plus. Inutile de vous préciser qu’elle n’est point depuis, plongée dans une sidération conflictuelle mais vient au contraire commenter gaiement mes photos de corrida sur l’écran du PC. Et je sais bien, pour l’avoir vécu depuis mon psychisme, que la corrida n’a jamais provoqué quoi que ce soit de traumatisant ou de violent et jamais on ne m’a rapporté de cas, que ce soit des patients ou des thérapeutes, où il serait possible d'imputer formellement à quiconque le plus petit début de l'ombre d'un commencement de preuve - je parle comme les politiques - dans quelque affliction ou comportement agressif que ce soit. Pire, si les femmes n’ont jamais insisté sur le fait qu’elles me trouvaient beau – eh oui ben tant pis, hein… comment faire ? – elles m’ont toutes assuré de ma grande sensibilité. Et toc ! Ouais je sais, y’a pas de quoi se vanter, faut bien avoir au moins une qualité. Peut-être supérieure à celle du Pr Montagner qui sait ? Il a des instruments pour mesurer ça ? Si oui, joutons de nos QE…

Certes, cette désinformation entretenue par le quotidien régional ne nous est pas adressée mais est destinée à effrayer les indécis des générations qui arrivent. Qu’ils lisent ici qu’il n’en est rien, même si je ne suis pas professeur éminent comme celui-ci qui n’a d’ailleurs jamais mené la moindre étude ni ne possède de travaux pour étayer ses dires si ce n'est une chtite espagnole qu'il cite et dont les conclusions particulièrement solides résideraient dans la force de cette phrase : "cette étude du département de psychologie de l'université de Madrid tend à montrer que l'attitude des enfants vis à vis de la corrida n'est en général pas favorable". Le genre de phrase "Fouzytou" dont la portée remarquable étend sa vérité péremptoire entre les deux pôles... A ce stade "d'indiscutabilité", que les parents aillent plutôt exercer eux-mêmes leur jugement pour éviter l’escroquerie intellectuelle ''professorale ment'' avancée, paraît nécessaire. Merde, me v'la devenu VRP des empresas... Une conclusion qui a tout d'une conviction partisane et rien d'une conclusion scientifique. Le seul fait probant apporté par Montagner étant qu'on peut être émérite chercheur et piètre découvreur. Quant à sa dernière phrase :

"Quand les décideurs auront plus d'humanisme, ils interdiront la corrida ou en tout cas aux enfants de moins de seize ans", on ne pouvait rêver mieux pour entériner le fait de son ignorance totale de la chose. Car si le propre de la nature humaine n'est pas d'avoir conscience de sa propre fin et donc d'être fasciné par cet art du passage de vie à trépas, je ne sais pas ce qui peut mieux l'interroger...

Quant au titre bien gras de l'article qui hèle le chaland :

"Le spectacle de la corrida trouble beaucoup d'enfants"

J'en propose un autre pour initier un article qui ne serait pas dénué d'intérêt non plus :

"Le spectacle d'une femme nue trouble beaucoup d'hommes"

Nul doute que le professeur Montagner pourrait aussi en tirer d'autres enseignements éloquents sur la nature humaine. A charge et à décharge si l'on peut se permettre.










mercredi 25 janvier 2012

Ivoire Brisé de Ludovic Pautier



On est étonné, on tourne et retourne l’ouvrage, coquet, luxueux avec sa couverture à rabats dorés (Atelier BAIE) pour s’apercevoir que la préface est une postface, une page de garde serait au milieu, ou alors, il y en aurait trois comme autant de buvards ayant absorbé des caractères d’imprimerie rouge orangé ou noir.



Façon élégante de donner du sens – si on peut dire- au contenu poétique du livre.



Des vers libres, qu’on ne pénètre pas aussi librement qu’il y paraît. Non ; les observer, tourner autour des titres et effleurer d’abord. Se rendre ensuite sur Wikipedia pour bien savoir de qui on parle, ou à qui le « je » s’adresse quand on est peu familier du sujet. Au passage, écouter un morceau de chant gitan, puisque ce livre les célèbre, et se replonger dans les poèmes. Lire, relire.



Alors on se laisse porter par le lexique, on flotte sur plusieurs nuages, la réalité des narrations de la vie des gitans cantaores, joueurs de guitare, chanteurs de coplas, portraits, souvenirs marquants de leur vie, visions d’Espagne, de terre andalouse, de villages, de bars, allusions tauromachiques.



« C’est un des matins



baveux, où se joint à la nuit



encore maquillée



la salive du jour proche… »






Dans l’harmonie des assonances et de la mesure variable du vers, bref, coupé, pressé ou ample et lent, qui se plie tantôt à la narration, tantôt au martèlement de la musique, du chant et de la danse, on s’imprègne de nostalgie, de tristesse. Il est question, le plus souvent de vieillesse, de vie dure, de pauvreté, de solitude, de mort. On accompagne le chanteur de coplas qui jette ses sons et ses cris, le danseur quand le sol se martèle, que des bras se soulèvent après diverses contorsions, cambrures et tremblements.



« pour écraser la cervelle du duende, lui, Jose,



Tapait du plat



Et du poing de sa main gauche



Sur le mostrador de la peña.



Les filles éblouies



Derrière avaient cessé de glacer



Les verres en tube où ambraient le whisky. »





La poésie est devenue spectacle à imaginer, à voir, à entendre, à ressentir...



Gina

dimanche 22 janvier 2012

NFF : Rocio Molina


Vinática

La scène du théâtre de Nîmes nous est devenue familière, dépouillée de son habillage et dévoilant les murs techniques et les entrailles sombres scéniques (Galván est passé par là !), comme s’il fallait nier tout décor qui évoque la trame du spectacle.

Seul un comptoir de bar devient le fil conducteur de cette Vinática prestation.

Et Rocío Molino approche, déambule et boit, s’attarde au comptoir, à la recherche d’une ivresse, d’un souvenir ?

Habillée d’un noir sobre, presque fondue dans ce non-décor sombre et peu éclairé, on devine quelque secrète surprise …

Avec une énergie et rapidité de danse époustouflantes, Rocío prend possession du lieu et ne lâchera plus les spectateurs captivés par tant de virtuosité.

Son corps est mouvement et garde du flamenco la posture de prise au sol solide et terrienne, jambes fléchies cherchant l’enracinement …. Mais surtout pas l’immobilisme car rythmé par des braceos et expressions du visage.

Elle occupe toute la scène, s’accapare tous les espaces, se déplace avec la rapidité du vrai duende des contes de fée, lutin facétieux et bondissant, pas celui qui sourd des profondeurs inspirées du flamenco.

Car Rocío est véloce et insaisissable. Sa gestuelle précieuse travaillée est celle d’une danseuse moulée par le classicisme académique qu’elle a eu sans doute comme école.

Son corps se plie, se tord, se laisse emporter par la musique en synchronisation parfaite, réglée rythmiquement comme une horlogerie.

Toute la lumière accroche son visage et la gestuelle de ses mains qui dessinent littéralement et inlassablement volutes, fulgurances et déploiements ondulants des poignets, se termine souvent par des arrêts secs du mouvement, comme voulant nous emporter vers le rêve et nous en frustrant avec brutalité …. Un verre de vin porté aux lèvres qui nous échappe brutalement et se brise.

Verre littéralement cassé que Rocío projette sur scène avec violence et qu’elle piétine au risque de blesser par projections les spectateurs du premier rang.

Quelle symbolique et quel message véhicule ce Vinática ? Il serait bien réducteur s’il se résumait au divin breuvage bachique …. Mais certainement plus opulent s’il évoquait les ivresses les plus créatrices et pourvoyeuses de rêves … c’est dans ce sens que je l’aurai compris ou interprété.

Rocío nous donne l’ivresse dans sa danse spectaculaire et diaboliquement minutée et maîtrisée.

Chaque geste, chaque déplacement, s’inscrivent dans l’harmonie musicale. Sa beauté et sa grâce, la virtuosité de son art sont à leur comble lorsqu’elle paraît habillée sobrement et parée d’un foulard qui la ceint évoquant quelque costume hindou, un tambourin lumineux entre les mains.

Des percussions aux sonorités rythmiques légèrement arabisantes ponctuent cette danse qui devient parfois sarabande. Un déhanché en cadence qui centre toute son énergie dans ce bassin enveloppé du foulard chatoyant, seul point coloré voulant être la seule cible visuelle, posture des jambes légèrement fléchies, pieds presque joints et genoux légèrement écartés évoquent une danse hindoue, l’exotisme est là. Puis un noir total et brutal présente le tambourin lumineux ondulant au rythme de la danse, objet lunaire vivant.

Rocío explore manifestement toute expression chorégraphique avec un travail évident de recherche de métissages harmonieux et l’obsession d’en tirer la perfection.

La « flamenquitude » de la gestuelle n’est pas tout à fait ignorée mais paraît comme assourdie. Lorsque la chorégraphie s’en éloigne, elle revient marteler par un zapateo, histoire de nous rappeler que le flamenco est encore là.

La performance est à ce point exceptionnelle que l’on oublierait le guitariste Edouardo Tassiera, géant, le chanteur José Angel Carmona à la voix pure et puissante et le compás de José Manuel Ramos exceptionnel dans une rythmique de nudillos sur le comptoir que Rocío et lui ont interprétée de manière magistrale.

La prestation de la soirée de clôture de ce Festival est sans nul doute exceptionnelle et Rocío Molina et Israël Galván resteront des « moments monuments » de ce cru 2012.

Faut-il avoir cependant la grossièreté (je pèse le mot) de dire que la virtuosité de la danse de Rocío réside dans une technique, une créativité, une beauté et une perfection du geste incontestables, mais que je n’ai pas senti le pellizco et l’émotion profonde que me procure le flamenco ?

Oui, lecteur. Vous pouvez bondir. Et vous amoureux de l’art de Rocío pouvez vous offusquer.

Mais j’ai assisté à deux spectacles « flamenco-créatifs-contemporains » de la nouvelle génération de danseurs talentueux où j’y ai décelé des similitudes gestuelles et scéniques qui me font (peut-être) craindre une « normalisation » ou « formatage » de cette nouvelle approche de la danse flamenca. Galván restant cependant pour toujours, je le pense, le maître de cette « movida » créatrice.

Mais ne jouons pas les réactionnaires primaires … Le spectacle fut total dans l’esthétisme visuel et la virtuosité chorégraphique, et aux commentaires élogieux et passionnés qui traînaient sur les marches de notre place de la Calade, il est prouvé que la programmation de ces artistes est une réussite totale qui aura donné émotion au plus grand nombre de spectateurs.


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J'ai lu Maja Lola avant d'écrire mes impressions et trouvant cette resena si parfaite, "cumbre", qui se hisse vraiment au niveau du spectacle qui l'a inspirée, je n'ai pas envie de la polluer de mes fantaisies habituelles. Juste dire quelques réflexions particulièrement bien senties dans les lignes qui précèdent. On peut effectivement admirer à juste titre les prestations d'ailleurs peut-être légèrement inspirées l'une de l'autre des deux parangons de la contemporanéité flamenca. Comment ne s'influenceraient-ils pas alors qu'ils doivent vraisemblablement attendre et boire la nouvelle création de l'autre avec délectation ? Mais Maja Lola pose le bon débat. Quand la virtuosité éloigne le pelizco, l'âme du flamenco est-elle visitée ? De la même façon que devant les toros un Enrique Ponce a souvent été parfait sans jamais me transmettre la moindre émotion, Galvan et Rocio Molina m'ont impressionné mais jamais ému.
La caste d'El Peregrino, la brutalité de la Kaita, la combativité de la Moneta, la passion renversante du grand Capullo de Jerez, et la déchirante interprétation de la Bacan voilà ce qui m'a donné le frisson. Maja Lola rajouterait peut-être le petit danseur fougueux dont j'ai oublié le nom ? Et je l'ai eu aussi, ce frisson, à la lecture de cette dernière resena de la Maja Lola ! Je veux ici lui rendre un hommage appuyé, elle qui n'a pas rechigné à ma proposition et s'est au contraire assignée dans la bonne humeur, corps, âme et intellect à rendre compte avec une extrême sensibilité et un brio à faire pâlir 99% des journalistes professionnels. On me pardonnera ou pas l'immodestie, mais je ne vois d'ailleurs pas d'équivalent sur le net concernant une couverture aussi exhaustive et désintéressée de ce festival, réalisée par plaisir et par passion. Evidemment, si j'avais pu faire des photos à tous les spectacles, cela aurait été encore mieux ! Gentille allusion pour l'année prochaine...
Il est maintenant grand temps d'aller digérer toutes ces émotions au soleil de la terrasse en tirant sur un puro de Cuba.


NFF : Ines Bacan et Antonio Moya

Il ne faut pas regarder Bacan avec les yeux d'un rationaliste. Sinon que voit-on ? Une vieille – mais qui ne l'est pas tant que ça - et très grosse – là, oui - dame dont on se demande dès qu'elle apparaît, si elle arrivera jusqu'à sa chaise pourtant seulement distante de quelques mètres. Quasiment confite dans sa graisse elle avance péniblement et on se prend à plaindre la chaise. Je suis vulgaire ? Superficiel ? Indélicat ? Désolé, mais elle se donne en spectacle et la vue est le premier sens par lequel on l'aborde. Une fois compris et admis qu'elle ne vient pas nous donner une conférence sur la façon de courir l'encierro à Pamplona, on l'écoute religieusement – d'autant mieux qu'on est à l'institut D'Alzon et en petit comité - puisqu'on est venu pour ça. Son visage, toujours à cause de cette hyper plénitude est inexpressif : qu'elle sourie, parle ou chante, cela ne modifie pas vraiment ses traits de semi-divinité sumo andalouse. Antonio Moya s'assoit, casse une corde en plaçant son capodastre et disparait pour effectuer la réparation. Ines Bacan sur qui trois cameras de télévision et tous les yeux du public sont braqués, apparait désemparée, seule, immobile et silencieuse sur sa chaise, incapable de la moindre communication avec son public. Etonnant. Et peut-être la preuve par cet incident que le chant profond ne produit pas de bêtes de scène mais donne maladroitement à voir des individus venus confier leur intimité.



Aux premières mesures de son chant, voulant analyser l'incompréhension qu'on éprouve, on se demande ce qu'on a raté puisque elle est universellement reconnue comme Diva du cante jondo, alors que sa voix n'est ni remarquable, d'une tessiture assez morne, son timbre même pas agréable pour le dire franchement, voire monocorde, adjectif qui reviens assez souvent dans la bouche de ses auditeurs au sortir de ses spectacles. Pire, lorsque son phrasé se prolonge un peu, elle vire au rouge cramoisi et le kiné observe qu'elle est en détresse respiratoire. Enfin, pour continuer d'énumérer les ''réserves'', au cours du spectacle, deux acolytes palmeros la rejoignirent, habillés en « faute de goût majeure » comme seule l'Espagne en produit, qui avaient cru bon de revêtir le même tee-shirt et semblaient être une équipe ringarde de magasiniers en attente de commande dans l'arrière-cour de ''Tamanti Matériaux''. Trop nuls !



Et puis, il y a eu cette berceuse. Une berceuse si lente, si ténue sur le fil perpétuel du décrochage, une berceuse si émouvante, que tous les ex-bébés présents dans la salle ont reçu dans leurs entrailles le couteau de la douleur de leur maman disparue ; Ah la salope ! Lecteur choqué, ce terme toujours, est affectueux dans ma bouche... J'ai régressé inexorablement. J'ai commencé à renifler. Et puis ce qui a suivi était aussi lent que la berceuse, et la Bacan, j'ai enfin percé son secret, plus c'est soi-disant monocorde et lent, plus jaillit ce qui est déchirant. Pire que la vecina j'ai chialé... en écoutant cette femme qui pendant ses quarante-cinq premières années n'a pas chanté une strophe. A emmagasiné, mutique, son art au sein d'une famille mythique pour nous le restituer soudain. J'ai lutté pour ne pas partir, c'était déchirant tendance insupportable. Inhumain.


Ma voisine m'a regardé, elle avait sûrement envie de me donner la main, enfin j'espère, me soutenir, me consoler, m'accompagner, je me suis tourné vers elle les yeux embués et lui ai juste dit :


Elle m'a eu... !


(et si j'ai pensé à nouveau "la salope" il n'est peut-être pas utile que je le réécrive à nouveau, si ?)




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Ines Bacan et Antonio Moya




Elle est la discrétion même Inés Bacán lorsqu’elle entre dans la salle lentement, comme une visiteuse qui ne veut pas nous déranger, sourire timide aux lèvres … Nous restons attentifs et silencieux.



Mais une corde qui saute à la guitare d’Antonio Moya et voilà l’atmosphère détendue par l’anecdotique incident.



Puis la voix s’élève naturelle et vraie, sans l’artifice de la technique, devant un cercle réduit de spectateurs chanceux qui lui font cercle. Car entendre la voix de Bacán se mérite comme un vin rare.



Por seguiríyas et fandangos, elle donne ou plutôt offre cette authentique voix profonde et enracinée dans ce flamenco naturel et vrai que des « passeurs » (peu nombreux) tels qu’Inés transmettent encore pour notre plus grand bonheur.



Bonheur boudé par des amateurs de trémolos et pirouettes vocales et qui reprochent parfois à Bacán sa voix monocorde ….. « amateurs » ci-dessus, passez votre chemin …



Car nous sommes en présence d’un monument vivant qui s’est donné pour raison de vivre de donner respectueusement le vrai, l’émotionnellement authentique, ce chant qui coule dans ses veines. Ce chant de ses ancêtres qui est souvent l’héritage le plus précieux et immortel que puisse véhiculer l’être humain.



Une oralité majeure et forte mille fois plus puissante et vraie que tous les réseaux internet. Certes plus restreinte, plus intime, mais plus pure et proche du cœur.



Inés Bacán nous a donné tout cela ce soir. Et une « Nana » exceptionnelle de sensibilité, de tendresse et de profondeur m’a fait venir les larmes aux yeux et a « converti » mon voisin de chaise.



Toute l’émotion du monde planait dans la salle, apaisée quelques instants après par un palmeo de Bobote qui est venu donner une patá sympathique, toujours ponctuation festive des messes flamencas.



Antonio Moya, à la discrétion également évidente, l’a accompagnée avec un toque personnel totalement en phase avec le cante d’Inés.



Et toujours avec discrétion, un sourire plus marqué et plus détendu, Inés Bacán a quitté la pièce sous les applaudissements enthousiastes et conquis du public.



Un public qui n’exigeait pas un « bis », qui ne criait pas, ne s’agitait pas … comme voulant préserver l’instant, rester le cœur apaisé et l’émotion intacte, ne voulant pas casser ce sortilège.



Muchas gracias, Señora Bacán.




PS : pas besoin de signer les textes, vous savez maintenant qui écrit quoi... les photos étaient interdites pour ne pas déranger la télévision. Il existe donc une possibilité que vous voyiez un jour ce concert dans votre écran plat... consolez-vous.

NFF : L'envol d'Eva Luisa


Après le troisième âge du théâtre pour les extremenos, grosse affluence rajeunie pour voir la danseuse nîmoise toujours agréable à regarder. Présent au premier rang, j'ai pu constater que le baile est un processus de dégradation lente d'une danseuse entrée impeccablement apprêtée. C'est d'abord le chouchou qui chut, puis une barette, puis des perles blanches qui rebondirent gaiement sur les planches. Et quand les mèches de cheveux d'Eva commencent à se libérer... elle est encore plus.... c'est alors que son cajonista de compagnon la regarde avec encore plus d'envie, ça se lit dans son oeil de percussionniste amoureux. Le chanceux... ça doit être top comme situation : tu regardes deux heures durant ton amoureuse se contorsionner sous ton nez et puis tu l'as ramènes à la maison... Non ? Perso, j'exigerais qu'elle ne se change pas... Allez... fissa à la casa... en tenue règlementaire de fantasmeur ordinaire de danseuse andalouse... sinon, quel avantage de supporter à l'année une fausse gitane jalouse et capricieuse qui ne cesse de taper des pieds...?

Il faudrait que je vous entretienne un peu de son style... mais là je comptais sur la désormais plus célèbre revistera de la place de Nîmes... las...il semble qu'elle ait eu un empêchement qui compromit sa resena. Quant à moi, pour me rappeler d'une prestation antérieure d'Eva Luisa il ne m'a pas semblé qu'elle ait beaucoup fait évoluer son style. Sans doute lui faudra-t-il se fâcher un peu plus, être un peu plus ballottée par les aléas de la vie, murir, quoi, ou bien tout simplement chercher dans d'autres directions que son registre naturel pour évoluer. En tout ças, une jeune danseuse à suivre comme son ombre, ce qu'a bien compris le joueur de cajon.

samedi 21 janvier 2012

NFF : De Tangos y Jaleos


Lecteur, nous n'en pouvons plus, il est temps que se festival se termine : couchés tôt, levés tôt, bosser, regarder de jolies filles pas bégueules retrousser leurs jupes avec alegria ou bien de jeunes pur-sangs ''taconer'' comme des malades..., hier soir Maja Lola prise par un autre engagement a jeté l'éponge et me laisse lamentablement resener ''De Tangos y Jaleos'' d'Extremadure, seul. Attendez-vous donc au pire. Alors... para mi... résultat mitigé... ça dépendait des moments... parfois, cette joyeuse bande produisait un truc qui me faisait osciller entre un show de l'office de tourisme pour promouvoir cette région austère et l'exhibition pour pensionnaires du troisième âge...

Mais pas quand la Kaita vociférait, elle qui n'en a jamais assez de la puissance qu'elle exprime et demande sans arrêt à la table de mixage de monter le volume ! Quelle sauvage, cette fille ! Ce qui n'est pas un commentaire négatif. Quelle indienne ! Quelle Cheyenne ! Quelle chienne de rue inaliénable déjouant toutes les fourrières ! Tympans délicats s'abstenir ! Et comment elle se jette à terre à la fin pour remercier qu'on l'applaudisse ! Sacrée gitane ! Je n'aimerais pas être sous ses ordres !

L'autre figura qui se détachait était un vieux danseur aux cheveux blancs ''El Peregrino'' et peut-être même au maxillaire déserté car lorsqu'il a poussé le cante ça faisait un drôle d'effet ! C'est vrai qu'en Extremadure, pour trouver un dentiste...

Il s'est levé soudain et sa prestation était si exacte et incisive, son style était si étonnamment tonique par rapport à son apparence, qu'à l'issue de sa première courte et intense prestation un immense Olé synchrone s'est élevé de la salle pour le saluer. Noun de diou quel type !

Après, à 22h30 à l'odeon bondé, la belle Eva Luisa prenait son envol... Mais là, je dois vous quitter pour aller écouter Ines Bacan... Je vous le dis, je n'arrive plus à fournir.....

vendredi 20 janvier 2012

NFF : Galvan !



La Curva de Galván




Tous les voyants étaient au rouge …. « no hay billetes » depuis longtemps. Une longue file d’attente à l’entrée du théâtre … « vous avez une place à vendre ? »


Théâtre comble donc pour le rituel, la messe Galván. Et l’antre scénique n’a pas déçu.


La scène du théâtre apparaît dépouillée de toute cloison, rideaux et autres paravents, pour dévoiler des murs bruts et meurtris par câbles électriques, raccords de plâtre et porte maladroitement maçonnée. Se crée ainsi une atmosphère brute et silencieuse avec chaises empilées (rapidement projetées au sol) et une table destinée à Ines Bacán et Bobote. En dissonance avec ce décor, comme échappé dans cet univers d’arrière-boutique trash, un piano à queue rutilant.


Et Galván danse. Il pense aussi, longuement … très longuement. Jamais comme ce soir on a pu sentir la dévotion pour cet artiste de la part de ses adeptes et la déception des puristes flamencos « canal historique ».


Car Galván ne laisse pas indifférent. On peut ne pas entrer dans son univers, mais il est impossible de nier sa vivacité créatrice, son univers particulier, la technicité hallucinante de sa danse.


Il joue de sa silhouette en « cassant » les codes du baile …. Ses postures si particulières (animalières disent certains) sont devenues la marque de fabrique du danseur. Axés autour de son corps-compas, ses membres dessinent des mouvements géométriques dans l’espace, gestuelle à la fois déroutante et fascinante.


Galván est un zébulon fou et onirique dans son inspiration. Par sa « folie » créatrice et sa gestuelle déroutante il donne matière à son art.


Et on se torture en conjonctures évocatrices de son « message » … alors qu’il suffit de se laisser tout simplement transporter par l’OVNI inspiré. En lâchant prise sur nos certitudes, en oubliant méthodes, académismes et « écoles » …


Galván est ce personnage à l’imperméable de gamberro callejero qui erre dans ce décor, hèle un taxi, fait salon en changeant de fauteuil pour se faire face en improvisant un dialogue … avec lui-même !


Un tapis de blanche et pulvérulente matière reste le point d’orgue scénique final. Blancheur poudreuse sur laquelle danse, saute, roule et se vautre le danseur dans une jouissance non retenue. Poudre qui amortit su zapateo, qui en étouffe le son, poudre qu’il brasse et projette vers le ciel pour se délecter de sa retombée sur lui-même … superbe image qui a dû être immortalisée par l’heureux photographe présent près de la scène.


Comme toujours, Galván ne donne pas les codes de la symbolique de son art. Poudre blanche du talc de l’enfant évoqué par la « Nana » doucement chantée par Ines Bacán ? Poudre blanche pour « inspirations » hallucinogènes projetée jusqu’à l’orgie ? Poussière de vie réduite en cendres de mort ?


Galván ouvre la porte à toute interprétation libre, créatrice et personnelle. Il est dans la contemporanéité originale et vraie. Malgré les apparences, rien d’abscons dans sa gestuelle et son message. Le flamenco est bien là par ses zapateos brefs et le « phrasé » de ses déplacements sur scène. Il est tout simplement doublé et servi par une codification particulière de la gestuelle de l’artiste.


La question reste toujours la même : peut-on y entrer facilement ?


Je me la suis posée tout au long de la soirée …. Allant d’une Ines Bacán matrone pura flamenca primitive statique et souvent silencieuse, un Bobote qui esquissera une danse pseudo-latino en corps à corps avec Galván (moment étonnant de fin de spectacle) et une pianiste qui tord, pince, martèle, torture les cordes de son piano, façon Boulez …


En fin de soirée, la magie a agi …. J’ai été convertie à la Galvanomanie … le « déclic » a été la fameuse chanson d’Atahualpa Yupanqui interprétée par la voix profonde et primale d’Ines Bacán …


« Por que no engraso los ejes, me llaman abandonao


.


Si a mí me gusta que suenen, pá qué los quiero engrasaos


.


Es demasiado aburrido, seguir y seguir la huella … »




Voilà. Galván ne suit pas LA huella …. Il crée SU huella. Qui n’appartient qu’à lui.


Maja Lola


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Galvan, Bacan, Dukan


Avec Israel Galvan, j'ai le sentiment d'atteindre mes limites, peut-être parce que lui n'en a pas. Par carence, par lacune, par inculture, par petite mais constante allergie à la contemporanéité et à l'intellectualisme, au conceptuel, je me sens largué, hors de portée de la portée de ce spectacle. Dû moins dans l'instant où je le vois. J'étais prêt à écrire des énormités faciles comme je sais le faire. Me défouler. J'aurais pu vous dire que ce danseur de service aurait été bien apprécié à Göteborg peut-être, mais là, sans aucune référence identifiable à l'Espagne (pour moi...) je n'avais pu entrer...j'aurais pu parler de longueurs, d'effectisme, mais ce mot n'existe pas, de postures animales parasites, de héron cendré, d'égyptien profilé, de kata japonais ou de lame damassée. Autant dire que j'aurais pu me ridiculiser et apparaître tellement vulgaire mais à la faveur des rencontres au sortir du théâtre, j'entendais des voix dans le lointain. Des voix qui me disaient :



« Eh couillon, t'aurais voulu qu'on te joue des castagnettes peut-être ? »



Et la honte m'envahissait. En qualité de quoi étais-je habilité à rendre compte de ce spectacle en faisant tout un fromage négatif sur un artiste surdoué, alors que j'étais passé au travers de son art, aussi étranger qu'un politique aux aspirations du peuple ?



Mais pourquoi, c'est pas bien les castagnettes ? Ça claque comme les passions de ce pays, ça titille les émotions à répétition, ça imprime une cadence... Mais c'est vrai qu'il n'y a pas plus con qu'une paire de castagnettes. Y-a-t-il des virtuoses du petit instrument noir et agaçant ?



Seulement voilà, j'ai croisé la route d'une savante musicologue, érudite du genre, mâtinée Lacanienne, qui l'avait trouvé plus flamenco que flamenco. Qui a ouvert des pistes de sens profond. Qui me dévoilait peu à peu toute ma vulgarité au fil de la discussion. Seulement voilà, quand la très grosse dame à la voix monocorde avait chanté, ma voisine avait pleuré. C'était ma voisine de tendido et ma voisine tout court et c'est moi qui l'avait emmené. Au bar avant le spectacle, elle avait même laissé échapper dans un de ses élans de spontanéité qui font son charme qu'elle était heureuse, d'être là. Enfin quelqu'un que j'arrivais à rendre heureux ! C'est facile, parfois. Je connais peu ma voisine mais elle semble dotée d'une belle sensibilité. Juste avant qu'elle pleure, j'avais quand même noté qu'enfin cette complainte de la très très grosse dame triste posée comme un monolithe, était belle. Que fallait-il faire ? Saisir la main de ma voisine pour un moment rare d'humanité qui pouvait la gêner si je ne la relâchais pas à temps ou la laisser pleurer dans son coin, ce qui était la plus lâche et la plus pratique solution ? J'ai été lâche, c'était pratique. La vraiment très grosse dame qui ignore tout de sciences pourtant bien rodées comme l'endocrinologie ou la diététique, et laisse une obésité morbide l'envahir ce qui nous privera de son chant prématurément, à la voix jugée monocorde était Ines Bacan, la voix des voix, la chanteuse des chanteuses. Je pose alors une question, lecteur : quand on est LA dépositaire du chant profond inscrit au patrimoine immatériel de l'humanité a-t-on le droit de continuer à se bâfrer de beignets en tous genre et de migas pour raccourcir toujours plus son espérance de vie ? Puisque personne ne dit ce que tout le monde pense en l'apercevant ? Qu'en pensent les musicologues distinguées ? Que fait Dukan ? Et là où j'avais entendu de la monotonie, la musicologue avait perçue le sublime de l'épure. Elle parlait aussi de référence d'outre-tombe lors du zapateo enfariné, sourd, qui soulevait des nuages de cendres photogéniques. Il y avait aussi un piano dont-on jouait bien sûr d'avant-gardiste façon, sur les cordes, en y frottant des pianos-toys, peut-être... pour le faire miauler.



Soit. Mais alors, si en mettant en présence la voix des voix et le danseur des danseurs cela ne peut toucher que la frange la plus érudite des spectateurs tant le langage est conceptuellement ''capillo-tracté'', as-tu atteint ton but Galvan ? L'excellence doit-elle passer par un élitisme incompréhensible à la masse ? Car le public n'est pas musicologue, lecteur, il est public, charcutier, cheminot, dessinateur ou pire, kiné. A l'inverse, pourquoi un artiste aussi pointu, dans tous les sens du terme avec son physique de lame, entrerait-il dans ce genre de considérations réductrices ? Mais trop de symbolisme ne finit-il pas par tuer le symbolisme ? Oui, sans doute. Seulement voilà : ma voisine avait pleuré.



jeudi 19 janvier 2012

NFF : Maria Toledo ; Josele



Maria y José ya no están en Belén




Les chemins flamencos sont multiples. Et sans opposer tradition et création, les courants novateurs sont plus ou moins heureux. A vouloir chercher l’originalité et la créativité jusqu’à l’excès, on aboutit parfois à des « mayonnaises qui ne prennent pas ».

La première partie du spectacle de ce soir fait partie de ceux-là.

Maria Toledo, superbement moulée dans un fourreau rouge pailleté et fendu comme il se doit a fait un spectacle « Dalidesque » perchée sur de l’escarpin de 20 centimètres à faire fantasmer tous les fétichistes refoulés de la salle.
Sculpturale et belle, nimbée d’une superbe chevelure blonde, sa voix est sans conteste chaude et captivante. Elle assure, la belle. D’autant qu’elle est pianiste aussi. Mais son jeu de piano pâlichon et sans saveur n’a rien apporté à son chant, semblant plus une entrave à sa voix qu’une mise en valeur. Elle n’avait pas besoin de ça.
Un moment interminable d’un sirupeux violon pour accompagner notre Dalida nostalgique, puis La Bohème d’Aznavour chantée partiellement en français (surprise sympathique) a donné une note finale plutôt heureuse, même si elle m’a mis le moral en berne … « la bohème …. et nous étions … heu-reux …. (j’avais oublié mes kleenex à la maison).

Un « fino fresquito » plus loin … pour calmer le spleen de ma bohème à moi …


Josele, el Niño, sobre et élégant avec sa chemise blanche cravatée fait une entrée en matière plus que prometteuse. Ses doigts agiles s’échauffent et nous plongent promptement dans le bonheur.


Son toque est dans la lignée du grand Paco de Lucia … de la dentelle à l’oreille, de la légèreté non dénuée d’un fort caractère. Falsetas reconnaissables et un toque a compás qu’il « offre » à ses deux chanteurs avec un sourire complice et une attention permanente.
Dans sa virtuosité musicale, il sait se mettre à la disposition des cantaores et d’Alain Perez qui ponctue la guitare sèche du maestro d’une basse originale du plus bel effet, seule touche « exotique » de cette seconde partie du spectacle.
Inutile d’énumérer les palos qu’il a abordés. Nous n’en sommes pas à des inventaires …. Seuls les accords sont encore à mon oreille et restent des moments de grand bonheur.
Mais cette soirée nécessitait la cerise sur le gâteau, le point final qui nous laisserait un goût exaltant en bouche : la danse de Juan de Juan a été ce moment.
Une danse puissante et sauvage inspirée par des musiciens exceptionnels. Une fougue qui semblait se perdre dans des abîmes et que seules ses chaussures rouges réussissaient à canaliser, n’a pas eu raison de ce bailaor surprenant.



Car sa danse n’est pas dentelles, fioritures et effets de style. Elle est puissante et virile. Les taconeos rapides des ses chaussures rouges sont à peine visibles à l’œil nu mais bien audibles, presque jusqu’à l’exaspération. Une patá de sa jambe droite répétitive le fait bondir comme un fauve, cheveux mouillés collés au visage. Mais Juan n’en a cure … il tord ses chevilles pour frapper le sol de tous les angles possibles de ses zapatos rojos qui en portent les empreintes … Quel cordonnier pourra effacer ces belles blessures infligées au cuir par tant de virtuosité du maestro ?



Un final, comme toujours, joyeux, généreux et communicatif et me voilà partie à travers les rues glaciales de la ville …


Devant le mur de la Maison Carrée j’ai cru voir courir une paire de chaussures rouges.



Maja Lola




Le Coup du Fourreau


Cette fois-ci, lecteur, il ne t’échappera pas que j’ai pu prendre connaissance de la resena de la Lola avant de produire la mienne… il était temps que je reprenne les rênes de la déconnade de ce blog comico-taurin avant que la prose Maja-Lolienne ne s’impose par trop… Savez-vous qu’elle est pressentie dans une revue d’Art en ligne qui requiert ses services maintenant ? C’est comme je vous le dis, on vous tient au courant… En tant que fétichiste épanoui je m’inscris tout de suite en faux : les talons de la Toledo culminaient à 14 centimètres, pas plus ! Pour le fourreau rouge par contre, todo perfecto ! Moulant à souhait il était aussi agréable de la regarder arriver que s’en aller… Ben oui, mais pourquoi taire ce que tous les hommes pensaient, bien hypocritement calés dans la profondeur frustrée de leur fauteuil sous le regard en biais de leur inquisitrice conjugale ? Aaaaaah comme ils auraient voulu se lever du velours rouge, escalader les rangées de fauteuils bave aux lèvres, puis se battre comme des spermatozoïdes, pour atteindre la scène et arracher enfin ce fourreau sculptural, strassé et rouge pour, à même la chair laiteuse et palpitante sentir le flamenco les posséder ! Bon, on se calme, ce n’est que onze heures du matin, tout va bien, le ciel est bleu, làààààààà, soufflez… Enfin tout ça pour dire que si la chanteuse pianiste diplômée en droit rappelait Dalida à la revistera, je pense moi que tous les dalidas étaient dans la salle qui louchaient sur la silhouette de rêve. A en taconear de rage sur place… Bon, sinon ? Sa prestation ? Il s’agit d’une artiste qui hésite encore : Luz Casal ou Inès Bacan, vers qui me diriger ? J’ai préféré quand le rythme se ralentissait et que le cante flamenco affleurait, moins quand les mélodies la faisaient se rapprocher de la variétoche. Quant à « la Bohême » en francespagnol bien qu’elle ait requis notre indulgence et comment, lecteur, ne pas accorder son indulgence à une belle jeune femme qui te le demande en te le susurrant ainsi dans une robe-fourreau rouge pailletée qui moule si parfaitement ses… bon ok… il faudrait quand même lui dire qu’on ne chante pas « on est toro » mais « on est heureux »… quoique… à Nîmes ce n’est pas si choquant avec tous ces minotaures et tauromaches qui courent les rues. Et ses jolies boucles blondes qui cascadaient jusqu’à ses épaules ?


Le Fou du Bourreau


Pourquoi les espagnols portent-ils toujours des cravates affreuses ? Est un de ces mystères liés à l’Espagne que je n’ai jamais résolu. A moins que le goût français jamais ne s’accorde avec le goût espagnol ? Robe-fourreau exceptée ? Avec son physique et sa tenue d’aristo échappé d’un conseil d’administration, Josele, el niño, attaque fort. Enfin quelqu’un qui a une vraie guitare et pas une mauvaise gratte de bodega. Celle-là sonne distincte et musicale. Il a un bon shampoing aussi. Je vous annonce qu’il souffrira d’arthrose des inter-phalangiennes, plus tard. Avec les contraintes qu’il impose à ses doigts, il ne peut en être autrement. Sa main gauche est une araignée agile et distordue qui fond sur les cordes comme une mygale sur ses proies, tandis que la main droite peut à loisir se faire fougueuse rythmique ou délicate ponction de notes, au choix. L’ensemble est une cuadrilla de jeunes types tous talentueux avec un chanteur joufflu-barbu qui pourrait envisager une carrière solo.


Mais voici qu’au moment judicieux où l’on commençait à penser qu’il y avait un risque que l’on s’enfonçât dans la routine ‘’guitaristique’’, de haut vol certes, déboule un mal-coiffé, un jockey du zapateo, un Lucky-Luke des tablaos, un petit démon. Assez laid à regarder danser finalement – pas de délié ni d’amplitude – mais alors électrifié de première ! D’un électromyogramme à affoler le neurologue le plus aguerri ! Tous les pic-verts réunis de la forêt de Brocéliande ne font pas autant de bruit que lui, et pourtant ce sont des pros… A un moment, au bord de la scène, zapateant de plus belle, j’ai cru qu’il allait sauter sur Maja Lola qui à deux rangées du bourreau de planches appelait d’évidence cet envol de ses vœux les plus raisonnables… pour les plus fous, allez savoir… en tout cas avec ses deux copines dans quel état il les mettaient, le frénétique ! Et vas-y que je me trémousse sur mon siège, que j’applaudis comme un Inuit tentant de se décongeler los dedos, que je crie des ‘’Olés’’ à gorge profonde et déployée.... Alors évidemment l’autre nervoso pardi, il taconait de plus belle ! Oooh là-làààà quel échange ! Il a mouillé la chemise et au sens propre ! Plus il était décoiffé et en sueur, plus la bande des trois était subjuguée. A un moment il a enchaîné sept pirouettes d’affilée et il allait si vite qu’il y eût sept projections toupineuses de perles de sueur sur fond noir. J’espère que cela a été filmé au ralenti, cela doit être très beau, cette brumisation centrifugée argentée qui atterrissait sur les genoux des filles qui la récupéraient pieusement avant de s’en oindre le visage avec délectation en poussant des râles de désir et des feulements de frustration… Bon, il est possible que j’exagère à peine mais excellente soirée donc, au final. Le peuple espagnol sait communiquer avec les siens. Suffirait de changer de cravate et l’harmonie règnerait.






PS : por Maria ''del Fourreau'' Toledo : soy uno masajista frances muy agradable pero biodégradable tambien y si jo no habla bien tu lengua, quisiero te digar que si tu guapos musclos te duele despues tu scenica performance, puedo venir -petit, petit, petit - a mi cabineto de fisiotérapia por una pequenita séance - gratis naturalmente- de intense relaxacion...


Si venga con el bailaor freneticos mi amiga Lola sera muy contenta...


PPS : photos chouravées à l'Iphone, même qu'Houria elle n'y a vu que du bleu...























mercredi 18 janvier 2012

NFF : Rosa de los Vientos


Maravillosa Rosa de los Vientos

Ce soir nous avons eu un récital presque intime. Juan Ramón Caro, guitariste maître total de son art, a démontré que sa guitare était le prolongement complice et naturel de sa virtuosité.

Discret, attentif et tout à l’expression de sa musique, il nous a emportés littéralement avec soléas, seguiríyas, alegrías, tangos … Ses délicats effleurements de cordes, sa façon d’étreindre et de jouer de sa guitare évoquent l’amour de l’artiste pour la féminité de son instrument. Et il en joue en amoureux transi et fusionnel, pour notre immense bonheur.

David Dominguez lui a servi des percussions qui se mariaient harmonieusement à son toque … ces deux-là savent se parler, c’est une évidence.

Seule déception : le cante du « Salaito », un peu faible et poco salao au début, a fini par donner plus de corps en fin de récital … au moment des bulerías.

Passons de l’étouffement à la révélation : un Marco Flores brillant de grâce, de beauté et de technique.

Ses zapateos sont énergiques sans être lourds. Il ne démonte pas le plancher mais rythme son corps par des piqueteos mesurés tant le temple de ses pieds est tout en classe et maîtrise. Corps droit et élégant qui garde sa virilité malgré ondulations et braceos.

Dans une rapidité d’exécution étonnante, son visage expressif danse au rythme du phrasé inaudible que ses lèvres articulent pour nous « parler » sans mots, émettre, de sa danse, comme le fait son corps.

Puis un instant court, moment inoubliable : seul son taconeo doux, ses griffures de zapatos glissant sur le sol, sans musique, ses bras élégants zébrant l’air, muñecas ondulantes, tout près du bord de scène, tout près de nous … on entend son souffle proche et profond … et le notre, souffle, s’arrête !

La bulería finale lui offre un déchaînement festif moins académique qui illumine son visage de bonheur partagé.

Belle soirée. Mesdames et messieurs les absents …. vous avez eu tort !

Maja Lola