mercredi 5 novembre 2008

LA CUADRILLA DEL ARTE III

BERESINAS DEROUTES NAUFRAGES




Au début, ça frime toujours un peu. On envisage crânement de se jouer de berceaux d’envergure et de pointes aiguës… On rigole, on se provoque, on se lance des défis de Marseillais, on s’apostrophe, se prédit d’amicales catastrophes pour ‘’s’encourager’’ et puis il arrive un moment, le Moment, où l’on est seul face à la bête noire. Et là, c’est curieux comme les sens se bouleversent et surviennent les manifestations physiques : le thorax se comprime, le souffle se coupe, la déglutition s’englue, on n’entend plus rien. Pourtant, le ‘’foutage de gueule’’ de vos amis bat son plein, soyez-en-sûrs, mais non, on n’entend rien. Une espèce de bourdonnement intérieur brouille tout, empêche les afférences. On est en boucle, soi avec soi dans le moi, coi. Toutes les prévisions se sont volatilisées. Le moindre enchaînement, perdu. La moindre théorie, évanouie. La logique élémentaire nous échappe, le cerveau ne raisonne plus : sous le crâne, dans la poitrine et les jambes, c’est la tempête des émotions. L’épée est du mauvais côté de la muleta et avec précaution, lentement, on avance imaginant à chaque petit pas comptés, les enjambées éperdues qu’il faudra dérouler si jamais – 99,999% de chances – il faut fuir d’urgence, la bête ombrageuse aux trousses, sous les quolibets des planqués. Si j’avais à définir un torero je parlerais d’abord d’un type assez fataliste pour accepter l’idée de se ridiculiser en public ; de sprinter comme un dératé, de franchir la barricade en catastrophe, de se casser la figure dans le callejon. Espantada en espagnol. C’est très cruel pour quelqu’un censé incarner le courage. Malheureusement pour nous, ce jour-là, une autre escouade d’ouvriers du bâtiment restaure la finca . Enfin, restaurait… car voyant que c’était jour de corrida, ils se sont installés sur les tribunes de la petite arène : être ridicules entre amis, faut déjà passer l’épreuve, mais si en plus des spectateurs témoignent, répandent notre infortune dans toute l’Andalousie, cela devient une vraie thérapie anti-ego surdimensionné…
Donc, l’arène comble, les toreros présents, les clarines de la peur pouvaient retentir et la bête sortir. Remarquez, dans mon dictionnaire, à l’entrée ‘’corrida’’ répond la définition : désordre, tohu-bohu. En ce sens on a été assez bons. La suite n’est pas vraiment racontable. On y est allé, chacun à son tour et on savait bien que la fin rappellerait les figuras de las Ventas lors des grands rendez-vous : le triomphe ou l’infirmerie. Ce fut l’infirmerie. Je retiens de cette bête la contrariété évidente que je lisais dans son œil et son attirance plus marquée pour nos fragiles personnes que pour la muleta. Moi aussi José, j’aurais bien laissé mon corps à l’hôtel… Manolo nous expliquera plus tard avec un malin plaisir pourquoi nos muletas ne les subjuguaient pas. Pour les comptes rendus circonstanciés de ces faenas inoubliables, veuillez vous fier au reportage photo plus abruptement explicite que tout récit forcément ampoulé. Dernière précision, l’outil statistique permettant de suivre la fréquentation de ce blog jouit d’une fonctionnalité originale : je saurai qui s’est moqué…

2 commentaires:

Benjamin a dit…

N'y-a-t'il eu personne pour vous prendre en photo M. Delon ?
El fenomeno

Marc Delon a dit…

Ben si ! en bas, la quatrième à droite, les pieds en l'air et les mains sur la tête, c'est moi...