VOYAGES A DAX
GUY LAGORCE
Pendant de longues années, le reportage au long cours m’a permis de parcourir la planète et d’assouvir une soif maladive de voyages. Que reste-t-il de tout cela ? Pas grand chose à vrai dire. Au fil du temps, je me suis aperçu, y compris dans les régions les plus exotiques, voire tout à fait extravagantes, que l’excitant c’était de partir et non pas d’arriver. Un peu comme, dans un autre domaine, lorsqu’on monte l’escalier. Les seuls vrais beaux voyages, on ne les accomplit qu’en lisant ou, mieux encore, en rêvant et espérant. Il n’est de voyage que sentimental, comme celui que je fais cinq fois l’an, pendant la feria de Dax. Il est long de deux cent mètres ( une belle distance ! ) ; il sépare le Splendid des arènes et enjambe un gouffre d’années. Deux cent mètres en plein centre de Dax, ville accueillante et tendre en dépit de son nom qui claque comme un drop ou une estocade réussis.
Ce voyage suffit pour des nuits à nourrir l’imaginaire. Comment vont sortir les Victorino Martin ? Comment va se conduire cette araignée mystique qu’est José Tomas ? Et cet enfant de Dieu qu’est Ponce ? Car aimer les toros, c’est porter une croix et en éprouver du bonheur. C’est, comme disait le poète, « aimer d’un amour taciturne et toujours menacé » C’est aussi un voyage dans les « années d’avant ». Avant que l’individu ne devienne un consommateur et l’homme un simple client. Avant l’Ena, la technologie, l’ordinateur ; avant la naissance de nos dieux bien rasés d’aujourd’hui.
Il faut savoir que depuis les fortunes diverses subies par le « Titanic », le « France » et autres « Queen Mary », le dernier grand transatlantique à survivre ( ne pas confondre avec les usines à bronzer flottantes actuelles ) s’appelle le Spendid. Il est amarré à Dax entre l’Adour et les arènes.
Deux cent mètres donc séparent ces deux monuments, joyaux construits en 1913 et 1930. En ces lointaines époques, l’irrationnel n’était pas encore considéré comme politiquement incorrect.
De ces années mortes, tout demeure entre Splendid et arènes : la folie, la fraternité, les engueulades, l’alcool, les repas et les discussions qui durent quatre heures, la fumée des cigares qui monte sous des plafonds hauts de plus de six mètres…et puis, peu à peu, au fur et à mesure que l’on fend la foule sous les tilleuls et les chênes du parc Théodore-Denis, monte l’âcre odeur de l’urine, de la bouse, du crottin de cheval, du vieux cuir, l’odeur du danger, de la mort. L’odeur même du « toro bravo ». Alors, sur les visages hilares se plaque soudain un air de gravité. Et quand sonnent les clarines et que s’ouvre la porte du toril, mon cœur chavire.
Commence le mystère… Sur le sable jaune, un homme en bas roses, habillé comme l’étaient ses pères en 1800, combat un animal qui n’a plus aucune raison « objective » ( comme disaient les marxistes ) d’exister. Tout n’a donc pas été « normalisé » en dépit de la meute de plus en plus compacte des humanistes bien-pensants.
Je compte les jours qui me séparent de ces deux cent mètres plus dépaysants que deux cent tours du monde en voyage organisé.
Ce voyage suffit pour des nuits à nourrir l’imaginaire. Comment vont sortir les Victorino Martin ? Comment va se conduire cette araignée mystique qu’est José Tomas ? Et cet enfant de Dieu qu’est Ponce ? Car aimer les toros, c’est porter une croix et en éprouver du bonheur. C’est, comme disait le poète, « aimer d’un amour taciturne et toujours menacé » C’est aussi un voyage dans les « années d’avant ». Avant que l’individu ne devienne un consommateur et l’homme un simple client. Avant l’Ena, la technologie, l’ordinateur ; avant la naissance de nos dieux bien rasés d’aujourd’hui.
Il faut savoir que depuis les fortunes diverses subies par le « Titanic », le « France » et autres « Queen Mary », le dernier grand transatlantique à survivre ( ne pas confondre avec les usines à bronzer flottantes actuelles ) s’appelle le Spendid. Il est amarré à Dax entre l’Adour et les arènes.
Deux cent mètres donc séparent ces deux monuments, joyaux construits en 1913 et 1930. En ces lointaines époques, l’irrationnel n’était pas encore considéré comme politiquement incorrect.
De ces années mortes, tout demeure entre Splendid et arènes : la folie, la fraternité, les engueulades, l’alcool, les repas et les discussions qui durent quatre heures, la fumée des cigares qui monte sous des plafonds hauts de plus de six mètres…et puis, peu à peu, au fur et à mesure que l’on fend la foule sous les tilleuls et les chênes du parc Théodore-Denis, monte l’âcre odeur de l’urine, de la bouse, du crottin de cheval, du vieux cuir, l’odeur du danger, de la mort. L’odeur même du « toro bravo ». Alors, sur les visages hilares se plaque soudain un air de gravité. Et quand sonnent les clarines et que s’ouvre la porte du toril, mon cœur chavire.
Commence le mystère… Sur le sable jaune, un homme en bas roses, habillé comme l’étaient ses pères en 1800, combat un animal qui n’a plus aucune raison « objective » ( comme disaient les marxistes ) d’exister. Tout n’a donc pas été « normalisé » en dépit de la meute de plus en plus compacte des humanistes bien-pensants.
Je compte les jours qui me séparent de ces deux cent mètres plus dépaysants que deux cent tours du monde en voyage organisé.
2 commentaires:
Merci pour ce texte dans lequel de nombreux aficionados se reconnaîtront...
Les "bouchons" sur l'A9 (!)en allant à Céret, les longues lignes droites des Landes avant d'arriver à Parentis.., sont mes "deux cents mètres", et m'apportent les mêmes émotions.
Merci
Un peu déçu par ce texte qui résume une ville à deux lieux.
Les arènes et plus encore le Splendid font surtout la joie des "bouffons" (comme les nomment les indigènes).
Pour traquer l'autochtone, il convient de porter le casque colonial et de se risquer dans les gourbis. C'est plus sauvage mais plus exotique et excitant.
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