samedi 10 janvier 2009

David LODGE is not a pig...



Dans "Thérapie" David Lodge nous entretient des problèmes existentiels de son narrateur Lawrence Passmore alias "Tubby", apodo peu flatteur dû à un morphotype ingrat. Il est scénariste de sitcom à succès avec tout l'environnement affectif et l'aisance matérielle que cela suppose : villa en quartier résidentiel partagée avec Sally une femme superbe, appartement et maîtresse à Londres. Mais "Tubby" n'est pas un pig non plus et n'abuse de sa maîtresse qu'au moyen de belles paroles platoniques, tandis qu'il jouit avec sa femme d'une sexualité épanouie : étonnant, non ?
Seulement voila, une douleur au genou le taraude. Un genou devenu pour le lecteur, le baromètre jubilatoire de sa dépression naissante qu'il tente de soigner par un nomadisme thérapeutique effréné : Kiné, acupuncteur, chirurgien... dressant au passage leur portrait caustique. Mais personne ne semble détenir la solution pour soulager ce mal si délicat à diagnostiquer et qu'on préfèrera finalement nommer d'un "PIG" générique qui ne mange pas de pain : problème interne de genou. Il s'interroge sur le sens de sa vie mais plus il se sent malheureux, plus les difficultés conjugales et professionnelles semblent s'accumuler le laissant alors bien souvent devant un autre pig : point d'interrogation générale. Il se tournera vers les écrits de Kierkegaard, "Ou bien...Ou bien" notamment, attirera son attention et sûrement celle de quelques aficionados, par le personnage que ces lignes semblent évoquer, qui m'est immédiatement venu à l'esprit et au-delà peut-être, auquel tous les toreros peuvent s'identifier. Voici l'extrait :
Mon attention a été attirée par un court chapitre du premier volume, intitulé "le plus malheureux". Selon Kierkegaard, le malheureux est "toujours absent de lui-même, jamais présent en lui-même" Ma première réaction a été : non, erreur, mon vieux soren : je pense sans cesse à moi, c'est bien l'ennui. Mais je me suis dit aussitôt, penser à soi n'est pas la même chose qu'être présent en soi. Sally est présente en elle-même car elle se prend telle qu'elle est, elle ne se met pas en doute-ou du moins, pas pour longtemps. Elle coïncide avec elle-même. Tandis que moi, je ressemble à l'un de ces personnages de bande dessinée de qualité médiocre, où la couleur est un peu décalée par rapport au dessin : soit elle ne remplit pas le contour, soit elle déborde, comme s'il y avait un flottement. C'est tout moi : Mac Malheur, le menton bleu en avant qui ne colle pas tout à fait avec la mâchoire. L'être malheureux, explique Kierkegaard, n'est pas présent en lui-même parce qu'il est dans le passé ou l'avenir. Il vit dans l'espoir ou le souvenir. Soit il pense que c'était mieux avant, soit il espère que ça ira mieux après, mais ça va toujours mal dans le moment présent. Ce n'est que trop vrai. Et, précise K :
"Les êtres malheureux par l'espoir ne portent jamais comme les êtres malheureux par le souvenir, cette empreinte douloureuse. Les êtres qui vivent dans l'espoir ressentent toujours une déception moins cruelle"
Quelle belle formule cette "déception moins cruelle". Je me suis demandé si j'étais un malheureux par le souvenir ou un malheureux par l'espoir, et tout bien pesé je me suis rangé dans la seconde catégorie. Je me tourmente quand j'ai une décision à prendre, j'essaie de me prémunir contre tout déboire, mais si les déboires surviennent quand même, je n'en suis pas étonné. Je peux être surpris, désagréablement, par un revers particulier, mais sur un plan général cela ne fait que confirmer ma conviction fondamentale que les pires infortunes sont toujours inattendues. Si vous faites partie des malheureux par le souvenir, vous ne croyez pas vraiment que ça ira mieux dans l'avenir (sinon, vous ne seriez pas malheureux) Ainsi, lorsque en effet ça ne va pas mieux, c'est la preuve que vous avez eu raison tout au long. Voila en quoi votre déception est moins cruelle. Pas mal, hein ?
D'un autre côté me suis-je dit, j'ai aussi une impression persistante que ça allait mieux dans le passé- que j'ai du connaître le bonheur, mais que, quelque part en chemin, je l'ai perdu, je l'ai gâché, je l'ai laissé s'échapper.
J'ai jadis été présent en moi-même sans le savoir, mais je ne peux me souvenir de cet état que par fragments fugaces, comme la finale de la Coupe du monde en 1966, et je ne peux pas le retrouver. J'ai alors poursuivi plus loin ma lecture et j'ai découvert que l'être le plus malheureux est les deux à la fois.
" Cela tient, d'un côté, à ce qu'il espère toujours ce dont il doit se souvenir; son espoir est toujours frustré, mais l'être en découvre le motif : le but n'a pas été reculé, mais il a été dépassé, il a été déjà vécu ou aurait pu être vécu et est ainsi passé dans le souvenir. D'autre part il se souvient toujours de ce qu'il aurait du espérer, car il a recueilli dans ses pensées ce qui devrait venir, il l'a vécu intimement et il se souvient de ce qui a été ainsi vécu, alors qu'il devrait l'espérer. Ce qu'il espère se trouve donc derrière lui, ce dont il se souvient se trouve en avant... Il est toujours tout près du but et à l'instant même, il en est éloigné; il découvre alors que ce qui à présent le rend malheureux, parce qu'il l'a atteint ou parce qu'il est ainsi, c'est justement ce qui, il y a quelques années, l'aurait rendu heureux s'il l'avait atteint, tandis qu'il devint malheureux de ne pas l'atteindre"
Pas à tortiller, ce type-là, c'est moi. Le plus malheureux. Qu'est-ce que j'ai donc à faire une tête épanouie en lisant ces lignes ?
Fin de l'extrait. Une lecture passionnante. L'auteur raconte par exemple une partie de la même histoire depuis la subjectivité d'un autre personnage ce qui en devient d'une drôlerie so british irrésistible. Il finira enfin par mettre son narrateur sur la route en quête de son premier sein, d'une beauté indicible, d'une texture incomparable, du souvenir le plus émouvant, le premier qu'il caressa de sa main d'adolescent, celui qui lui fit connaître l'émoi le plus pur. Le retrouvera-t-il alors qu'il se lance sur les chemins de Compostelle à la poursuite de cette femme elle-même en quête d'un autre saint ?

5 commentaires:

Anonyme a dit…

....nous non plus !!!!!!!!!!!!!!!

Anonyme a dit…

non, la je sèche. j'ai beau essayer de comprendre ton spitche our ce livre mais honnèetement et sans honte je n'ai strictement rien capte

Marc Delon a dit…

Je reconnais c'est un peu compliqué : moi-même parfois quand je me relis... ;-)

il y a le texte de Lodge dont le héros et narrateur est Lauwrence Passmore.

Outre le décor de l'histoire que j'essaye de planter, je publie un passage du livre :

L'extrait choisi est une lecture que fait ce narrateur, de Kierkegaard. Et le bloggeur, lui, (moi...) trouve que ce texte sur "les malheureux par le souvenir" fait penser à un personnage bien connu que tout le monde a du reconnaitre puisque personne ne m'a demandé à qui je pensais (sauf qu'il est possible que tout le monde ait abandonné la lecture de cette critique à la quatrième ligne tant elle est obscure...)

Maintenant, tout le monde se débrouille en achetant le livre, moi je ne peux faire mieux...

Anonyme a dit…

marc, tu es gonflé de t'etre fait passer pour moi. je n'ai jamais écrit ce commentaire, en plus tu me fait passer pour quoi? tu as vu les fautes d'orthographes , c'est affreux je viens de prendre un sale coup a charge de revanche et comme on dit chez toi à la revoyure, poteau .......

Marc Delon a dit…

What ? je n'interviens que sous mon nom Virginie, tu te trompes...